Marie-France Etchegoin raconte, dans son dernier roman, J’apprends le français, publié aux éditions J.C Lattès, son expérience de professeur de français bénévole auprès des migrants.
Entre témoignage et récit émouvant
Dès les premières pages, point de détour, Marie-France Etchegoin nous invite dans une salle de cours pas comme les autres. Face à elle Sharokan, Ibrahim, Salomon, Ahmed, tous ont quitté – ou plutôt fui – leur pays pour échapper aux guerres. On les nomme migrants et on garde à l’esprit les images tragiques de leurs traversées dangereuses qui ont fait la une, mais qui sont-ils ? Et surtout que sont-ils devenus, pour ceux qui n’ont pas péri dans le tombeau méditerranéen ? Ce sont des hommes et des femmes perdus, d’abord car ils ont tout abandonné, mais perdus aussi car accueillis dans un pays qui ne sait quoi faire d’eux. Alors il faut compter sur l’aide de quelques associations ou bénévoles qui voient des individus derrière ce terme générique de migrants, qui voient surtout des destins brisés à la recherche d’humanité. Marie-France Etchegoin fait partie de ceux et celles qui s’improvisent bénévoles pour donner un peu de leur temps et de leur écoute. La tâche n’est pas simple, il faut créer un lien, un dialogue dans des langues qui sont étrangères. Il faut aussi donner de l’espoir là où le quotidien est synonyme de fuite et de peur. Marie-France Etchegoin vit au rythme des angoisses, mais aussi des petits bonheurs de ses élèves qui lui transmettent beaucoup et lui donnent une belle leçon de vie et de courage.
Donner la parole
Le roman J’apprends le français est poignant en cela qu’il ne cache rien de la vérité. Il dit les choses telles qu’elles sont, aussi bien les moments de grâce que les moments de désespoir. L’auteur dresse un portrait fidèle et réaliste sur une des situations les plus tragiques de ce siècle. Ces visages anonymes à qui elle donne petit à petit la parole afin de dire leur histoire et de lever le voile sur trop de clichés. Il ne s’agit pas non plus de tomber dans du dolorisme, ni dans des leçons de morale. Il n’y a pas les méchants d’un côté et les gentils de l’autre, il y a juste une réalité complexe que Marie-France Etchegoin cherche à démêler. Apprendre le français, c’est aussi apprendre à se reconstruire, à mettre des mots sur l’existence, à se créer enfin une nouvelle carte d’identité pour trouver un refuge.
Le texte raconte tout ceci sans prétention aucune, ni tentation d’enjoliver le réel. Le lecteur devient un témoin silencieux invité à s’asseoir parmi les rangs de cette classe peu commune.
Sylvie V.
J’apprends le français, Marie-France Etchegoin, Edition J.C Lattès, 200 p.
Photo © Marie-France Etchegoin