La forme de l’eau, un film de Guillermo del Toro
Il était une fois… Ainsi pourrait commencer le dernier opus du réalisateur mexicain. Il se termine… Non, non, non, pas question de vous donner le final, ce ne serait pas franchement chrétien.
Où il est question d’une jeune femme, Elisa (formidablement émouvante Sally Hawkins), célibataire, partageant son appartement avec Giles (Richard Jenkins, parfaitement juste), un vieil homosexuel. Elisa est muette mais bienentendante. Elle travaille comme femme de ménage dans un laboratoire de recherches que l’on devine plutôt secret. Un jour, elle est affectée à une cellule encore plus confidentielle qui vient de prendre livraison d’un « actif », c’est-à-dire d’un sujet d’études, en l’occurrence un être amphibien capturé au fin fond de l’Amazonie, au grand dam des indigènes qui le considèrent comme un dieu… Reclus, enchaîné dans un bassin, cette malheureuse créature n’a que peu de jours à vivre car les autorités scientifiques et militaires américaines de ce milieu du XXème siècle ne vont pas faire dans la dentelle. Ils vont la disséquer ! Ce dont Richard (hallucinant Michael Shannon), directeur du projet, ne s’aperçoit pas, ce sont les liens que tissent la créature et Elisa au travers du langage des signes. L’amphibien comprend et est capable de communiquer. En deux mots il est intelligent. Ayant entendu le sort qui lui est réservé, Elisa va l’exfiltrer du laboratoire avec l’aide de Giles. Une opération rocambolesque ! Elle le garde dans sa baignoire et attend des pluies prochaines qui vont permettre à la créature d’accéder à l’océan par un canal. Entre-temps, une relation très particulière va s’établir entre ces deux êtres dont les différences par rapport au commun des mortels sont un sujet d’ostracisme. C’est d’ailleurs le thème central du film. Entre La Belle et la Bête et le film de Jack Arnold : L’étrange créature du lac noir (1954), La forme de l’eau est un chef- d’œuvre de sensibilité et d’humanité.
Avec ses clins d’œil plein d’humour à la Guerre froide, ses trucages sous-marins renversants de poésie, ses lumières expressionnistes dignes des plus grands classiques et, surtout, cette improbable aventure qui devient fascinante et son final sur lequel je vous en ai déjà trop dit, ce film est un condensé de talents salué par le Lion d’or de Venise 2017, 2 Golden Globes et 13 Nominations aux futurs Oscars !
Il faut aller le voir avec son âme d’enfant, tout en sachant que les contes peuvent être cruels. Vous serez récompensés au-delà de vos espérances.
Robert Pénavayre
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Guillermo del Toro – Le cinéaste des univers atypiques
Cet étudiant mexicain en effets spéciaux s’est fait une réputation de cinéaste d’univers atypiques. Il est immédiatement reconnu par le public et la profession avec Cronos en 1993. Il a alors 29 ans ! Une pluie de récompenses vient saluer ce subtil détournement du mythe des vampires. Il va ainsi pouvoir imposer son univers singulier au travers de toutes ses réalisations ultérieures, dont le somptueux conte fantastique Le labyrinthe de Pan en 2006, sans oublier l’époustouflant Pacific Rim en 2013. Un réalisateur d’ores et déjà entré dans l’Histoire du cinéma.