Au CGR Blagnac, rendez-vous ce jeudi 11 janvier prochain, 19h 30 pour un spectacle de ballet en direct depuis Vienne, le fameux Corsaire, sur une musique d’Adolphe Adam, avec la troupe des ballets de l’Opéra de Vienne. La réalisation est du talentueux Manuel Legris, ex-danseur étoile de l’Opéra de Paris, directeur de la structure viennoise. La direction musicale de l’Orchestre des ballets de l’Opéra de Vienne est confiée à Valery Ovsianikov. Et la chorégraphie de ce ballet en deux actes s’appuie sur celle de l’incontournable Marius Petipa.
Inspiré du poème épique de Lord Byron, The Corsair (1814), Le Corsaire narre les aventures dans l’ancienne ville turque d’Andrinople du fougueux corsaire Conrad qui tombe amoureux de la belle Médora, pupille du marchand d’esclaves Lankedem et convoitée par le très puissant Pacha. Le Corsaire est un ballet classique qui multiplie les tableaux spectaculaires et féeriques. Les derniers sont saisissants et ont fait la renommée du ballet. Objet de multiples versions, Le Corsaire est surtout devenu familier grâce à Jules Perrot à Saint-Pétersbourg puis à Marius Petipa et a acquis une célébrité mondiale au début des années 60 avec Margot Fonteyn et Rudolf Noureev qui rendront légendaire son fameux Pas de deux.
Ce ballet n’avait encore jamais été représenté dans son intégralité au Wiener Staatsoper avant que le directeur du ballet de l’Opéra de Vienne Manuel Legris n’entreprenne de redonner à cette œuvre une place à la hauteur de son importance dans l’histoire de la danse.
La version la plus célèbre fut créée le 23 janvier 1856 par le Ballet de l’Académie impériale de musique de Paris, dans une chorégraphie de Joseph Mazilier, sur une partition d’Adolphe Adam et un livret de Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges, librement adapté du poème de Lord Byron, The Corsair. Mais, si elle est la plus célèbre, elle n’est pas la première. En effet, ce poème de Byron, publié en 1814, va très vite être adapté à la scène car il possède de nombreux éléments susceptibles de tenter les chorégraphes : une intrigue pleine de rebondissements, un cadre exotique – la Grèce sous domination ottomane – rendu populaire par de nombreux récits de voyage et les tableaux superlatifs d’un Delacroix, ainsi qu’un héros chez qui la violence et le goût de l’action n’empêchent pas la noblesse des sentiments. Joseph Mazilier est un des chorégraphes les plus prestigieux. Son style, résolument académique, visait aussi à une intense expression dramatique dans les rôles solistes, sans doute car il avait été ce qu’on appelle un danseur de caractère.
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Librement adapté, le scénario est rédigé par le fameux librettiste JH Vernoy d’après les suggestions de François Crosnier, le Directeur du Théâtre Impérial, sans oublier une passionnée de ballets, l’impératrice Eugénie en personne qui verra le ballet trois soirs de suite. Ainsi, Vernoy introduit des épisodes sacrifiant au goût de la superproduction théâtrale (marché aux esclaves, fuite des pirates sur un navire qui fait naufrage) et il fait de Medora, le personnage central, cette femme déterminée à gagner sa liberté et le droit de choisir l’homme de sa vie.
Le Corsaire eut aussi son heure de gloire en Russie.
Il fut chorégraphié et donné dès le 24 janvier 1854. On retrouve dans le rôle de Conrad le tout jeune Marius Petipa. Pour cette production, il assiste même le chorégraphe Perrot pour les répétitions et le seconde même dans la chorégraphie de quelques danses-clés dont le Pas des éventails et la Scène de la séduction. Enthousiasmé par ce rôle de Conrad qu’il va danser à maintes reprises, Petipa, au cours de sa longue carrière de chorégraphe, va donner quatre versions du Corsaire, ajoutant à chaque fois de nouveaux pas, des variations et des danses inédites. Jusqu’à la partition d’Adam qui se retrouve modifiée et enrichie. La quatrième version va entériner tous les ajouts de musique comme de danse. Dansée jusqu’en 1928, elle servira de base à toutes les suivantes.
Signalons un point capital : en 1894, les Théâtres impériaux de Saint-Pétersbourg furent à l’origine d’un projet visant à noter les chorégraphies des ballets du répertoire dans la notation de Vladimir Stepanov, dans un souci de préservation du patrimoine chorégraphique. Bien sûr, c’eut été plus simple si la caméra était arrivée plus tôt ! la Scène du jardin fut la première et dès 1906, pratiquement tout Le Corsaire était consigné. Avec la Révolution russe de 1917, il valait mieux faire “disparaître“ tout cela. Ce fut grâce au régisseur des Ballets impériaux qui emporta toute cette documentation pour la sauver de la destruction. Elle se retrouva en Angleterre.
Michel Grialou