L’île aux chiens, de Wes Anderson
Nous connaissons ce réalisateur de longue date puisqu’il nous propose aujourd’hui son huitième film. Il nous avait habitués à des scénarios tous publics. Ici il trompe son monde car, d’un côté le film est réalisé avec des marionnettes, plus d’un millier (!), de l’autre l’histoire est pour le moins violente. Rendant hommage à la culture nippone et à son cinéma, Wes Anderson nous plonge dans un univers digne du Métropolis de Fritz Lang.
Au cœur d’un Japon que l’on devine actuel, le Maire d’une grande cité décide d’exclure toute la gent canine sous des prétextes sanitaires, ne laissant sur place que les chats. Les chiens sont donc exilés et abandonnés sur une île qui sert de poubelle à l’immense mégalopole. Au passage, le chien de garde d’Atari, le fils adoptif du Maire, fait aussi les frais de l’affaire et se trouve déporté. Atari, malgré ses 12 ans, s’empare d’un petit avion et part à sa recherche. Sur l’île il découvre toute une faune canine en plein processus de disparition. Sales, maigres, les chiens attendent la mort. Ils ont cependant su créer une sorte de microcosme social et s’entraident afin de survivre autant qu’ils le peuvent.
Cet ultime opus de Wes Anderson est très clairement politique. Il fait référence aux populations déplacées, à l’arbitraire des puissants, à la ségrégation (chats vs chiens), à la brutalité des conditions de survie, etc. Pas franchement à l’attention des enfants, ce film de marionnettes demande également aux adultes une grande concentration tant toutes les images fourmillent de détails qu’il est impossible de visualiser d’un coup. D’autant que le Japonais n’est pas toujours traduit (volontairement), réclamant du coup une observation particulière de l’image qui traduit, elle, le contenu du texte… Toute l’ambiguïté du film réside dans cette dichotomie entre des images mettant en scène des marionnettes (monde de l’enfance) et l’ultra et sanglante violence de certaines scènes. La BO signée Alexandre Desplat scande l’action en y ajoutant un maximum de tension. In fine, on se sent un peu mal à l’aise, en équilibre instable entre deux univers qui se disputeraient l’héritage de Kurosawa. Tout en reconnaissant, et comment en serait-il autrement, la virtuosité de ce réalisateur.
Robert Pénavayre
L’Île aux chiens – Réalisation : Wes Anderson
Wes Anderson – Peu de films, certes, mais…
Cet Américain, à la veille de devenir quinquagénaire, licencié en philosophie, à la fois scénariste et réalisateur, peut se vanter d’avoir à son catalogue quelques-uns des meilleurs films indépendants de ces dernières années : The Grand Budapest Hotel, Moonrise Kingdom, Fantastic Mister Fox. Original, pop à ses heures, « mélancomique » comme il aime à se définir, Wes Anderson n’en finit pas, heureusement, de nous amener dans des mondes parallèles et pourtant tout ce qu’il y a de plus réels. En stop motion ou en images réelles, Wes Anderson est toujours aussi captivant.