Plaire, aimer et courir vite, un film de Christophe Honoré
Au début des années 90, le SIDA commence à frapper fort. Douloureusement fort. Dans un monde où tout s’écroule, l’amour aide à passer de l’autre côté du miroir.
En compétition à Cannes cette année, le dernier opus de Christophe Honoré revient sur un temps qui transpose clairement le scénario dans le cadre d’une autobiographie des jeunes années du réalisateur, lorsqu’il était à peine majeur, au début de la décennie 90 du siècle dernier. Nous faisons rapidement connaissance avec Arthur, 20 ans, étudiant à Rennes. C’est dans cette ville que le hasard lui fait croiser le regard de Jacques, un écrivain largement trentenaire, vivant à Paris avec son fils.
Une séance de cinéma suffit à ces deux hommes pour comprendre que la vie leur a réservé un immense cadeau : une histoire d’amour. Mais très vite, ce cadeau, aussi fulgurant, partagé, passionné, sincère, profond, soit-il, se révèle…empoisonné. En effet, Jacques est de cette génération qui a été surprise par le SIDA, ce virus inconnu qui longtemps, masqué, s’est infiltré dans la communauté homosexuelle pour y faire les ravages que l’on sait. Jacques est donc séropo. Arthur, et c’est toute la différence, est entré dans ce milieu, parfaitement averti, conscient et responsable. Entre ces deux hommes, les liens sont charnels, certes, mais ce n’est pas si simple. L’évidence de leurs sentiments est presque violente, irrépressible. Alors, une dernière romance avant le grand saut ? Jacques ne peut s’y résoudre, sachant sa fin prochaine. Pas plus qu’il ne veut infliger à son jeune amant la douleur d’une séparation inéluctable. Il va tout faire pour s’en éloigner, allant jusqu’à le vouvoyer ou lui interdire l’entrée de sa chambre. Arthur s’accroche malgré tout…
Si le film de Christophe Honoré n’a pas la puissance militante, ce qui n’est pas son objet d’ailleurs, du génial 120 battements par minute de Robin Campillo (2017), il n’en demeure pas moins la bouleversante histoire d’un voyage, le dernier, celui au cours duquel l’élémentarité de la vie s’impose, avec ses questions et ses semblants de réponses. Cet ultime voyage nous le faisons bien sûr dans les pas de Jacques, irrésistible, magnétique et formidablement émouvant Pierre Deladonchamps. Mais ce chemin de traverse fatal se double d’un parcours initiatique, celui que prend Arthur. Jacques se transforme en mentor pour le jeune rennais, lui donnant les codes d’un univers dans lequel l’urgence des étreintes peut se conjuguer avec une infinie tendresse. Voire beaucoup plus. Voilà ce que raconte ce film dans lequel nous croisons aussi, dans un rôle un brin à contre-emploi, Vincent Lacoste (Arthur) et le toujours juste et excellent Denis Podalydès. Depuis ses sublimes Chansons d’amour en 2007, ce réalisateur ne nous avait pas autant séduits.
Robert Pénavayre
Plaire, aimer et courir vite – Réalisateur : Christophe Honoré – Avec : Pierre Deladonchamps, Vincent Lacoste, Denis Podalydès…
Pierre Deladonchamps – Plus tout à fait un inconnu…
Bac littéraire en poche, Pierre envisage des études commerciales. Très rapidement, il va changer son fusil d’épaule et se tourner vers une formation théâtrale. De séries tv en téléfilms, ce jeune nancéen peaufine son métier. En 2013, Pierre a 35 ans, Alain Guiraudie l’engage dans le premier rôle de ce qui demeure son chef-d’œuvre : L’Inconnu du lac. A la clé le César du Meilleur espoir masculin 2014 pour Pierre Deladonchamps ainsi que le début d’une prometteuse carrière pour ce dernier dans laquelle Le Fils de Jean (Philippe Lioret/2016) compte parmi ses plus belles réussites.