Sébastien Spitzer publie, aux Editions de L’Observatoire, un premier roman qui mêle le sort des déportés à celui de la première dame du Reich, Magda Goebbels. Le résultat est ambitieux et réussi.
Le récit d’un cauchemar
Encore un livre sur l’horreur de la 2ème guerre mondiale et sur le sort des juifs, pensera-t-on, et cela serait vrai, mais inexact. Certes, Sébastien Spitzer a choisi d’évoquer l’indicible dans ce premier roman, mais il le fait avec un angle de vue très personnel. Le livre se lit à partir de destins parallèles et diamétralement opposés. D’un côté la souffrance – pire la déshumanisation – des déportés, de l’autre la déchéance et la perte de puissance du Reich et d’une de ces figures féminines principales : Magda Goebbels. Mais Sébastien Spitzer n’a pas voulu raconter ce que tant de livres d’histoires, de films ou de documentaires a déjà narrés. Il se glisse dans l’intimité de ses personnages et ce jusqu’au plus près de la vraisemblance.
Le moment où tout bascule
Ces rêves qu’on piétine ne dresse pas un portrait exhaustif et chronologique de la seconde guerre mondiale. Il se concentre sur un instant précis de 1945, lorsque les colonnes de déportés viennent d’échapper aux camps de concentration, et lorsque Magda Goebbels s’est retranchée dans un bunker avec son mari, ses enfants, et oncle Adolph. Sébastien Spitzer s’attache aux prisonniers brisés qui tentent un ultime espoir. Il suit les pas de Judah, de Fela et de Ana, une petite fille qui fuit avec sa mère les tirs des nazis, prêts à éliminer jusqu’au bout les témoins de l’horreur. L’auteur raconte aussi la vie de Magda Goebbels, son ascension jusqu’à devenir la femme du célèbre acteur macabre de cette guerre, le ministre de la propagande du IIIe Reich, Joseph Goebbels. Magda est une femme froide, hautaine et qui semble dépourvu de sentiments, sauf lorsqu’il s’agit de son fils ainé Harald, fruit d’une première union.
Pas de pathos dans le style
Il serait facile de chercher à bouleverser le lecteur avec un récit inaudible. Mais la pudeur de Sébastien Spitzer l’interdit de plonger, tête la première, dans cette indécence. Au contraire, il décrit factuellement et avec rigueur les émotions et les parcours de ces personnages. Il en montre toute la complexité, parfois même l’ambiguïté. Tout n’est pas blanc ou noir, tout n’est pas comme on voudrait que cela soit écrit. L’humain est complexe et surprenant, même dans les situations les pires, et cela est très bien ressenti dans le roman.
Même si on connaît la fin de l’histoire, on ne peut s’empêcher de lire avec émotion et tension ces derniers jours de guerre où tout un chacun tente de vivre ou de survivre. Où les bourreaux cherchent à se cacher et fuir, où les victimes sont, sans le savoir, les prochains témoins miraculés d’une histoire bafouée, et où les secrets les mieux gardés et les plus indicibles vont être révélées.
Sylvie V.
Ces rêves qu’on piétine, Sébastien Spitzer, Editions de L’Observatoire, 304 p.
Photo couverture © Editions de l’Observatoire