Il y aura douze dates à la Halle aux Grains et trois événements à l’Auditorium Saint-Pierre des Cuisines, exceptionnellement. Depuis plus de trente ans, les habitués connaissent les difficultés rencontrés par les responsables, de mises au point de calendriers, ceux des artistes, mais aussi de la salle, des vacances, mais oui, et enfin, les contraintes budgétaires.
Il est judicieux de rappeler que la structure qui “monte“ ce cycle annuel est au départ une association qui ne vit pas que sur les subventions dites traditionnelles. Il faut donc trouver des mécènes, des moyens financiers qui permettent, tous les ans, d’assurer une nouvelle saison, d’où l’importance prise maintenant par le Cercle des mécènes de Grands Interprètes auquel vous pouvez souscrire, avec en retour quelques menus avantages et le sentiment de participer à une très agréable aventure.
Le cycle fonctionne depuis sa création sur le système des abonnements afin de s’assurer d’un budget minimum d’entrée de saison. Il faut donc motiver l’amateur. Une réduction conséquente attire le mélomane qui se voit, de plus, octroyé la même place à tous les concerts, chose à laquelle sont très sensibles une bonne partie des abonnés. Pas étonnant donc, que cela se bouscule pour la période d’abord des abonnements, soit pour 9 soirées, soit pour une série plus courte de 4. On sait, de plus, que l’abonnement pousse tout un chacun à sortir de son cocon pour rejoindre la Halle. L’agenda est à jour, plusieurs mois à l’avance, ce qui aide à l’organisation. Pour ouvrir d’autres possibilités moins contraignantes, de nouvelles formules ont été étudiées pour moins de concerts, et donc, des sommes moins élevées au départ, moins de dates, et ainsi une gestion moins délicate. Ce sont des “pass“ avec thématiques détaillés dans une brochure fort complète et facile à consulter.
Alors, quels sont les concerts qui vont assurer votre engouement pour la nouvelle saison et, qui sait, vous décider à franchir le pas d’un abonnement, ou entrer un pied dans le mécénat ? Chacune des treize dates est à retenir en fonction de vos goûts personnels, pour des œuvres orchestrales, ou du chant, ou du piano, ou de la musique de chambre. Mais aussi des préférences pour tel ou tel interprète. Des noms sont déjà connus de vous, ceux d’artistes fidèles que le public retrouve avec plaisir. D’autres sont présents pour la première fois, signe de curiosité nécessaire pour faire découvrir. Mais vous repèrerez tout de suite un concert inhabituel dans ce cycle puisque consacré au jazz. Oui, mais avec une figure du jazz tellement charismatique et connu des aficionados de Marciac, le trompettiste Wynton Marsalis. Il est à la Halle avec Jazz at Lincoln Center. Chaude ambiance en prévision le mardi 13 février. Difficile de rater ce moment.
Quelques mots sur la programmation et, première entorse, je m’autorise à débuter avec un événement de musique de chambre donné à Saint-Pierre des Cuisines, un récital qui réunit deux jeunes interprètes dont l’un, le violoncelliste Edgar Moreau, au début de carrière fulgurant, vient de donner une version saisissante du Concerto pour violoncelle et orchestre d’Anton Dvorak, ce mardi soir 18 juillet à la Halle. Ce qui m’incite à vous conseiller de prendre le lundi 19 mars le chemin de l’église. Avec David Kadouch, ils donnent les Sonates pour violoncelle et piano de Frank, de Poulenc et une œuvre plus rare de Strhol. Le pianiste fit une rencontre déterminante, tout jeune, avec Itzhak Perlman, et fait partie de cette nouvelle génération au talent internationalement reconnu.
Vous retournerez à l’église pour un autre surdoué, mais cette fois-ci, de guitare, pour écouter Thibaut Garcia, celui que d’aucuns surnomment “le Petit Prince“ de la guitare. Il joue les œuvres de ce récital sur un instrument de tradition espagnole.
