Compte rendu concert. Piano aux Jacobins 2017. Cloître des Jacobins, le 29 septembre 2017. J.S Bach/F.Busoni. L.V. Beethoven. J. Brahms. S.Prokofiev. Nicholas Angelich, piano.
Nicholas Angelich le géant entre puissance et délicatesse.
Le dernier concert de Piano aux Jacobins a affiché complet. Nicholas Angelich est très aimé à Toulouse, connu comme récitaliste, soliste d’orchestre ou musicien de chambre. Il a construit son récital comme une progression vers un final incroyable de virtuosité dans une concentration parfaite de chaque instant.
L’arrangement de Ferrucio Busoni du choral Nun Komm der Heiden Heiland de Bach a été débuté dans un tempo étiré et habité par un profond recueillement. Il a enchainé ensuite avec la sonate N°12 de Beethoven dans une continuité assez étonnante. Le beauté de la sonorité, sa profondeur, le toucher toujours pondéré, et les nuances équilibrées ont fait de cette sonate un moment de pur bonheur, y compris la marche funèbre finale pleine de noblesse. Jusque là c’est la profonde adéquation des moyens pianistiques et émotionnels aux compositeurs joués qui m’avaient frappé. Car combien de pianistes jouent Beethoven trop fort ou Bach trop détaché… Dans les tardives fantaisies de Brahms il a employé la puissance formidable dont il est capable pour enflammer la partition. C’est comme si d’eau forte ou d’aquarelle il était passé à la peinture à l’huile la plus éblouissante. Les nuances sont allés plus loin, vers des forte terribles et des piani délicats. Toute la fougue et toute la formidable énergie de vie dont était capable le « vieux Brahms » a été magnifiée par cet interprète puissant et expressif. L’alternance avec les moments de profonde mélancolie a été poignante. Le Brahms d’ Angelich chante, coule, gronde, rugi ou pleure. Ces pièces de la plus grande maturité de Brahms contiennent les éléments de cette éternelle jeunesse de cœur si caractéristique de Brahms.
L’entracte passé Nicholas Angelich a débuté la terrible sonate n°8 de Prokofiev dans une texture sonore mystérieuse et envoûtante. Chaque mouvement a ensuite mis en valeur les qualités du pianiste avec des moyens exactement dosés dans une émotion faite de concentration et de maîtrise. Le final a été amené crescendo tant au niveau pianistique qu’émotionnel. La strette finale a été comme une transe splendide et irréelle. Comment des doigts si délicats peuvent-t-ils sonner ainsi et à cette vitesse infernale ? Peu de pianistes osent en public cette incroyable sonate. Angelich en est un interprète doué et inspiré. Le succès a été retentissant et trois bis ont prolongé puis apaisé le plaisir fulgurant de ce concert. Une mazurka et une valse de Chopin d’ abord puis pour terminer cette soirée intense, la délicatesse et la profondeur d’âme de la Rêverie de Schumann de ses Scènes d’enfant.
Un Grand, un très grand moment musical d’une intensité particulière par un géant du piano. Nicholas Angelich a achevé en beauté la 38 ième édition de Piano aux Jacobins.
Hubert Stoecklin
Compte rendu concert. Piano aux Jacobins 2017. Cloître des Jacobins, le 29 septembre 2017 ; Johann Sebastian Bach (1685-1725) : Choral Nun Komm der Heiden Heiland, arrangement de F. Busoni, BWV. 659 ; Ludwig Van Beethoven (1770-1827 ) Sonate n°12 en la bémol majeur Op.26 ; Johannes Brahms (1833-1897) : Fantaisies Op.116 ; Sergei Prokofiev (1891-1953) : Sonate n°8 en si bémol majeur Op.84; Nicholas Angelich, piano.