L’Orchestre national du Capitole de Toulouse invite les pianistes Roger Muraro, Fazil Say et Nicholas Angelich pour l’interprétation de concertos de Saint-Saëns, Prokofiev et Ravel, à Toulouse et à la Philharmonie de Paris.
L’ Orchestre national du Capitole de Toulouse invite prochainement à la Halle aux Grains Fazil Say, grand pianiste et compositeur turc à l’éclectisme revendiqué : «J’utilise tous les langages à ma disposition, explique-t-il : musique tonale, jazz, musique turque, écriture dodécaphonique, mais je me refuse à tomber dans un système. Je fais partie de ces artistes qui ont vu combien une certaine musique contemporaine a pu se séparer du public après la Seconde Guerre mondiale. Ou plutôt, j’arrive à un moment où cette séparation est derrière nous, où il nous faut prendre la mesure de l’héritage immense qui nous est légué. Et pour moi qui ai un pied dans chacune des deux cultures, cet héritage est d’autant plus vaste».
Fazil Say livrera à Toulouse son interprétation du Deuxième concerto de Camille Saint-Saëns, sous la direction de Marcelo Lehninger, jeune chef né au Brésil d’un père violoniste et d’une mère pianiste. Œuvre créée à Paris en 1868, Salle Pleyel, par le compositeur lui-même et sous la direction du pianiste Anton Rubinstein, le Deuxième concerto est une commande de ce dernier. Écrit en dix-sept jours, il se libère des traditionnelles pages romantiques pour débuter par un fameux solo de piano alors que sa partie orchestrale est peu développée: «Un Concerto qui commence comme du Bach et finit comme de l’Offenbach», nota George Bernard Shaw. L’Andante initial y est dominé par la cadence de soliste qui ouvre et referme ce mouvement lent, puis l’élégant Allegro Scherzando qui suit adopte la forme sonate, comme le Presto final qui sollicite la virtuosité du pianiste dans une danse effrénée avec l’orchestre.
Tugan Sokhiev et la phalange toulousaine retrouvent Nicholas Angelich, pianiste éclectique à la sensibilité inouïe dont le sens de l’introspection est aussi impressionnant que sa capacité à déchaîner des ouragans. Ils interprèteront le Troisième des cinq concertos de Serge Prokofiev à la Halle aux Grains, puis à la Philharmonie de Paris. Pièce créée par le compositeur en 1921, à Chicago, elle fut achevée quelques jours plus tôt en Bretagne et écrites à partir d’ébauches datant de 1913 et de thèmes imaginés trois ans plus tard. De facture plus classique et modérée que les précédents opus de Prokofiev pour l’instrument, cette œuvre admirable affiche ainsi un climat plus léger : premier mouvement d’un lyrisme aux couleurs russes, mouvement central à l’élégance chorégraphique, premier mouvement et finale parcourus d’une joyeuse énergie.
Autre compositeur, le Français Bruno Mantovani dirigera le Concerto pour la main gauche deMaurice Ravel, interprété à Toulouse par Roger Muraro, fin spécialiste du répertoire français. Composé pour Paul Wittgenstein, mutilé au front lors de la Première Guerre mondiale, il est créé à Vienne en 1932 dans une version remaniée par l’interprète qui le jugeait trop virtuose pour le soliste – la main gauche devant se déployer sur tout l’espace du clavier. Construit en un seul mouvement, traversé d’influences jazz – comme le Concerto en sol du compositeur –, il est secoué d’une énergie redoutable alors que le pianiste doit affronter d’une main la masse orchestrale. Sombre et angoissante, cette œuvre sans programme est pourtant imprégnée des menaces d’explosion d’un nouveau conflit mondial.
Jérôme Gac
Concerto pour la main gauche de Ravel,
par R. Muraro (piano) et B. Mantovani (dir.), samedi 5 mai ;
Concerto n°2 de Saint-Saëns, par F. Say (piano) et M. Lehninger (dir.), samedi 26 mai ;
Concerto n°3 de Prokofiev, par N. Angelich (piano) et T. Sokhiev (dir.), samedi 2 juin ;
20h00, à la Halle aux Grains, place Dupuy, Toulouse. Tél. : 05 61 63 13 13.
N. Angelich © Jean-Baptiste Millot
F. Say © Marco Borggreve