A l’approche de sa double exposition, à l’Espace Saint-Cyprien du 5 janvier au 3 mars et au Centre culturel Bellegarde jusqu’au 28 janvier 2017 (que nous avions évoqué dans un précédent article), l’artiste Bernard Rousseau a pris le temps de nous révéler les thèmes qui traversent son travail plastique et surtout son exposition à venir, intitulée « Ici est ailleurs ».
Pouvez-vous évoquer votre parcours avec nous ?
B.R. : J’ai fait mes études à l’Ecole des Beaux Arts de Toulouse puis à la Faculté d’Art Plastique de Barcelone. J’ai ensuite passé le concours d’agrégation d’arts plastiques. Et j’enseigne aujourd’hui au Lycée des Arènes. Toutes les expositions sont importantes. Elles tracent un cheminement, à la fois plastique et artistique qui tend à construire une démarche et à affirmer des postures : récurrence d’un souci écologique et politique, volonté de tisser des liens entre le monde, les oeuvres et les personnes, expression d’une « résistance » somme toute poétique. Mais l’essentiel se trouve peut-être entre deux expositions. Je peux évoquer celle organisée par la Fondation Ecureuil « La vie n’est pas parfaite », un travail où l’on trouvait déjà le thème de la rivière. L’été photographique de Lectoure a aussi été à mon sens une exposition importante, même si elles le sont toutes. Ce qui est à venir est déjà là.
Les thèmes de l’eau, des cours d’eau ou encore de la surface de l’eau sont récurrents dans votre travail. Pouvez-vous nous expliquer cette récurrence ?
B.R. : Il peut y avoir plein de choses dans cela. Le fleuve et la rivière portent l’idée de quelque chose qui irrigue nos territoires et irrigue métaphoriquement nos pensées. C’est quelque chose qui est en mouvement, sans appartenance et qui vient de l’ailleurs. C’est pour moi un symbole fort.
La rivière est aussi un lieu de danger, lieu troublant, qui porte l’idée de la mort. Dans mon travail, il y a toujours cette espèce de mouvement entre une expérience vécue, personnelle, sensible qui va puiser au fond d’un ressenti. Je suis hanté par la vision d’un homme qui se noie sous mes yeux l’année de mes dix-huit ans, sous mon regard impuissant à voir dans l’eau trouble de la rivière. La rivière a rendu aux regards son corps bleu, des heures plus tard. Cet évènement est sans doute, pour partie, la genèse des problématiques fondamentales de ma peinture.
Pour quelles raisons travaillez-vous généralement sur des grands formats ?
B.R. : La question du format est délicate. Je crois plutôt que les grands formats déplacent le rapport d’échelle avec le réel et proposent une immersion du regard. Les objets représentés ne le sont jamais à échelle réelle et c’est exactement ce que je recherche. Ce sont de toutes petites portions très architecturées de galets sous le fil de l’eau par exemple. Il y a quelque chose de très construit. Je souhaite questionner le réel et sa représentation.
Pouvez-vous nous parler de la série de portraits doubles et inversés ?
B.R. : Dans cette série, il y a 5 visages différents qui s’interpénètrent. Un visage A est peint et un visage B est peint et résiné par dessus. Puis, le processus est inversé. Enfin, sur ces visages une tête de mort est gravée, apparaissant et disparaissant en fonction du mouvement du spectateur. Il y a donc des similitudes et des différences. Mais le dispositif n’est pas clos et reste ouvert à une sixième personne. Il y a donc là une pensée liée aux questions identitaires et aux limites et frontières que d’aucun entendrait pouvoir poser.
Pouvez-vous nous parler de votre travail de gravure ?
B.R. : Quand j’ai terminé tout un ensemble, une série de peintures ou de dessins sur la même plaque de cire, la surface est souvent très abîmée. Assez brutalement et de manière assez directe et sans repentirs, je grave, j’éclate, j’écris. Tant que le processus est en cours, mes œuvres se jouent du mouvement. A la fin, avec la gravure, il n’y est plus. C’est une sorte de point final.
Propos recueillis par Marjorie Lafon
« Ici est ailleurs » de Bernard Rousseau : les questionnements d’un artiste engagé 1/2
BERNARD ROUSSEAU
Ici est ailleurs
Peinture, installation
Vernissage : vendredi 6 janvier à 19h30
Exposition du 5 janvier au 3 mars 2017
Espace Saint-Cyprien
56, allées Charles-de-Fitte – 31300 Toulouse – 05 61 22 27 77
Vernissage : vendredi 6 janvier à 18h30
Exposition du 5 au 28 janvier 2017
Centre culturel Bellegarde
17, rue Bellegarde – 31000 Toulouse – 05 62 27 44 88