Toujours à l’affiche de l’Utopia Tournefeuille, « Visages, villages », va vous régaler.
Quoi de plus atypique que la rencontre entre JR, jeune photographe qui a fait de la photographie-collage grand format son domaine de prédilection, et Agnès Varda cinéaste avant-gardiste de la Nouvelle Vague ? A priori pas grand-chose. Eh bien, c’est sans compter sur l’imagination sans borne de ces deux artistes.
Une rencontre, un concept et les voilà partis à l’inconnu – ou presque – pour croquer des personnages, capturer des regards, raconter des histoires anonymes… Le but, sortir des villes, fixer le réel des villages de France et capturer des cartes postales, des souvenirs. Mais surtout se laisser guider par le hasard et l’inattendu. La magie prend forme à partir d’un lieu, d’un paysage, d’un mur nu car le but, dira Agnès Varda, est « le pouvoir de l’imagination ».
Les réactions sont multiples entre joie, pudeur et émotion. Et le résultat est garanti, les compositions pensées à deux sont percutantes, les photographies reflètent la vérité d’un instant. Le tout filmé sous l’œil amusé et émerveillé d’Agnès Varda. La cinéaste, qui comme son compère, ne manque pas d’humour.
Agnès Varda, dont la vue s’affaiblit, n’aura de cesse de vouloir regarder dans les yeux son complice qui se cache sous ses indétrônables lunettes noires. Déterminée, têtue, amusée, agacée… la demande sera formulée comme un fil rouge tout le long du documentaire. Y parviendra-t-elle… ?
Les histoires d’anonymes se tissent à mesure que la complicité – et l’amitié- entre les deux principaux protagonistes grandit.
Sans oublier la rencontre programmée avec Jean-Luc Godard, l’ami d’antan qu’elle n’a pas revu depuis des années. La scène inattendue fleure avec l’émotion la plus tenue sans franchir le voyeurisme.
Tel est le film-documentaire qui s’offre comme un voyage de l’intime, à la rencontre de l’art, de la couleur et des instants éphémères. Le résultat est déroutant, le ton est juste, l’ambiance bonne enfant.
Agnès Varda ovationnée au dernier festival de Cannes n’était pas revenue derrière la caméra depuis longtemps. Elle nous donne l’occasion avec JR d’entrer une fois encore dans un univers décapant d’originalité.
Last but not least, une musique épurée et joyeuse signée Mathieu Chedid scelle cette rencontre liant la poésie à la poésie !
Sylvie V.