Savant mélange qu’une saison, car il faut toucher tous les publics ou presque et donc, les amateurs de piano, de musique de chambre, de chant, de baroque, de classique, de contemporain, un peu mais pas trop ! et un public friand aussi d’orchestres. Et pour cette saison nouvelle, le voilà servi.
Justement, la saison démarre avec trois dates consacrées à trois orchestres différents. Le premier, samedi 7 octobre, c’est l’ONF, Orchestre National de France et son nouveau chef Emmanuel Krivine. Un orchestre qu’on ne présente plus, vu son niveau d’excellence, et un chef au sujet duquel on a pu lire, « sa gestique est tout simplement fascinante. Il ne dirige pas, il sculpte les sons, les phrasés, les articulations. Ses doigts indiquent mille détails, depuis l’entrée d’un instrument jusqu’à un changement harmonique. » Pas spectaculaire pour deux sous, il a horreur de tout aspect démonstratif. Shéhérazade sera un grand moment qui suivra un autre sommet, à n’en pas douter, le Concerto pour piano et orchestre en sol majeur interprété par…Martha Argerich ! Grâce à ses moyens pianistiques inouïs et sa virtuosité toujours intacte, la “lionne du clavier“ au “toucher de velours“ saura donner tout le souffle, la vie intense, la sève qui coule tout au long des mouvements rapides et la poésie qui étreint l’adagio de ce concerto de Ravel.
On poursuit jusqu’au vendredi 20 octobre avec un ensemble et un chef bien connus et appréciés des habitués de ce cycle, Il Giardino Armonico sous la direction de Giovanni Antonini, pour un concert de musique classique 100% puisque des œuvres du XVIIIè siècle, deux Symphonies de Joseph Haydn s’intercalant entre deux Concertos pour violon et orchestre de Wolfgang Amadeus Mozart. La soliste est Isabelle Faust, violoniste allemande jouant sur un précieux Stravidarius dont elle dit : « Il a encore ses humeurs, dit-elle drôlement, mais j’essaie d’être réceptive aux qualités que l’instrument m’offre et de les exploiter. » Son bijou se dénomme joliment La Belle au bois dormant de 1704. Ne jouant pas les stars et n’ayant guère de goût pour le spectaculaire, son jeu est aussi lumineux que sa personnalité, et sa sonorité svelte et transparente lui ressemble.
« Russe, russe, je suis russe jusqu’à la moelle des os » proclamait Tchaïkovski au moment où il écrivait ses dernières symphonies dont la Symphonie n°5 qui termine ce concert, venant après une œuvre de Rimski-Korsakov et une autre de Piotr Iliytch. La direction de l’Orchestre Philharmonique de Saint-Petersbourg est assurée par une gloire qui fait son retour à la Halle, le chef si charismatique, Yuri Temirkanov, descendant, si l’on peut dire, du légendaire Mravinski. Il est loin le temps des premiers concerts de cet orchestre amené par son chef et qui se distinguait par des instruments que l’on qualifiait volontiers de fatigués ! et en même temps, on se plaisait à reconnaître à cette phalange une sonorité personnelle extraordinaire. Ce sera donc un grand retour de ce tandem mythique.
Deux jours après le concert de Philippe Jaroussky, soit le samedi 2 décembre, ce sera pour Grands Interprètes le quatrième concert avec orchestre et soliste. On est habitué à cet orchestre invité, le fameux Chamber Orchestra of Europe. Son chef est pour ce soir, Jaap van Zweden qui doit se souvenir de sa dernière venue à la Halle lorsque durant un concert avec l’ONCT, le ciel leur est tombé sur la tête avec la verrière fracassée par un orage énormissime de grêle. Prestation interrompue ce soir du 15 mai 2008. Renaud Capuçon est comme chez lui à la Halle. Il est présent dans cette nouvelle saison avec, œuvre plus rare, la Sérénade de Leonard Bernstein. Il joue sur le même instrument, un Guarneri del Gesù de 1737, que lors de la création. Elle eut lieu sous les doigts d’Isaac Stern, icône du violon du XXè siècle. Magnifique concert qui débute avec la Symphonie de chambre de Chostakovitch pour, après la Sérénade, se clore par la Symphonie n°5 de Beethoven.
