La petite fille sur la banquise, publié chez Grasset, raconte un évènement traumatique qui bouleverse le destin d’une fillette rêveuse.
Vivre le pire…
Le roman s’ouvre sur un épisode cauchemardesque. Une petite fille, qui n’est pas nommée, est suivie par un inconnu. Heureuse et insouciante, l’enfant ne se doute pas que le monsieur qui entre dans son hall d’immeuble est dangereux. Et il suffira de quelques minutes tragiques pour briser toute une existence. A 9 ans, il est difficile de sortir de l’enfance pour affronter ses ennemies intérieurs. Car la vie d’Adelaïde ne sera plus jamais la même. Les problèmes et les peurs ne cesseront de se multiplier. A l’adolescence la crise sera encore plus intense. Honte du corps, sexualité complexe, refuge dans les drogues, etc. Comment sortir de cette journée d’horreur ? A qui parler ? Quels mots pour décrire le réel ? Les questions sont nombreuses dans l’esprit de cette jeune fille qui devient une adulte qui doit encore et toujours lutter contre ses démons. Puis, un jour, le destin frappe à nouveau à la porte : un homme a été arrêté. Tant d’années plus tard, Adelaïde va enfin pouvoir affronter celui qui a fait éclater sa vie. Un prédateur violent qui, pendant de nombreuses années, a agressé et violé de nombreuses jeunes filles. L’arrestation de cet être ignoble sera-t-elle la dernière ligne droite vers une guérison possible ?
La difficulté de mettre des mots
On comprend rapidement que sous le pronom « elle » se cache la véritable identité de l’auteur. Et on comprend ainsi la nécessité de cette distanciation pour pouvoir dire, gémir, crier toutes les émotions qui traversent cette fillette, devenue une jeune femme sensible. Adelaïde parle de ses « méduses » intérieures qui ne la quittent plus. De cette vie souterraine qu’il faut vivre en secret, en cachette car, même avec les mots, il est difficile d’exprimer ce qui se vit dans la chair. Les mots sont incisifs et frontaux à l’image de la douleur vécue. Les mots sont aussi ceux qui permettent de se remettre debout et de briser la solitude. Enfin, les scènes finales qui retranscrivent les longues journées au tribunal sont très réalistes et visuelles. On suit ce procès avec tension et effroi, et le ton est d’une justesse absolue. Adelaïde Bon, avec ce très bon premier roman, livre un récit bouleversant et percutant.
Sylvie V.
La petite fille sur la banquise, Adélaïde Bon, Editions Grasset, 256 p.
Adélaïde Bon © Philippe Matsas / Grasset