Le dernier roman de Jakuta Alikavazovic, L’avancée de la nuit, publié aux Editions de l’Olivier, est une introspection dans le sentiment amoureux trouble et obsédant.
Chez Jakuta Alikavazovic ce qui attire en premier lieu c’est cette écriture nerveuse, électrique, mystérieuse. Les phrases sont ténues et retenues. Le souffle de la prose oscille entre feu et glace. Il faut entrer dans l’écriture pour entrer dans l’intrigue. Voilà le premier pacte implicite qu’il est nécessaire de passer avec l’auteur. Et lorsque l’on est imprégné de sa musique, le voyage devient alors féerique.
Le chaos de l’amour et de la guerre
Dire que le roman évoque l’amour impossible serait réducteur. Il évoque l’amour, tout court. Celui d’un rencontre improbable entre une jeune fille évanescente, riche et solitaire, et d’un jeune veilleur de nuit, réaliste, mais solitaire lui aussi. Ce sont leurs âmes vagabondes, en manque d’amour et de réponses, qui se rencontrent et se percutent.
Amélie Dehr est à la recherche de son histoire, de sa vie. Electron libre, elle vit seule. Avec la présence d’un père qui apparaît et disparaît, et le fantôme d’une mère, poétesse qui est morte à Sarajevo. L’héritage est lourd et ineffaçable.
Paul se construit, lui aussi, tout seul. Une mère qui n’est plus et un père qu’il voit peu et connaît si mal. Et un jour, la rencontre de Paul et Amélia pour unir les blessures, mais sans jamais les évoquer clairement.
L’art de la fugue
Mais Amélia disparaît ne laissant qu’une masse de cheveux roux dans le siphon d’une chambre d’hôtel. Paul croit devenir fou et reste hanté par le souvenir de celle qui lui est liée à vie.
Le roman devient dès la seconde partie comme une respiration qui joue avec l’existence et les départs. Paul qui veut comprendre et retrouver son amour, Amélia qui est parti sur les traces de sa défunte mère. Ainsi, Paul et Amélia se cherchent et se fuient. Puis un jour Louise, la fille, leur fille, et le scénario recommence entre renouveau et abandon.
La nuit a ses secrets
Il existe de nombreux romans qui retracent toute une vie, mais la particularité de L’avancée de la nuit est que l’on sent réellement cette vie défiler sous nos yeux, sans tricherie. Les ellipses sont comblées par les états d’esprit des personnages. On sent battre leur cœur.
Les thèmes évoqués sont nombreux et sont tissés entre eux par les cicatrices individuelles. D’où la nuit obsédante qui permet de jeter un voile pudique sur ce qui ne peut être dit, mais qui se laisse deviner par un jeu de lumière opaque. Le roman en devient un flambeau incandescent qui guide le lecteur dans sa lecture.
Ce livre est très bien accueilli par la critique qui souligne la perfection du style. Qualité qui était déjà présente et remarquée dans les précédents ouvrages. Le tout premier roman de Jakuta Alikavazovic, Corps volatils avait obtenu le prix Goncourt du Premier Roman en 2008. Après quoi elle avait déjà parlé de Sarajevo dans Le Londres-Louxor en 2010, et enfin en 2012 paraissait son troisième roman, La Blonde et le bunker.
Sylvie V.
L’avancée de la nuit, Jakuta Alikavazovic, Editions de l’Olivier, 288 p.