Le 8 mars est traditionnellement la Journée des Droits des Femmes depuis 1917, et la grève des ouvrières de Saint Petersburg. Mais ce n’est qu’en 1945 que la Journée internationale des Femmes devient une tradition dans le monde entier ; sans doute parce qu’elles étaient si nombreuses dans la Résistance ; plus nombreuses que les hommes même. Cette journée était l’occasion de rappeler que la lutte pour l’égalité est toujours d’actualité, face à la résurgence de discours et des actes sexistes, des violences faites aux femmes, qui nous inquiètent; comme tous les manquements à la Démocratie.
En tant qu’homme de mot, j’ai depuis longtemps remarqué que langue française a du mal a se décliner au féminin : si « sculptrice » sonne bien et si « peintresse » existait au Moyen-Âge, beaucoup de noms de métiers sont – et restent – masculins: acolyte, agent, ange, apôtre, chirurgien, médecin, docteur, chef etc… Messieurs les Académiciens qui longtemps avaient repoussé avec virilité l’entrée de ces dames à vos côtés (est-ce votre épée de pacotille qui vous entravait ?), vous avez du pain sur la planche : cela fait plus d’un demi-siècle déjà que Louis Aragon, notre dernier poète courtois, l’a affirmé: « la Femme est l’avenir de l’Homme » !
Les siècles passés ont longtemps relégués reléguées les Femmes dans leur rôle de madones, de femmes-poèmes ou de femmes-totems, (sans parler d’objets sexuels), réduites au silence par certaines dominations masculines. Cette forme d’intégrisme a perduré jusqu’au début du XX° siècle en Occident; et jusqu’à aujourd’hui dans certaines théocraties.
Et je pense souvent à ces Femmes, épouses, mères, maîtresses, se confiant à la page blanche, quand elles le pouvaient, à toutes ces poétesses inconnues, à toutes ces femmes anonymes, jardinières, dentellières, bergères, couturières, nourrices, cuisinières, servantes, bonnes à tout faire, bourgeoises et aristocrates…
Ce mercredi 8 mars à Bouloc, la Mairie et la Pause Musicale nous invitaient à une soirée autour des Femmes (et de leurs droits), sujet d’une actualité brulante quand on voit certains hommes « politiques » clamer leur mépris de la moitié du genre humain, avec arrogance et trivialité dans des pays dits civilisés, et les crimes féminicides (il est triste de devoir créer ce mot) se multiplier dans le monde et pas seulement dans le pays dits sous-développés.
Ce sujet grave était heureusement mis en lumière dans la convivialité, la bonne humeur et le talent.
Puisque les musiciennes intervenant ce soir-là en sont pétries !
Bricodam (1), c’est un duo qui bricole les sons (avec divers outils détournés, vis de charpentier frottées imitant le son d’un « réco-réco » (percussion brésilienne), tuyau en PVC, scie égoïne, interrupteurs claqués l’un contre l’autre etc.), retape la chanson française à textes ; mais elles n’oublient jamais que leurs voix est leur plus bel instrument, des onomatopées et autres bruits de bouche aux notions de base (respiration, placement de la voix…).
Dans leur programme des perles : Pour une amourette de Leny Escudero, Lily et le Zizi de Pierre Perret, Je me suis fait tout petit de Brassens (dont elles ont détourné 95 fois sur 100 pour leur clip), Te lo farei notare (chanson pleine de tendresse de Giorgio Conte : je t’aime plus qu’hier…), Olympe de Gouges des Femmouzes T, La Femme du soldat inconnu (écrit par Magyd Cherfi pour celles-ci), Parlez-moi d’amour de Lucienne Boyer (version rock and roll)… Passées à la moulinette de ces Drôles de Dames ! Elles mettent en musique leurs propres compositions, selon le même concept de « bricolage » et parlent de « chanson recyclée » !
95 fois sur 100 de Georges Brassens par Bricodam:
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C’est le spectacle de deux artisans(nes) musiciennes, à la croisée de la pratique de l’artisan, et de celle de l’artiste. Tout d’abord, un chantier est reconstitué sur scène : « rubalise » (ou ruban de chantier), cônes orange vif, bâche de chantier, casques etc… Puis des « costumes de scène » : des bleus (oranges) de travail, et des lampes frontales font l’essentiel de leur tenue : pas très glamour (bien moins que les tenues de femmes bricoleuses sur les publicités destinées à vendre des perceuses!), mais ô combien adaptées. Un piano numérique fait office de « revêtement de sol (bémol) harmonique » aux chansons interprétées. Mais l’aspect vocal est très important : les deux voix sont leur outil premier, leur ciment : elles lient le tout.
Bernadette Mouillerac, est tombée dans la marmite artistique quand elle était petite ! Les années passant, elle a cumulé les escales musicales : de Mobylette à Lily Brick et au duo Réverbère avec son frère Rémy, de participations à différentes formations où elle a donné de la voix (Daniel Antoine, SamStoner guitariste de Pascal Obispo…), à son groupe Lhoma, Boudu Les Cop’s (2) a sans doute été le plus marquant, et vit toujours en pleine forme puisqu’il vient de fêter ses 18 ans. Sa voix, au registre étendu, qui évoque souvent les chanteuses de Blues, lui permet d’explorer tous les univers musicaux dont sa curiosité est gourmande.
