Colloque les 5, 6 et 7 avril à Toulouse
« Décrypter le présent pour mieux construire l’avenir », c’est la devise et la raison d’être du GREP Midi-Pyrénées qui organise les 5, 6 et 7 avril à Toulouse un colloque consacré aux enjeux liés aux évolutions rapides des technosciences. Nanotechnologies, biotechnologies, robotique, intelligence artificielle, neurosciences… des domaines dont les avancées fascinent autant qu’elles inquiètent. Ces trois journées d’exposés et de débats ont pour objectif d’aborder toutes les questions posées par le développement des technosciences, en explorant ses multiples conséquences.
Rencontre et entretien avec Jean-Marie Pillot, président du GREP Midi-Pyrénées, pour une présentation du colloque et de sa programmation.
Quels sont la thématique générale et les objectifs de ce colloque ?
Ce colloque est orienté avant tout vers les citoyens et leurs interrogations, d’où son thème L’Être humain face aux défis des technosciences. Dans un cadre destiné à la compréhension de tous, des spécialistes vont exposer les progrès spectaculaires des nanotechnologies, des biotechnologies, de l’intelligence artificielle, des neurosciences, et les effets qu’ils peuvent avoir sur notre société, sur notre planète… Avec, en arrière-fond, toutes les questions bioéthiques, philosophiques, sociologiques que ces évolutions posent.
Ces nouvelles technologies sont rassemblées sous le terme de « technosciences ». Pouvez-vous préciser ce concept ?
Le concept de technosciences a émergé aux États-Unis il y a environ une dizaine d’années. Il correspond à la convergence de technologies d’origines assez diverses, ce qui est d’ailleurs une des caractéristiques du colloque. Nous allons y mélanger des chercheurs dans le domaine de l’intelligence artificielle, donc plutôt de l’informatique, d’autres dans celui de la biologie, avec des sociologues, des philosophes et des médecins. Dans le domaine médical, nous avons invité le président du Conseil National de Bioéthique en charge actuellement de tous les débats autour des lois de bioéthique. Ces questions sont au cœur de notre événement qui a été labellisé comme étant un lieu d’échanges et de débats liés aux lois de bioéthique.
Ces questions bioéthiques concernent-elles entre autres ce qu’on appelle « la manipulation du vivant » et les nouvelles menaces pour les libertés individuelles ?
D’une manière générale, les progrès des sciences appliquées aux technologies ont eu des conséquences bénéfiques pour notre société, celle-ci ayant profité largement de leurs avancées. Dans le même temps, des risques ont été identifiés. Parmi eux, certains paraissent irréalistes par rapport à l’état actuel de l’intelligence artificielle. Pour simplifier, on parle d’intelligence artificielle forte ou d’intelligence artificielle faible.
Aujourd’hui, nous en sommes encore à l’intelligence artificielle faible mais des personnalités mondialement connues, comme Bill Gates ou Elon Musk, annoncent les risques de l’intelligence artificielle forte et lancent des messages d’alerte par rapport aux nouvelles technologies. Nous n’en sommes cependant pas là. Le but du colloque est véritablement de faire un point sur la situation, les évolutions, les opportunités et les risques que peuvent représenter ces nouvelles technologies, aussi bien génétiques, biologiques qu’informatiques.
Il s’agit donc d’avancer dans la réflexion face à ce phénomène mais aussi d’amener les citoyens à se poser des questions qu’ils ne se posent pas encore forcément ?
Oui, et il est important d’insister sur l’organisateur de cet événement, à savoir le GREP Midi-Pyrénées. Notre association a pour objectif de permettre des débats citoyens. Ces débats ont lieu à travers l’organisation de conférences dans l’ensemble de la région Occitanie. Je précise que ce sont des conférences-débats « sociétales ». Le GREP n’est pas un organisme de vulgarisation scientifique, c’est une association reconnue d’utilité publique qui propose chaque année 40 événements auxquels participent des citoyens qui veulent s’informer et débattre.
Le colloque est organisé par le GREP avec une équipe de bénévoles. Nous comptons 250 adhérents et nombre d’entre eux vont participer à l’organisation de ces trois journées. Dans la structure même de la manifestation, qui est particulièrement originale, il y a un moment où l’on donne la parole aux citoyens. Toute une après-midi est consacrée à ce que l’on appelle le « Forum citoyen ». Il a pour objectif d’analyser, du point de vue du citoyen, les effets des technologies sur la santé, l’éducation, les rapports humains, la culture, le travail, la vie quotidienne, l’environnement et même la spiritualité.
