L’écran du CGR Blagnac ne restera pas noir. Ayant dû annuler le ballet Coppélia prévu dans la saison annoncée, la production a décidé de le remplacer dans ses salles par le fameux ballet Notre-Dame de Paris, un monstre du répertoire, et ce, à Blagnac, le dimanche 15 janvier à 20h. Il est donné en différé de la Scala de Milan. En deux actes, il dure environ quatre-vingt dix minutes. Il s’appuie sur le roman de Victor Hugo, paru en 1831, un classique de toute bibliothèque qui se respecte. On peut le relire avant.
Le chef d’orchestre Paul Connelly, si réputé dans la direction des œuvres de ballets, dirige l’Orchestra du Teatro alla Scala. La chorégraphie est la première créée par Roland Petit pour l’Opéra de Paris le 11décembre 1965. Ce fut un coup de maître. Très théâtrale, elle recentre l’histoire sur ses quatre personnages principaux que sont Quasimodo, Frollo, Phoebus et Esmeralda. Bien sûr, nous sommes chez Victor Hugo. Sa chorégraphie, de plus, fait ressortir aussi bien la beauté que l’aspect dramatique. Dans le programme édité par l’Opéra de Paris pour sa reprise de Notre-Dame de Paris en 1974, Roland Petit s’exprimait ainsi : « Je vois les trois personnages de cette passion fatale comme des êtres à part : comme l’amour, Esmeralda est enfant de bohème, donc, suspectée d’être un peu sorcière. Quasimodo n’est pas un monstre, c’est plutôt un type complexé, parce qu’il a eu un accident. Deux êtres que l’on rejette pour leurs différences. Quant à Frollo, c’est un homme tiraillé entre ses désirs et sa conscience, entre la chair et l’esprit. Ce pourrait être une histoire d’aujourd’hui. »…
Sur ce drame écrit au XIXè, est plaquée une musique contemporaine dont le compositeur est le talentueux Maurice Jarre, auteur de tant de musiques de films. Elle accompagne admirablement cette imposante fresque moyenâgeuse. Dans les premiers instants, par exemple, sa partition, très percussive, offre un support rythmique parfait à la chorégraphie saccadée qui marque les ensembles construits par Roland Petit (…) Intemporelle, cette composition se marie à merveille au décor de René Allio qui en impose autant par son envergure que par l’impact visuel qu’il génère, sa mobilité et, finalement, sa surprenante légèreté. Façade de la cathédrale sur tulle, vue intérieure du clocher, gibet ou Cour des Miracles au sol jonché de trappes : le spectateur est guidé dans un Paris suggéré à merveille.
Un ballet haut en couleurs où tout impressionne, les danseurs évoluant au milieu des décors imposants sur une mise en scène de René Allio, avec chacun son costume éblouissant, simple et multicolore tous signés Yves Saint-Laurent, le tout sous les lumières de Jean-Michel Désiré. A propos des costumes, le grand couturier confiait : « J’ai voulu que les costumes soient colorés comme les vitraux d’une cathédrale et j’ai emprunté à Mondrian le costume de Phœbus »
Et bien sûr, il faut des danseurs au sommet de leur art. Dans le couple Esmeralda-Quasimodo, on retrouve les deux superstars du moment Natalia Osopova et Roberto Bolle. Les connaisseurs apprécieront. Leurs qualités sont telles que l’on évite de les énumérer de peur d’en oublier une seule, surtout quand en plus des prouesses de la danse, se rajoutent le côté théâtre, typique des chorégraphies de Roland Petit. On mesure l’exploit de Roberto Bolle qui, avec son physique de jeun e prince, doit se mettre dans la peau d’un personnage tel que le sonneur Quasimodo, ce « géant brisé et mal ressoudé »,borgne, bossu, sourd. Son physique est loin de lui faciliter la tâche côté théâtre, mais comme le dit Roland Petit : « Le handicap de Quasimodo est plus d’ordre psychique que physique. »
Quant à Esmeralda, la pauvre fille est bien innocente des ravages et des envies que causent sa beauté-brune, sa peau couleur d’ambre, sa taille svelte, ses pieds agiles, ses bras souples qui agitent le tambour de basque, son allure de guêpe. Elle est aussi une femme véridique, naïve, sincère, ingénue, amoureuse. Tous ceux qui la voient sont épris d’elle, le poète Pierre Gringoire, l’archidiacre Claude Frollo, le sonneur de cloches, Quasimodo. Elle ne se soucie, ni du poète, ni du prêtre, ni du monstre. Elle est éblouie par le casque, le baudrier, l’épée, les éperons d’or, le cheval, le panache, les moustaches du capitaine Phoebus de Châteaupers. Celui-là seul, qui est ainsi vêtu, est un homme pour elle. Celui-là seul est digne de l’amour qu’elle rêve. « Il y a longtemps, dit-elle naïvement, que je rêve d’un officier qui nie sauve la vie. » Et Claude Frollo gémit : « La voir amoureuse d’une livrée de soldat ! » Et Quasimodo pleure en regardant caracoler l’officier : « Il n’est besoin que d’être beau en dessus. » Tout cela devra être traduit par le talent de Natalia Osopova.
Pendant que Mick Zeni endosse les désirs refoulés du prêtre Frollo par une vrai densité expressive, et le danseur d’origine albanaise Eric Nezha incarnant le fringant officier Phœbus auquel Roland Petit a réservé quelques sauts durant le défilé avec ses troupes, des sauts qui ne sont pas pour débutants ! D’autre part, on remarque que le peuple de Paris est un acteur majeur dans la transposition du chorégraphe du roman de Victor Hugo. Cet extraordinaire duo d’Esmeralda et de Quasimodo, c’est bien encore l’une des formes de l’éternel mythe de la Belle et de la Bête, splendidement rendu dans ce ballet, et magnifiquement chorégraphié.
Michel Grialou
Notre Dame de Paris (Roland Petit)
Depuis la Scala de Milan
dimanche 15 janvier 2017 à 20h00
Diffusé dans votre cinéma Mega CGR Blagnac