Réflexions futiles, choses vues et souvenirs inspirés par la ville et ceux que l’on y croise.
Mercredi 21 février, matinée de plein soleil sur Toulouse. Enfin. Vivement les beaux jours. Ce n’est pas fini, mais nous avons déjà suffisamment payé notre lot de pluie et de froid durant l’automne et l’hiver qui tient encore son rang. Le toulousain est méridional, méditerranéen. Il a besoin de soleil, de chaleur. En témoigne le spectacle des terrasses des cafés envahies dès les premiers rayons ou le premier redoux.
Je n’irai pas chercher le soleil sur la Costa Brava dans les prochains mois. « La Catalogne m’inquiète », pourrais-je dire en paraphrasant Madame Verdurin à propos de la Chine dans la Recherche. Je me contenterai de mes souvenirs ou bien je relirai Costa Brava, le roman d’Eric Neuhoff au charme et à la beauté inépuisables.
Résolutions pour les semaines à venir : prendre l’apéro à L’Avant Marius, déjeuner ou dîner chez Marius, dîner à La Belle équipe, boire au moins cinq vins différents par semaine, tenter d’avoir une table à La Promenade, aller à la nouvelle boucherie de la rue Bayard…
Dans certains restaurants, les additions nous font croire que nous sommes revenus au franc.
L’autre nuit, un rêve étrange et pénétrant : le TFC disputait la Ligue des Champions.
Rêve presque aussi étrange, une autre nuit : un tsunami s’abattait sur Toulouse.
« Pourquoi le marché Cristal s’appelle-t-il ainsi ? », me demande un voisin. Langue au chat.
Est-ce parce qu’il est caché à l’ombre du boulevard Carnot et de la place Dupuy, dans la rue Delacroix, que nous n’avions pas entendu parler du restaurant Chez Yannick ? L’excuse ne tient guère. Il y a d’autres établissements, plus discrets ou plus éloignés, qui ne nous avaient pas échappé. L’avisé Éric Castéran nous avait signalé Chez Yannick pour y avoir planté sa fourchette avec entrain et le mercredi 21 février un dîner réunit cinq convives. Mazette ! Les quatre nouveaux venus furent agréablement estomaqués. En entrée, le cochon laqué – tendre et croustillant – posé sur sa salade de haricots du Lauraguais était joliment boosté par une vinaigrette d’huitre faisant souffler sur le noble animal un air marin. Les ris de veau suscitèrent une unanimité comblée. Pour notre part, nous ne fîmes pas d’infidélité au cochon avec une pièce parfaitement cuite. La carte des vins, serrée et très bien choisie (une quinzaine de blancs, autant de rouges), arrimait l’ensemble dans une cohérence gourmande. Après un sauvignon de la Piffaudière, nous hésitâmes pour le rouge entre un côtes-du-rhône de Gramenon ou un beaujolais des Dufaitre. Nous optâmes pour le beaujolais. Patron, la petite sœur ! Ah, on allait oublier : les prix. Entrée, plat, dessert à 30 € le soir (24 pour deux plats), menu complet à 18,50 € à déjeuner. Faites passer.
Croisé Bruno M. à La Boutique des vins de la place des Carmes. J’ai cru comprendre qu’il cherchait des cuvées « rock’n’roll ». J’ai oublié de lui demander s’il connaissait le « vin de bagnole » de Pascal Simonutti dont l’étiquette pastiche la pochette du mythique Never Mind the Bollocks des Sex Pistols. En cinq minutes, nous avons eu le temps d’évoquer Prefab Sprout, Clint Eastwood, The Limiñanas, Steven Soderbergh, La Forme de l’eau… Je dois notamment à Bruno le plaisir d’avoir déjeuné avec Jil Caplan, voici vingt ans, dans une brasserie du boulevard Carnot. L’interprète de Cette fille n’est pas pour toi venait de sortir une compilation de ses chansons sur laquelle elle reprenait par ailleurs Tu verras de Nougaro. Je me souviens qu’à un moment la conversation a abordé le cas d’un critique et écrivain, sévissant alors dans un hebdo culturel branché, dont le fiel n’avait d’égal que la médiocrité. Jil Caplan le connaissait et, selon elle, s’il était si méchant, c’était parce qu’il était malheureux et complexé. J’en pris note, sans pour autant pardonner totalement au sagouin.
« Dans le Sud-Ouest, on ne pardonne pas », écrivait Patrick Besson dans un article paru en 2006. Il enchaînait : « Il y a dans cette génération qui perdure, un tropisme Jil Caplan. » Et cela continue. La preuve.
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