Voilà qui nous amène au déroulement du colloque. Comment se décline-t-il au cours de ces trois journées des 5, 6 et 7 avril ?
D’abord, je reviens à l’une des caractéristiques du GREP, celle qui consiste à proposer systématiquement des conférences-débats. Le colloque n’échappe pas à la règle. Bien sûr, il y a au préalable un exposé introductif mais par la suite le débat avec la salle est primordial. Nous allons présenter de nombreux intervenants, de grands noms pour la plupart, qui vont faire un état des lieux, un point de la situation sur chaque thématique que nous abordons.
Le matin du 5 avril, le thème sera « Technosciences, promesses et risques », l’après-midi étant consacrée aux nanotechnologies, à l’intelligence artificielle et au transhumanisme. Vendredi 6 le matin, nous aborderons les technosciences qui influent sur le monde du vivant alors que l’après-midi sera entièrement dédiée au Forum citoyen dont j’ai déjà parlé. Le matin du samedi 7 sera d’une certaine manière conclusif avec des philosophes qui vont évoquer les perspectives pour l’humain de demain. Pour résumer, chaque thématique est introduite par un expert du sujet qui va ensuite débattre avec la salle.
Un des points très importants de ces échanges est que l’on va obligatoirement donner la parole à des étudiants. C’est une des grandes originalités de ce colloque, nous y avons intégré une équipe d’une quarantaine d’étudiants qui travaillent depuis décembre dernier pour préparer leur participation à l’événement. Ils sont issus de formations et de spécialités très diverses : ingénieurs de Sup’aéro et de l’INSA, élèves de l’École vétérinaire, de la Faculté de Médecine, de la Faculté de Droit, de Toulouse Business School, etc. (11 filières d’enseignement en tout). Dès le début des débats faisant suite à l’exposé introductif, les étudiants donneront leur point de vue avant de participer aux échanges avec la salle.
C’est ce que vous avez appelé, dans le programme du colloque, Students Ex Machina ?
Tout à fait. Ces étudiants se sont regroupés sur un site internet et sur Facebook sous le nom Students Ex Machina pour faire connaître leurs travaux. J’invite les personnes intéressées à consulter leur site qui est très riche en informations et en échanges passionnants.
Vous en avez déjà parlé mais peut-on en savoir un peu plus sur les intervenants du colloque et sur les domaines dans lesquels ils oeuvrent ?
Je vais citer en premier le parrain de la manifestation, l’éminent biologiste Pierre Corvol. Il est actuellement vice-président de l’Académie des Sciences et c’est lui qui conclura le colloque le matin du samedi 7. Parmi les grands intervenants également, il faut relever la présence de Jean-François Delfraissy, président du Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE), qui prendra plus particulièrement la parole jeudi matin. Son exposé fera suite à une première introduction plus politique puisque ce colloque est labellisé ESOF 2018. Interviendront donc en préambule Anne Cambon-Thomsen, présidente d’ESOF 2018, Carole Delga, Jean-Luc Moudenc et Georges Méric. Tous ces élus et les collectivités qu’ils représentent soutiennent notre événement.
Autres intervenants de ce colloque à noter : Jean-Marc Lévy-Leblond, professeur émérite de l’Université de Nice ; Thierry Magnin, recteur de l’Université Catholique de Lyon ; Malik Ghallab, directeur de recherche émérite au Laboratoire d’Analyse et d’Architecture des Systèmes (LAAS) du CNRS ; Nicolas Sekkaki, président d’IBM France ; Victor Demiaux, responsable du débat public organisé par la CNIL sur les enjeux éthiques soulevés par les algorithmes et l’intelligence artificielle ; Jean-Claude Guillebaud, écrivain, essayiste et journaliste…
On peut citer également les Toulousains Max Lafontan, fondateur et directeur de l’unité de recherches INSERM 317 à l’hôpital Rangueil ; Alain-Michel Boudet, professeur en biochimie et physiologie moléculaire végétale, ancien directeur de l’Académie des Sciences de Toulouse ; et Pierre Monsan, président de la Fédération Française de Biotechnologies. Marc Dufumier, président de la plate-forme pour le commerce équitable et directeur de la chaire d’agriculture comparée à AgroParisTech, parlera d’agriculture, de solutions pour nourrir l’humanité, et des technosciences appliquées dans ce domaine. Enfin, le philosophe Jean-François Simonin et Jean-Michel Besnier, professeur émérite de philosophie à la Sorbonne, animeront la conférence-débat du samedi matin.
