Marvin ou la belle éducation, un film d’Anne Fontaine
Dieu sait si nous aimons Anne Fontaine, ses combats et combien son avant-dernier opus : Les innocentes, nous avait foudroyés. Et voilà que cette réalisatrice, en adaptant, de très loin, le livre polémique et autobiographique d’Edouard Louis paru en 2014 sous le titre En finir avec Eddy Bellegueule, nous laisse un peu sur le chemin d’une aventure par trop ambitieuse.
Au premier plan : Finnegan Oldfield, à l’arrière-plan Charles Berling
Dans le récit d’émancipation qu’elle met en scène, il est question de Marvin dans deux âges de sa vie. Tout d’abord un tout jeune ado (Jules Poirier) qui est le souffre-douleur de son collège, avec harcèlement sexuel à la clé sous le prétexte qu’il ne présente pas une virilité affirmée. Grandi dans une famille avec peu de moyens, auprès d’une mère démissionnaire et d’un père porté sur le pastis (Grégory Gadebois, énorme !), Marvin devine et cache son homosexualité.
Plus grand (Finnegan Oldfield, mutique et traumatisé), il change d’identité et devient Martin Clément, écrit une pièce autobiographique, la présente à isabelle Huppert (elle-même dans son propre rôle) et, surtout, rencontre un prof de théâtre (Vincent Macaigne, toujours aussi juste) qui va lui ouvrir les portes de la liberté. La scène et ses artifices comme lieu d’émancipation. Pourquoi pas ? Le problème ici est dans une construction hasardeuse et emberlificotée qui décale en permanence le récit entre les deux âges, faisant l’impasse sur l’essentiel qui est la véritable construction et l’acceptation intime de la « différence ». Quelques regards douteux sur le milieu gay parisien, qui roule forcément en jaguar (Charles Berling, pathétique), en opposition avec les origines modestes de Marvin, forcément à la campagne et alcolo, achèvent de nous faire regretter qu’un tel sujet n’ait pas inspiré plus d’acuité et de justesse à la caméra de cette réalisatrice.
Robert Pénavayre