Pour son troisième roman, Qui a tué mon père (Seuil), Edouard Louis sera présent le 25 mai à la librairie Ombres Blanches à partir de 18h.
Le nouveau roman d’Edouard Louis était très attendu. A tout juste 25 ans, le jeune romancier s’est déjà imposé parmi les valeurs sûres de la littérature française. Son premier roman, En finir avec Eddy Bellegueule, avait été salué par la critique. Il y décrivait son enfance dans le Nord de la France. Mais ce qui avait surtout séduit était son style, son franc parler, ses mots tranchants pour décrire sa réalité. Une écriture très personnelle mais qui nous faisait penser à celle d’Annie Ernaux. Ecrivain qu’Edouard Louis aime citer. Tous deux ont ce point commun de vouloir mettre en lumière la vie des gens simples en passant par l’observation du cadre intime et essentiellement familial. Avec Qui a tué mon père, Edouard Louis renoue avec cette plume incisive qui ne mâche pas ses mots.
Une réconciliation avec le père ?
Tout commence lors d’une visite d’Edouard Louis à son père. Edouard ne l’a pas vu depuis longtemps, et lorsque son père ouvre la porte, il ne le reconnaît presque pas. Et pour cause, son père a des difficultés à se déplacer et à respirer. Il n’est pourtant pas très vieux. Et est même en âge de travailler. Or, c’est son travail qui l’a rendu ainsi, infirme. Edouard Louis découvre avec effroi un homme complètement abattu.
Alors Edouard Louis revient sur l’image du père qu’il avait déjà très bien décrite dans En finir avec Eddy Bellegueule. Il rappelle cette présence écrasante, ce père austère, autoritaire qui a honte de son fils lorsqu’il danse devant ses amis. Mais dans Qui a tué mon père, Edouard va encore plus loin, il montre l’ambiguïté de cet homme dur qui peut aussi faire preuve de futilité en achetant des gadgets inutiles, qui roule à toute allure au bord de l’eau, qui a l’œil qui brille devant un opéra, ou qui chante à tue-tête du Céline Dion dans son auto. Édouard se questionne sur cet homme qu’il ne connaît presque pas finalement.
Le cri politique d’Edouard Louis
Et la découverte le stupéfait. Il découvre un homme qui a toujours travaillé dur, pire, qui a subi la vie, le quotidien. Qui travaille dans la peur qu’on le taxe de fainéant. Pour qui la vie est rude car l’argent est rare et l’amour absent. Un laissé-pour-compte par la politique qui ne sait rien de son histoire, ni de ses difficultés. Édouard Louis énumère avec brio les différentes réformes et lois des politiciens qui se fichent de l’impact que celles-ci causeront sur les êtres comme son père. Des décisions qui, pour lui, ne sont pas des ornements mais réellement des vérités qui s’appliquent au quotidien et l’étouffent toujours plus. « Tu appartiens à cette catégorie d’humains à qui la politique réserve une mort précoce », écrit Édouard.
Le roman est court mais condense une forme d’émotion à la fois contenue et rageuse. Celle d’une société, plus précisément d’une politique, qui a fait déchoir son père. Un corps encore jeune et qui pourtant porte tous les stigmates d’une vie rude et que les lois n’ont pas su protéger. Au contraire, les lois le submergent, l’accablent, le font plier encore plus. Le roman est brutal comme la vie peut l’être et on sent toute l’urgence qui guide l’écriture « ce que je dis ne répond pas aux exigences de la littérature, mais à celles de la nécessité et de l’urgence, à celle du feu. » Pas de doute quant à la réussite du propos de ce roman. Avec une économie de moyens Edouard Louis en dit bien plus que n’importe quel discours clinquant. Et tout cela avec un vocabulaire sensible et universel. En sommes, un petit bouquin pour un grand moment de lecture !
Sylvie V.
photo: Edouard Louis © Arnaud Delrue.
Qui a tué mon père, Edouard Louis, Seuil, 96 p.