Chaque mercredi, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir un film américain passé inaperçu lors de sa sortie.
Bernie Lootz, quadragénaire las et célibataire, travaille dans un casino de Las Vegas. Son rôle ? Porter la poisse. Il suffit que ce loser intégral s’approche d’un joueur chanceux pour que la roue se mette à tourner (dans le mauvais sens). Un tel « chat noir » est précieux pour le Shangri-La, casino vieillissant tenu d’une main de fer par un directeur, Shelly Kaplow, dont les associés rêvent de nouvelles méthodes et de transformer le lieu en un temple moderne dédié au jeu. Une vieille dette relie Bernie à Lootz, le genou brisé de ce dernier en témoigne aussi. Mais dans quelques jours, Bernie aura remboursé sa dette. Sauf que le porte-poisse tombe amoureux d’une serveuse du casino, Natalie, jeune femme également cabossée par la vie. Or, son nouveau bonheur fait perdre son « don » à Bernie. Désormais, dès qu’il s’approche d’un joueur, celui-ci décroche le jackpot…
Le scénario de Lady Chance (The Cooler), premier film du réalisateur sud-africain Wayne Kramer, témoigne d’une originalité que le cinéaste va parfaitement mettre en valeur à en jonglant entre le film noir, la romance et la comédie. Il est vrai qu’il a su s’entourer de comédiens extraordinaires au meilleur de leur forme. Dans le rôle du loser, on retrouve l’immense William H. Macy qui promène de Fargo des frères Coen à Magnolia de Paul Thomas Anderson en passant par Panic d’Henry Brommell son air de chien battu et tous les malheurs du monde avec une grâce inégalée. Dans le rôle du patron du casino, Alec Baldwin campe magnifiquement un homme du « monde d’avant », brutal, violent, mais paradoxalement attaché à une forme d’éthique. Enfin, Maria Bello impose sa sensualité et son naturel de « girl next door ». C’est drôle, touchant, inattendu, élégant. Un parfum de nostalgie flotte sur ce chassé-croisé entre des êtres blessés.
Après Lady Chance sorti en France en août 2004 dans une quasi indifférence, Wayne Kramer signa en 2006 un film noir formidable aux allures de conte (La Peur au ventre) puis en 2009 un film choral (Droit de passage) brassant les destinées de nombreux personnages autour de l’immigration clandestine à la frontière américano-mexicaine. Deux longs métrages qui n’émurent guère les foules en France tandis que sa dernière réalisation à ce jour, American Stories (2013), qui mêlait de manière ludique trois récits empreints de violence et d’humour noir en forme d’hommage aux comics et aux pulps, ne sortit même pas dans nos salles. À votre tour, rendez hommage à Wayne Kramer…
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