Voyage spatialisé en polychoralité
dans la vaste Occitanie
Pour ouvrir son édition 2017 le festival Radio France Occitanie Montpellier a innové avec faste. Le Concert Spirituel d’Hervé Niquet fête ses trente ans. Tout ce petit monde s’est déplacé dans la charmante bourgade de Pibrac dominée par l’étrange dôme de la Basilique Sainte Germaine. Proche de Toulouse, semblant préparer à la douceur du Gers, la campagne environnante donnait une dimension bucolique à l’aventure proposée par cet étonnant concert, retransmis en direct sur France Musique et les radios européennes. Le public s’est installé, dans la basilique, très intrigué, environné de huit estrades. Personne n’a donc pu vraiment décider à l’avance de ce qu’il allait pouvoir percevoir de ce concert. Le mystère s’est vite levé quand les 14 instrumentistes, les trente deux chanteurs et les sept chefs de chœurs se sont installés. Un plain chant sotto voce a préparé l’écoute, puis un Cantate Domino de Monteverdi a permis aux oreilles de chacun de se repérer dans son écoute totalement bousculée, hors de ses habitudes. Puis il n’est plus possible de vraiment décrire ce qui nous a été imposé. Car ce qui me paraît le plus notable est d’avoir du baisser les armes, se laisser faire tant l’environnement sonore a été envahissant. Nous avons en effet été pris à parti par une musique conquérante et prosélyte qui par son organisation spatiale enfermante, nous a contraint à tenter de diriger notre écoute ça et là, totalement perdue par tant de stimulations. Dire que cette musique est belle, émouvante est faible. Elle s’impose, et impose une vision de l’homme perdu au milieu de la création divine dont il ne peut comprendre que des instants. En pleine campagne de survie, face aux évènements déclenchés par la Réforme, l’Eglise Catholique et Romaine s’est adjoint un général musicien invincible en la personne d’Orazio Benevolo. Il a été récompensé par le poste de maître de Chapelle au Vatican. Autant sa messe à huit chœurs que son magnificat à 16 voix sont des partitions complexes et exigeantes autant pour les musiciens que le public. Comme sonné par cette splendeur sonore tournoyante les respirations par le Plain chant et les pièces instrumentales ont permis de reprendre notre souffle. Mais pour mieux être emporté ensuite, dépourvu de toute résistance. C’est une musique qui ne permet pas de penser, elle se ressent.
Hervé Niquet devant le défi a organisé une étrange cérémonie. De profil, battant la mesure de ses deux bras symétriques il a demandé que son geste soit exactement relayé par sept chefs de chœurs qui avaient les yeux rivés sur lui. Les nuances étant obtenues par la hauteur du geste. De cet aspect quasi martial, le caractère de la musique a été comme révélé et aucun décalage n’a pu s’insinuer au sein d’une tension permanente. Le public a été comme frappé par une splendeur qui le dépasse. Les instrumentistes et les chanteurs ont tous été d’une concentration extrême. La beauté des voix, les riches couleurs des instruments ont émergé par moments comme un rayon de soleil au travers des nuées.
Un grand évènement choral a donc ouvert le Festival de Radio France Occitanie Montpellier à Pibrac. La réécoute du concert sur France Musique ne rend pas compte de cette sensation si particulière lors du concert et la lassitude de la simple écoute peut s’installer par un manque de rhétorique avenante dans ce vaste voyage.
Bravo à Hervé Niquet qui a le courage d’organiser et de mener à bien cette aventure extraordinaire. Il sait s’appuyer avec à propos sur les travaux de de Jean Lionnet et Marco Giulani qui ont pu, pour le premier copier dans la bibliothèque du Vatican de nombreuses partitions, et le deuxième a trouvé le Magnificat de Benevolo dans la bibliothèque de Trente.
Le festival de Radio France Occitanie Montpellier joue avec générosité et inventivité la carte territoriale dans sa vastitude unique dans l’Hexagone, avec plus de trente concerts dans les territoires autours de Montpellier et Toulouse.
Hubert Stoecklin
Compte rendu-concert. Pibrac. Basilique Sainte Germaine. Le 10 juillet 2017. Festival Radio-France-Occitanie-Montpellier. Claudio Monteverdi (1567-1643) : Cantate Domino ; Orazio Benevolo (1605-1675) : Messe Si Deus pro nobis à 8 Chœurs, Magnificat à 16 voix ; Giovanni Palestrina (1525-1594) : Beata es, Virgo Maria (pièces instrumentales) ; Girolamo Frescobaldi (1583-1643) : Offertoire Canzone, Peccavimus, Exercizi sopra la scala (pièces instrumentales) ; Plain chants d’auteurs anonymes. Le Concert Spirituel : Chœur et Orchestre ; Hervé Niquet, direction.