À qui s’adresse ce colloque ? Tout citoyen peut-il y assister, quel que soit son degré de connaissance du sujet et des questions abordées ?
Oui, sans aucune restriction. Il faut savoir que le GREP lui-même est constitué de citoyens non-spécialistes, dont le point commun est de s’intéresser à ces thématiques-là. La vocation du GREP est de s’adresser à un public éclairé, intéressé, mais ouvert et ce sans aucun a priori idéologique ou technologique. Tout le monde peut donc participer à cet événement.
Est-ce que toutes les propositions du colloque ont lieu au même endroit ?
Oui, à une exception près puisqu’il y a une visite de l’exposition « Humain demain » au Quai des Savoirs le jeudi soir, cet établissement étant partenaire de notre colloque. Le reste de la programmation a lieu au Centre d’Enseignement et de Recherche de l’hôpital Pierre-Paul Riquet au CHU de Purpan. L’accès en est très facile puisqu’il se trouve en face de la station de tramway qui dessert le CHU. Il y a une magnifique salle de conférence de 320 places qui nous permet d’accueillir autant de participants à ces trois journées.
Il y a des « à côtés » à ce colloque, vous en avez déjà cité quelques-uns comme les interventions des étudiants de « Students Ex Machina », le Forum citoyen, la visite de l’exposition « Humain demain » au Quai des Savoirs, mais il y a aussi ce qui s’appelle Le Manifeste. De quoi s’agit-il ?
Le colloque n’est qu’un début… Nous traitons d’un sujet d’ampleur avec des interventions d’experts, le travail des étudiants, celui fait en amont par un certain nombre de spécialistes de l’éthique en général, y compris de spécialistes de l’éthique des robots comme Catherine Tessier, chercheuse à l’ONERA. Parallèlement à ce travail, il y a eu préparation d’un manifeste qui va lui-même être soumis au débat citoyen lors du colloque et dont le contenu sera en quelque sorte voté à la fin de celui-ci. Ce travail préparatoire a permis d’identifier des opportunités, des problèmes, et de les rassembler sous la forme d’un document. L’objectif de ce manifeste est que les choses ne s’arrêtent pas là. Je rappelle que le GREP est retenu également dans le cadre de l’événement ESOF 2018 qui a lieu en juillet prochain à Toulouse. Nous y ferons des interventions qui prolongeront le colloque d’avril en présentant ses résultats, en particulier le manifeste. Nous espérons en faire la graine d’un manifeste à l’échelon européen, porté par des Students Ex Machina dans les autres pays d’Europe avant d’avoir éventuellement une dimension mondiale. Ce colloque n’est donc pas une fin en soi, il y aura une continuité, des suites qui sont déjà clairement identifiées.
En marge des débats et des intervenants de ce colloque très sérieux, j’ai entendu dire qu’il y aurait également des clowns…
Eh oui (rires). Ce colloque est en effet un événement sérieux par son contenu et ses intervenants mais nous veillons à ce qu’il soit très vivant par son animation et les échanges constants avec le public. Dans cet esprit, nous avons souhaité qu’il y ait aussi des moments plus légers en invitant la troupe des Bataclowns à faire, de-ci de-là, des synthèses de ce qu’ils vont entendre lors des débats en les restituant sous une forme humoristique. Donc, bien que l’on aborde des sujets très sérieux, il y aura des moments de détente, de drôlerie, de convivialité au cours des repas qui pourront être pris sur place. Les Bataclowns participeront à ces parenthèses de légèreté et je leur fais toute confiance pour les animer avec intelligence et talent !
Entretien réalisé par Éric Duprix
L’Être humain face aux défis des technosciences
Colloque les 5, 6 et 7 avril 2018 au Centre d’Enseignement et de Recherche de l’Hôpital Purpan