L’Occitanie à genoux, la cathédrale Sainte-Cécile hérissée, les fans de gratte enfin gratifiés, ZZ TOP démarre sa nouvelle tournée européenne (intitulée Tonnage Tour) au festival Pause Guitare d’Albi, jeudi 6 juillet à 22h30 (après Féfé et Renaud !)
ZZ TOP, alias le Little Ol’ Band From Texas, traverse le temps comme les dessins animés de Tex Avery ou la passion du houblon. Toujours les mêmes sacrés Billy F. Gibbons, Dusty Hill et Frank Beard, ces impassibles pistoleros qui font sauter les bouchons d’oreille en clignant des yeux, derrière les lunettes noires.
La publication l’an dernier de l’album « ZZ Top’s Live! Greatest Hits From Around The World » (Suretone Records), 15 classiques enregistrés de Dallas à Berlin et de Sao Polo à Rome, frottés à l’huile de carter et trempés dans la Bud, remplis de cuisses, cactus, roues et riffs, de sucre brun et de feuilles séchées, de cluques bon marché et de bas excitants, est venue nous rappeler que les poilus du blues-rock ont accompagné les bons moments de nos vies depuis plus de 40 ans. Un musicien indé réputé aussi « inrockuptible » que notre concitoyen Michel Cloup a même avoué récemment sur son compte FBK qu’il cuisinait en écoutant ZZ Top, au grand dam de ses fans les plus radicaux. On se souvient par ailleurs du glorieux trio toulousain Fly & the Tox qui a longtemps marché sur les brisées des Texans.
Billy F. Gibbons, guitariste et chanteur, a accepté de répondre à notre interview barbecue sur les cowboys et les hippies, Lightnin’ Hopkins, B.B. King et Little Walter, l’éducation au blues et les mystères du matos, la famille et les fraternités.
Mais d’abord, un coup de boogie au Super Bowl.
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GL : Est-ce que vous prenez encore du plaisir ou faites-vous ça comme conduire un camion?
BFG : Vous pouvez vraiment vous amuser à conduire un camion, en fonction de son équipement et de la route mais, avant tout, nous continuons sans relâche parce que nous prenons toujours du bon temps dans notre job. Nous n’avons jamais pensé faire autre chose car, si on analyse la situation, qu’est-ce qui pourrait être aussi euphorisant que de jouer une musique forte et funky avec des gens qui l’apprécient franchement?… OK, c’est bien mieux que de conduire un camion.
GL : Etes-vous d’autres personnes quand vous retirez vos légendaires costumes ?
BFG : Nous sommes pratiquement les mêmes que ceux que vous voyez sur scène. Voilà ce que nous sommes : trois mecs du Texas qui aiment se lever pour envoyer le bois. Les étincelles, c’est un spectacle divertissant.
GL : Combien encore de riffs et de chansons pourrez-vous sortir de vos têtes?
BFG : C’est une question pour un mathématicien… Nous avons à la base trois accords mais, bien sûr, la magie opère dans l’agencement des éléments qui produisent une chanson. Nous en avons un paquet de nouvelles en train d’infuser dans nos têtes, ça n’arrête jamais.
GL : Jouez-vous à pleine puissance sur scène, et vos montagnes d’amplis sont-elles autre chose qu’un décor?
BFG : Oui, on ne retient rien. Ces amplis Marshall et Magnatone, c’est du sérieux.
GL : J’ai ce vieux numéro de la revue Guitar Player (daté de juillet 1991) où vous interviewez longuement B.B. King. Il y a des histoires croustillantes sur la sauvagerie de Memphis, comment les musiciens se mettaient les uns les autres à l’épreuve et jouaient à « se couper la tête » lors des jam sessions…
BFG : Oh, yeah…! Quel privilège de passer du temps avec ce vrai génie, cet inspirateur. La couverture du magazine résume tout : que des sourires (NDA : Surtout BB!).
GL : Vous lui posez une question, puis-je vous la retourner? « Y-a-t-il un moment où il a été clair que vous étiez destiné à jouer le blues? »
BFG : Cela doit remonter à l’époque où on m’a emmené assister à une séance d’enregistrement de B.B. King ; j’avais cinq ou six ans. J’ai aimé tout ce que j’ai vu et entendu et il ressemblait à un dieu! Quand il a pris la guitare et a commencé à jouer, il y a eu un déclic et j’ai su dès lors ce que je voulais être. Tout ce que nous avons fait depuis est, d’une façon ou d’une autre, basé sur le blues et, quand on y pense sérieusement, le blues est l’une des authentiques pierres de touche de la Civilisation Occidentale.
GL : Avez-vous appris combien il est important de raconter des histoires, même drôles, de quelqu’un comme Lightning Hopkins?
BFG : Lightnin’ était installé à Houston, Texas, la ville natale de ZZ Top, et Lightnin’ a certainement été très tôt une inspiration en ce qui concerne le « story tellin’ »… Fabuler est considéré comme un trait de caractère des gens du Lone Star State, peut-être la confluence des gènes et de la culture.
GL : Votre grand-père était un gantier d’origine anglaise et votre père, pianiste. Par bonheur, vous ne jouez pas de guitare avec des moufles. Sérieusement, vous considérez-vous comme les enfants de vos parents et de la société ou comme le fils du blues et de vos expériences personnelles?
BFG : Mes parents ne m’ont encouragé qu’à contre-coeur, cependant nous devons leur rendre justice. Quand une guitare électrique a trouvé son chemin jusque sous le sapin, un matin de Noël, quelques temps après mon treizième anniversaire, Santa Claus n’y était pour rien. De plus, notre merveilleuse gouvernante Big Stella et sa fille, Little Stella, m’exposaient quotidiennement à de prodigieuses musiques R&B et blues au son desquelles j’ai grandi. Pour ça, un environnement très très épanouissant.
GL : Peut-on trouver une quelconque connexion entre les cowboys et les hippies, spécialement au Texas et en dehors de votre musique?
BFG : Bien sûr, des personnages épris de liberté (« footloose ») , au look excentrique (« unorthodox »), sans domicile fixe et errant de ci, de là, à la recherche de l’aventure, etc. En plus, les vestes à franges.
GL : Billy Gibbons, vos solos sont toujours concis et ne débordent jamais des justes besoins de la chanson. On dirait le phrasé d’un cuivre dans les disques de Bobby Blue Bland, l’art consommé d’un Keith Richards ou même d’un légendaire harmoniciste de Muddy Waters…
BFG : Ce genre de staccato vient en effet du jeu d’harmonica de Little Walter et, sans aucun doute, le guitariste de Bobby Bland, Wayne Bennett, au style dépouillé et fluide, a été un maître à suivre. Je n’ai pas assez de mots pour Keith Richards: tout à fait un modèle.
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GL : La chanson « Cheap Sunglasses » nous met toujours en joie, pour rester poli. Mais quel est le secret derrière le son extraordinaire de la guitare?
BFG : Ah, yeah…! Le machin infâme connu sous le nom de « ring modulator ». Une simple astuce mais une vraie qui sonne, c’est le moins qu’on puisse dire! Rock on…!
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Greg Lamazères
(Entretien par mail, traduction GL, 3 juillet 2017, merci Perrine!)
du 04 au 09 juillet 2017