Jean-Louis Martinoty les avait voulues omniprésentes : tapies, assises, debout, seules ou groupées, à cour, à jardin, en arbres, devant , derrière, présences ou reflets. Les sorcières conduisent le bal de mort en dansant à pile ou face, visages avenants et robes blanches – mais imprimées d’ossements – en miroir avec crânes et squelettes en capes noires. Elles virevoltent, grouillent, touillent la potion où sont jetés serpents, hiboux et chats noirs en peluche. Les sicaires se camouflent en pierres moussues, le tronc noueux de l’arbre renversé dessine des têtes effrayantes. Des ombres se faufilent derrière les colonnes qui pivotent en forêt ou en miroirs mis en abyme. Des poupées de Bellmer, chimères grotesques plutôt qu’Ondines et Sylphides, hantent le cauchemar du meurtrier. Peu de sang, mais des cadavres, et une interrogation posée par la table du banquet où est apparu le spectre de Banco, soudainement élevée face à la salle : pouvons-nous nous regarder dans une glace sans qu’apparaisse quelque fantôme ?
Si la scénographie est astucieuse, la direction d’acteurs (reprise par Frédérique Lombart), fait hélas défaut et les solistes viennent la plupart du temps chanter face public sans interagir avec leurs partenaires, sapant l’intensité dramatique.
Le vert, couleur maudite au théâtre. C’est de vert qu’est vêtue Lady Macbeth, sirène au chant d’emblée séducteur et maléfique. Béatrice Uria-Monzon, à la fois noble et manipulatrice, incarne le rôle avec grande intelligence et maîtrise des difficultés. Méconnaissable en cheveux blancs de somnambule, elle erre, fantôme hagard, dans le labyrinthe où se reflètent cent bougies, quittant la scène sur un fil di voce.
Vitaliy Bilyy semble emprunté en Macbeth, le chant souvent plat, sans grande terreur. Le choix du finale de 1847 n’aide pas l’acteur qui littéralement doit ressusciter pour mourir de nouveau en chantant.
La basse In Sung Sim séduit immédiatement l’oreille avec un Banco luxueux, on regrette que le personnage soit assassiné si tôt. De même le jeune ténor Otar Jorjikia est une belle découverte en Macduff. Les deux jeunes filles de la Maîtrise du Capitole sont parfaites en apparitions et on remarque les magnifiques interventions de Carlos Rodriguez, artiste du Chœur, en médecin.
Le Chœur du Capitole, très sollicité, est comme toujours admirable, avec une mention spéciale aux dames–sorcières. Michele Gamba dirige un Orchestre sublime, ménageant silences et respirations. C’est assurément la musique qui suscite l’émotion.
Photos © Patrice Nin
Capitole, 20 mai 2018
Une chronique de Una Furtiva Lagrima.