La Fondation Bemberg et donc Toulouse viennent de s’enrichir de deux pièces majeures du XVIIè, l’une de Francisco de Zurbarán, l’autre de Pietro Paolini. Elles viennent juste d’être accrochées aux cimaises, à peine arrivées dans notre chère Ville Rose. Elles attendent votre visite.
Nous les devons à la réactivité du Directeur du musée de la Fondation, Philippe Cros, qui a su se transporter dans l’urgence jusqu’à la vente aux enchères ayant lieu à Madrid cet hiver pour emporter le Zurbarán (+infos), et d’autre part jusqu’à la Foire de Maastricht pour abandonner quelques euros en échange du Pietro Paolini (+infos).
Les deux sont en bonne place dans la salle adéquate au premier étage de ce musée qui, heureusement, devient de plus en plus absolument incontournable comme lieu de visite dans notre région.
Concernant le plus emblématique des deux, sachez que Francisco de Zurbarán a retrouvé il y a peu son vrai rang dans la peinture espagnole, le tout premier, aux côtés ni plus ni moins du Greco et de Velasquez. Celui qui fut baptisé “peintre des moines“ tout simplement pour avoir atteint la perfection dans ce secteur précis de la création artistique. Il imprime au sujet qu’il représente une sorte de cachet personnel qui, outre son style propre, le fait considérer comme l’inventeur dudit sujet. Mais comme ici le visage de l’enfant le prouve, ce n’est pas dans la seule représentation des moines qu’il faut rechercher le génie de Zurbarán, mais dans sa faculté absolument unique de saisir sur des visages l’expression fugitive et bouleversante d’un être transfiguré par la foi par exemple, ou la simple innocence.
« L’enfant Jésus se blessant avec la couronne d’épines dans un paysage » de 1645-1650 ? est à rapprocher d’un autre tableau du peintre dit « la maison de Nazareth » dans lequel à la place du paysage nous avons la Vierge Marie. Pour voir ce dernier il faudra aller jusqu’à Cleveland. Zurbarán, comme Velazquez, sont des artistes d’une originalité exceptionnelle. Ils ont pu développer leurs dons qui, en d’autres temps peut-être, n’auraient pas aussi bien coïncidé avec les aspirations esthétiques et spiritualistes de leurs contemporains. Dès 1927, un certain Christian Zervos écrivait : « le Greco excepté, et peut-être Velasquez, dont il est l’égal, sinon supérieur, Zurbarán dépasse tous les autres peintres espagnols. Et cependant, son œuvre n’est pas connue et reconnue à sa juste valeur…jamais Velasquez n’a réussi comme lui à abstraire et à exprimer seulement ce qui est en l’homme d’essentiel et de permanent… Zurbarán réussit à purger le personnage représenté de tout ce qui est individualité extérieure. L’accident, les sentiments superficiels, l’action du moment, il les supprime… C’est en lui-même que l’être enferme le surnaturel. »
Rien que ce seul tableau permet d’apprécier l’exceptionnel génie du peintre, capable d’enregistrer toutes les variations de la lumière sur les formes et la couleur, qu’il s’agisse d’un visage d’enfant, de la bure d’un froc, ou ailleurs, des pétales d’une fleur de lis ou de rose.
Qui sait si le second rang des peintres de tendance ténébriste ne lui a pas été attribué de par le fait qu’il ne se pliait pas alors aux règles de la perspective classique, connues dès l’Antiquité et codifiées par la Renaissance italienne. Le Caravage était infiniment plus habile alors comme tous ses suiveurs et leur brutale efficacité naturaliste comme justement Pietro Paolini.
Le jeune peintre d’Estremadure, formé à Séville, Francisco de Zurbarán, connaît bien sûr la perspective et il a vu des œuvres ténébristes ou caravagesques, mais les effets qu’il veut obtenir ne sont pas d’ordre plastique ou décoratif, mais de valeur sensible. Le tableau présenté correspond aux exigences théologiques des ordres monastiques sévillans, alors au sommet de leur puissance temporelle. Des exigences qui ont entraîné Zurbarán vers une production dépouillée d’artifices, à la terminologie volontairement abstraite, afin d’atteindre cette quête de l’âme, cette fusion avec Dieu auxquelles les images peintes par l’artiste apportaient probablement une réponse satisfaisante puisqu’il a connu un grand succès de son temps. Un temps durant lequel, Zurbarán s’était montré capable de s’incorporer totalement dans l’essence même des images qu’il était chargé de représenter, atteignant ainsi l’idée à travers les formes pures, des formes pures, splendides, d’une perfection inégalée, qui font de lui, point de vue largement admis de nos jours, l’un des plus grands peintres espagnols, et des pus savants, de tous les temps.
Michel Grialou
Fondation Bemberg
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