Autodidacte, Françoise Chapuis est une reine de l’improvisation. Son aventure musicale la plus marquante est celle des « Femmouzes T » (Les Fameuses Trobairitz), où elle était « tambourine-woman » et auteure des chansons : avec sa « sœur brésilienne » Rita Macedo, le guitariste virtuose Serge Faubert et le percussionniste Eraldo Gomez, 17 années durant lesquelles les rencontres musicales et humaines furent nombreuses, lors de tournées aux quatre coins du monde. L’écriture est sa discipline de prédilection, en chansons, en prose, en radio, c’est également pour elle le moyen de parler des autres, ou d’exprimer ses engagements, ses colères, comme ses éclats de rire mutins.
L’humour est toujours présent chez ces deux jeunes femmes qui ne se prennent jamais au sérieux.
Et ce n’est pas un hasard si leur copine Miss Véro (une des trois Boudu Les Cop’s) vient pimenter leur prestation d’interventions « point-virgule », rappelant les étapes de la lutte pour la Cause des Femmes depuis Olympe de Gouzes jusqu’à Simone de Beauvoir et Simone Veil, en passant par Louise Michel, puis dans un registre plus « léger » avec un extrait d’un sketch de Florence Foresti sur la condition (physique) des Femmes, sans oublier tous les surnoms dont elles ont été affublées.
Et vient chanter avec elles Olympe de Gouges :
Olympe au naturelle
Fille de Pompignan
Olympe universelle
Fille de Montauban
Olympe tu as 200 ans
Et toujours pas démodée
Ils sont nombreux tes prétendants
A récupérer tes idées
Pourvu que de notre vivant
On les voit se réalisées
Olympe au naturelle
Fille de Pompignan
Olympe universelle
Fille de Montauban
Olympe à droite, olympe à gauche
Olympe politisée
Olympe au centre de l’idée
Qu’il était temps désormais
D’accorder même au féminin
Les droits du citoyen…
Elles font un tabac, comme on dit (même si personne ne fumait dans la salle), devant un public féminin à 80%, conquis et complice, dont certaines ont connu les étapes vers l’émancipation, à travers le droit de vote en 1944, à avoir un compte en banque à leur nom en 1965, à interrompre volontairement leur grossesse en 1975 etc…
Mais n’oublions pas que ce combat, comme tous ceux pour un monde meilleur, n’est jamais fini (voir le dossier intitulé Femmes, le combat s’amplifie dans Télérama de cette semaine) ; même si ce soir tout finit par des chansons.
En intermède, les jeunes femmes de l’association AMALGAM (danse et vidéo) nous ont fait entrer dans leur univers, avec fraicheur et sincérité.
Une bien belle soirée à renouveler.
En 2009, pour un concert poétique avec 6 musiciennes (dont Véro Dubuisson et Bernadette Mouillerac), j’avais écrit :
Elles furent la mer en moi
Comme un cadeau
A un gosse du Front Populaire
Jamais sorti du HLM
Femmes que j’aime
Je suis l’archet qui caresse
Les cordes sensibles
De leurs rebecs et guitares
De leurs voix longtemps étouffées
Femmes que j’aime…
Je suis heureux que les Femmes de Bricodam et Boudu Les Cops (comme beaucoup d’autres par le monde), nous enchantent avec leurs mots libres (3).
C’est un grand bonheur, Femmes que j’aime !
E.Fabre-Maigné
9-II-2017
Pour en savoir plus:
1) https://bricodam.wordpress.com/
Elles seront en concert
– le 30 mars au Centre culturel Alban Minville à Toulouse
– le16 Avril au Cactus à Toulouse
– le 29 avril à Labastide St Pierre, Salle de « La Négrette »
2) www.boudulescops.com/
3) Les Mots Libres, ce sera le thème de la journée du 22 avril à l’Espace Job de Toulouse, à laquelle je participerai à 21h en donnant à entendre des extraits de textes de Mes Poètes du Rock avec mon guitar-hero Serge Faubert.
Journée dédiée à la poésie autour d’une scène réunissant amateurs et professionnels (Programmation en cours)
Espace Job – 105, route de Blagnac – 31200 TOULOUSE
Tel : 05 31 22 98 72
https://www.toulousebouge.com/musique/agenda-concerts/60935-les-mots-libres.html
Un concert à ne pas rater vendredi 31 mars à 20h30, salle Brassens d’Aucamville
soirée blues Eric Bibb et Jean-Jacques Milteau
Pour son édition 2017, le Festival de guitare d’Aucamville et du Nord toulousain se déclinera du 12 mars au 1er avril. 05 62 75 94 94
http://www.guitareaucamville.com/evenement/eric-bibb-jean-jacques-milteau/