Geneviève Brisac revient en librairie avec Le chagrin d’amour, publié aux éditions Grasset. Un roman tout en pudeur qui dit la difficile relation avec sa mère.
Portrait d’une femme fantasque.
Jacqueline – dite Mélini dans le roman – est un personnage romanesque complexe et fascinant. Dès les premières pages, on découvre une femme qui fume, qui apprend à conduire ou à nager. Une femme qui cherche aussi à s’émanciper et à goûter à la vie. Bref, un personnage, à priori, fort et sympathique. Mais le portrait s’assombrit rapidement lorsque Mélini se retrouve dans le rôle de la mère. Là, des ombres se présentent. Mélini est une mère ni câline, ni rassurante. Et Geneviève Brisac raconte avec humour et réalisme la difficulté de ne pas exister dans le regard de la mère, de se sentir constamment rabaissée et inutile. Et pourtant, ce n’est pas faute d’efforts pour se faire aimer. En grandissant, cela ne s’arrange pas. La fille a honte de cette mère qui ose tout, qui balance les réflexions les plus maladroites et cinglantes. Sans parler de cette scène d’atelier d’écriture où la mère vole totalement la vedette à sa fille. Bref, la mère peut parfois devenir le pire cauchemar…
Lever le voile de la pudeur
Pas d’amertume dans la voix de Geneviève Brisac. Ce roman n’est pas ressenti comme une vendetta face à une mère tyrannique. On y retrouve, au contraire, l’envie de reconstruire l’histoire pour comprendre cette relation si particulière. Les mots sont justes, parfois tendres, et visuels. Les scènes se jouent et se déroulent sous les yeux du lecteur qui ressent diverses émotions. Enfin, l’auteur use aussi de l’ironie pour narrer des situations burlesques et les mettre à distance. Mélini au supermarché, Mélini qui appelle les policiers « mon chou », etc. On reconnait la plume dansante de Geneviève Brisac qui, déjà en 2010, avait parlé de son père dans Une année avec mon père.
Sylvie V.
Le chagrin d’aimer, Geneviève Brisac, Editions Grasset, 162 p.