Delphine Minoui livre un document inouï avec Les passeurs de livres de Daraya, publié aux éditions Le Seuil. Elle raconte l’incroyable récit d’une bibliothèque secrète.
Les mots pour contrer l’horreur
En 2011, a lieu le printemps arabe. Le peuple syrien se retrouve dans la rue pour dire stop à la dictature menée par Bachar el Assad. La jeunesse rêve de plus de libertés et d’être entendu. Hélas, ce sera tout le contraire. Damas contre-attaque et très violemment. La banlieue de Daraya sera une des zones très touchées. Encerclés puis confinés dans une partie de la ville qui doit subvenir à ses propres besoins, les quelques 8000 habitants restés sur place vivent l’horreur au quotidien. Ce sont des centaines de barils d’explosif, des attaques chimiques et des privations en tout genre qui sévissent dans cette région. Les habitants sont piégés et, peu à peu, affamés et malades. Mais cela n’a pas l’air d’attendrir le gouvernement qui renchérit toujours plus. Au milieu de la détresse et de l’innommable, une dizaine de jeunes se regroupe pour créer un lieu surprenant : une bibliothèque.
Rester debout envers et contre tout
Au départ, les jeunes qui ont l’idée de constituer une bibliothèque secrète ne sont pas forcément des férus de littérature. Mais cela n’est pas une barrière, au contraire, chercher parmi les décombres et autres ruines des ouvrages pour les réunir dans un même lieu constitue rapidement la métaphore de leur résistance. Puis, la lecture devient une porte ouverte à l’évasion et enfin la matière qui ouvre à toutes sortes de réflexions. Les documents réunis par Omar, Ahmad, Shadi et leur amis sont des grands textes du monde entier, mais aussi des ouvrages de philosophie et, encore plus surprenant, des livres sur le développement personnel.
Delphine Minoui retrace un parcours exceptionnel
L’auteur offre un livre puissant. Une lucarne ouverte sur un monde violent. Grande reporter au Figaro, Delphine Minoui connait bien l’histoire de la Syrie. Elle est spécialiste du monde arabe et a obtenu, notamment, en 2006, le prix Albert Londres pour son travail en Irak. Grâce à une connexion internet souvent capricieuse et hachée, les jeunes « bibliothécaires » syriens s’adressent à elle pour que leur combat soit entendu. Ils lui racontent leur quotidien, lui envoie des photos et surtout lui parle des lectures qu’ils découvrent. Perdus dans un monde qui se déchire, elle leur redonne une place. Les témoignages sont bouleversants. C’est assurément une histoire qui mérite d’être connue pour l’espoir et la force qu’elle communique.
Sylvie V.
Delphine Minoui, Les Passeurs de livres de Daraya, Editions Le Seuil, 160p.