Qui ignore la phalange Orchestre Philharmonique de France ? Qui ignore encore le chef coréen Myung-Whun Chung qui a dirigé l’orchestre précédent une quinzaine d’années durant? Tout mélomane connaît l’un et l’autre. Les voilà réunis à la Halle ce vendredi 30 mars pour un monument symphonique la Neuvième Symphonie, n°9 en ré majeur de Gustav Mahler. Symphonie que certains n’hésitent pas à titrer : Mort et Transfiguration. Près de quatre-vingts minutes pour une œuvre purement instrumentale, pour grand orchestre. Un magnifique défi à relever. C’est sans doute Leonard Bernstein qui, dans ses conférences à Harvard, en 1976, en a le mieux parlé. « Le destin de Gustav Mahler a été de récapituler l’histoire de la musique austro-allemande, d’en faire un paquet attaché non par un joli ruban, mais par un nœud affreux fait de ses nerfs. » Mue par une sorte de pressentiment de la mort, cette symphonie constitue un douloureux legs testamentaire. Elle sonne en effet comme un “adieu“ – Der Abschied, titre du dernier mouvement de l’œuvre immédiatement antérieure, Le chant de la terre. Un triple adieu, à la vie, à la tonalité, et à la culture classique. Un arrangement énigmatique si l’on suit Bernstein qui proclame mystérieusement : « Notre siècle est le siècle de la mort, et Mahler est son prophète musical ».
Le jeudi 8 mars, c’est un concert où se partagent deux symphonies de Franz Schubert, les n°1 et n°6, loin des habituelles à l’affiche, la 8 et la 9. Elles encadrent une suite d’arias extraites de l’opéra Tancrède de Gioacchino Rossini, airs pour mezzo-soprano qu’interprète Robin Johannsen, L’orchestre est le B’Rock Orchestra qui n’est ni plus ni moins qu’un orchestre flamand sans chef attitré, créé en 2005 et basé à Gand en Belgique. Il a pour objectif de revisiter la musique baroque. René Jacobs le dirige en tant que chef invité et ce, depuis plusieurs années. René Jacobs qui fut contre-ténor en son temps, puis s’est détourné du chant pour devenir chef d’orchestre plutôt anticonformiste. Une qualité qui l’amène à diriger par exemple l’an dernier deux “rarities“, L’Opera Seria de Florian Leopold Gassmann (1769) avec un bonheur communicatif ainsi que Don Chisciotte in Sierra Morena, œuvre comique devenue la plus célèbre de son auteur, Franscesco Bartolomeo Conti. Une soirée qui peut nous révéler des surprises, musicales bien sûr.
Âgé d’une trentaine d’années, le contre-ténor Philippe Jaroussky a déjà conquis une place prééminente dans le paysage musical international, comme l’ont confirmé les Victoires de la Musique (Révélation Artiste lyrique en 2004 puis Artiste Lyrique de l’Année en 2007 et 2010) et, récemment, les prestigieux Echo Klassik Awards en Allemagne, lors de la cérémonie 2008 à Munich (Chanteur de l’Année) puis celle 2009 à Dresde (avec L’Arpeggiata). Ce fut une décennie exceptionnelle. Sa brillant carrière se poursuit et il retrouve la Halle avec son Ensemble Artaserse, le jeudi 30 novembre pour un concert consacré à Haendel. Avec une maîtrise technique qui lui permet les nuances les plus audacieuses et les pyrotechnies les plus périlleuses, Philippe Jaroussky a investi un répertoire extrêmement large dans le domaine baroque, des raffinements du Seicento italien avec des compositeurs tels que Monteverdi, Sances ou Rossi jusqu’à la virtuosité étourdissante d’un Haendel.
La jeunesse toujours est au rendez-vous le mercredi 14 mars pour un programme très original intitulé Le dernier voyage du compagnon Mozart avec le fameux Requiem et des œuvres maçonniques. Raphaël Pichon dirige son Ensemble Pygmalion que nous connaissons bien. On se doit de citer la distribution, impressionnante, puisqu’on y retrouve son épouse, la soprano étourdissante Sabine Devieilhe, la mezzo-soprano Sara Mingardo, le ténor John Irvin et la basse Nahuel di Pierro.
