De toutes mes forces, un film de Chad Chenouga
Le deuxième long métrage de ce réalisateur français, toujours dans une veine autobiographique douloureuse, celle de l’enfance malmenée, confirme un vrai talent de cinéaste.
Scénariste de son film, Chad Chenouga nous met sur les pas de Nassim, un jeune garçon en passe de sortir de l’adolescence. Son père a disparu depuis longtemps et sa mère navigue entre drogues et médicaments pour soigner un cancer. Tenant bon dans cette atmosphère délétère, Nassim suit des études dans un grand lycée parisien. Un soir, il trouve sa mère morte. Personne dans la famille pour le recueillir, direction l’orphelinat. Dans ce milieu difficile, violent, étranger, Nassim ne trouve pas sa place. Pour ne pas perdre ses amis lycéens, il va s’inventer une autre famille. Son but, cacher sa condition de pensionnaire dans un foyer d’accueil. A peu de choses près, le réalisateur a vécu ces événements. Il les met en images et en paroles ici avec une acuité de ton qui fait mouche et qui ne peut tromper.
Meurtrissures, colère, culpabilité, absence de repère, révolte irriguent d’un flot noir la vie de Nassim. Mais il y a aussi sa jeunesse, son énergie, sa volonté et l’incroyable dynamique qui, contre toute attente, naît dans ce foyer dont les occupants paraissent voués aux gémonies. C’est ce parcours initiatique, le passage dans ce lieu de tous les dangers, un chapitre entre parenthèses dans la vie de Nassim que Chad Chenouga nous invite à découvrir, sans économies aucunes. Petit à petit Nassim va parvenir à faire le deuil de sa mère mais aussi à se construire en profondeur. Les marches pour y parvenir sont nombreuses et hautes à franchir. Le danger et les tentations rôdent en permanence. Ce film repose sur les épaules de deux comédiens. Le jeune Khaled Alouach (19 ans et premier rôle) est le Nassim idéal.
Gueule d’ange et volonté chevillée au corps, il donne une relief tout particulier, terriblement ambigu et tellement éloigné de l’archétype communément admis de ce genre de personnage qu’il en devient fascinant de complexité. Un début pour le moins excitant devant la caméra. Et puis il y a la géniale, l’incroyable Yolande Moreau dans le rôle de la directrice du foyer à quelques mois de sa retraite. Mater familias au cœur immense, à l’expérience imparable, elle est l’âme salvatrice de cet univers tourmenté. Et l’on ne sait quoi admirer de plus dans le jeu de cette comédienne tant un seul de ses regards suffit à vous faire chavirer et à vous transmettre toute la compassion du monde. Sublime de présence, d’humanité et de naturel, Yolande Moreau irradie chaque plan par un talent hors norme. Un monument ! Et un film qu’en aucun cas on ne peut ignorer.
Robert Pénavayre
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De toutes mes forces Réalisateur : Chad Chenouga Avec : Khaled Alouach, Yolande Moreau…
Yolande Moreau – Lumineuse, vertigineuse, ardente…
Un temps pilier de la troupe Jérôme Deschamps/Macha Makeieff, cette actrice belge débute dans des rôles comiques jusqu’à ce que l’étendue de son talent la signale à l’attention de metteurs en scène qui vont finir par la distribuer dans des emplois dramatiques. En 2004, elle aborde alors une cinquantaine fringante, Yolande se lance dans la réalisation et obtient un vrai triomphe avec Quand la mer monte. Son imposante filmographie actuelle (plus de 80 films !) est le témoignage d’un talent protéiforme. Ses apparitions à l’écran, aussi furtives soient-elles, comme par exemple le rôle de la Femme de Dieu dans Le Tout Nouveau Testament, donnent la dimension, pour ne pas dire la démesure d’un charisme et d’une aura dont aucune autre comédienne actuelle ne peut se prévaloir. Une immense actrice !