Le Goliath invaincu du piano, dit-on de Grigory Sokolov. Paradoxe vivant à l’ère de l’hypermédiatisation, Grigory Sokolov est longtemps resté un des secrets les mieux gardés des connaisseurs du piano. Diplômé du Conservatoire de Leningrad, lauréat du Concours Tchaïkovski de Moscou en 1966, ce magistral interprète n’est pas un adepte des confidences sur la place publique. Il est vrai, également, qu’il enregistre peu. Sans doute parce que la musique, à ses yeux, se vit dans la fébrilité inspirée de l’instant et ne saurait être mise en boîte une fois pour toutes. Il est venu, et revenu, et revient encore car le personnage marque tellement les fidèles du cycle. Bien sûr, le programme s’intitule : Carte blanche. On y accourt, les yeux fermés. C ‘est pour le lundi 4 juin.
Pour la première fois à Toulouse, Daniel Barenboim donnera un récital dont la première partie est consacré à Claude Debussy et son Premier Livre des Préludes. Faut-il présenter cet “affamé‘ de musique, qui donne son premier récital officiel de piano à sept ans dans sa ville natale, Buenos Aires, qui prend des cours de direction d’orchestre à douze, donne ses premiers concerts au piano en Europe à dix, réalise ses premiers enregistrements de musique de chambre à douze, etc…C’est une carrière époustouflante. L’artiste semble être partout. Fait des plus marquants de son activité boulimique, il crée en 1999, l’Orchestre atelier du Divan occidental-oriental, qui réunit de jeunes musiciens du Moyen-Orient et d’Israël. Il est donc aussi à Toulouse ce lundi 15 janvier à 20h. C’est bien une performance.
En ce vendredi 15 juin, en clôture de saison, encore une vieille connaissance, si l’on peut dire de tout juste quarante ans, avec le chef Yannick Nézet-Seguin. Il y a une douzaine d’années, il dirigeait l’ONCT à la Halle pour un concert à 17h. Déjà, ses qualités de chef se révélaient, évidentes. En 2020, il va prendre la direction artistique du Metropolitan de New-York : une formidable trajectoire, un peu comparable à celle de Tugan Sokhiev et son Théâtre du Bolchoï. Les habitués des concerts à la Halle ont pu les voir dirigés, et l’un, et l’autre !! On est bien content qu’il vienne ou plutôt revienne diriger le Chamber Orchestra of Europe dans la Symphonie n°3 de Brahms mais surtout qu’il accompagne une jeune violoniste qui grimpe au firmament, Lisa Batiashvili, dans le Concerto pour violon et orchestre en ré majeur de Brahms.
A signaler une soirée comme le récitant Olivier Bellamy les aime : il est récitant, accompagné par le pianiste Jean-Bernard Pommier. Colette au concert, tel est le titre de cet entretien original. Le chroniqueur, biographe et “fada“ de musique, accompagné par l’immense talent du musicien, voilà un cocktail excitant pour le lundi 29 janvier à Saint-Pierre.
Michel Grialou
saison 2017 / 2018
Mécénat / Partenariats
Nathalie Coffignal
ncoffignal@grandsinterpretes.com
Tel : 05 61 21 09 61
Crédit Photos
Wynton Marsalis / Jazz at Lincoln Center © Frank Stewart
David Kadouch @ Caroline Doutre
Edgar Moreau © Julien Mignot/Erato
Martha Argerich © Adriano Heitman
Isabelle Faust © Felix Broede
Giovanni Antonini © Kemal Mehmet Girgin
Yuri Temirkanov © Stas Levshin
Jaap van ZwedenPhotographer © Marco Borggreve
Renaud Capuçon © Darmigny
René Jacobs © Molina Visuals
Philippe Jaroussky © Simon Fowler
Raphaël Pichon @ JB Millot
Daniel Barenboim © Silvia Lelli
Yannick Nézet-Séguin © Marco Borggreve