Aujourd’hui je vous emmène en Irlande, dans les années 80. Chouette me direz – vous, l’Irlande ! Ses pintes gargantuesques, ses guerres de religion fratricides, sa loi anti – avortement qui perdure encore de nos jours, ses blancs moutons gambadant, insouciants dans de vertes prairies …
Mais ce n’est pas pour évoquer cela que je vous adresse ce billet. En effet, le film du jour n’en a cure des ovins et encore moins de l’IRA, Sing street s’adresse plutôt à vos esgourdes et à la façon dont vous comptez les alimenter.
Bienvenue dans la famille de Conor. Entre ses parents qui passent le plus clair de leur temps à jouer à celui qui braillera le plus fort, son frère qui disparaît derrière un continuel nuage de hashish et sa sœur totalement inexistante, on peut dire que l’ado est bien entouré. Lui essaye de faire son petit bonhomme de chemin, vaille que vaille, en gratouillant sa guitare dès que l’occasion se présente (ou que ses parents hurlent trop fort dans la pièce à côté).
Leur dernière trouvaille va finir de l’achever. Sous couvert d’économies, le voici catapulté dans un lycée public, dirigé par des religieux. L’ambiance y est équivalente à la pédagogie (proche du zéro donc), les chaussures noires de rigueur (sous peine de déambuler en chaussettes au milieu de la cour), les grosses brutes guettent au détour d’un couloir histoire de vérifier la solidité de sa cloison nasale. Bref, la charmante existence remplie d’imprévus d’un petit bizut dans son nouveau bahut.
Heureusement, Conor va se faire des copains chez les autres laissés pour compte. Il va aussi se faire hypnotiser par le trottoir d’en face où évolue l’excentrique Raphina. Et là, j’ai envie de vous poser une question : mettez – vous dans la peau d’un ado bouleversé par ses hormones et une fille aux poignets tintinnabulants, à sa place, vous feriez quoi ? Lui proposer de participer au tournage du clip d’un groupe qui n’existe que dans votre tête pardi !!
Habitué du genre filmique où la musique possède une place centrale et sert à véhiculer des messages bien plus facilement que la simple parole, John Carney signe avec Sing street une ode (je vous le concède, elle était facile celle – là) à l’amitié et aux amours adolescents. Formidablement positif, créatif à tout va, Sing street est aussi un hommage fantasque à la décennie des années 80, notamment tout ce qui touche son paysage musical.
De Duran Duran à The Cure en passant par Joy Division, le long – métrage s’appuie sur le meilleur comme le moins bon, en gardant heureusement toute la bienveillance et l’humour requis. John Carney s’inspire de son adolescence, dans la ville où il a grandit (Dublin, qui n’est pas bien différente de ce qu’elle était presque 30 ans auparavant) et de la musique qu’il écoutait alors (et pour laquelle on sent bien tout l’amour qu’il porte encore).
C’est frais, c’est enlevé, c’est mignon tout en n’étant pas (trop) affecté (on oubliera un final qui frôle d’un peu trop près la sensiblerie à mon goût … Mais on lui pardonne aisément tant le reste du film est de bonne facture !!).
Toute la bande est composée d’une brochette de jeunes et tendres acteurs (si l’on met de côté Maria Doyle Kennedy et Aidan “ Lord Baelish” Gillen) aussi épatants les uns que les autres (avec quand même une mention spéciale pour la seule fille du groupe, l’incandescente Lucy Boynton).
Alors, si vous êtes en manque de bons sentiments, de déchirements adolescents, d’épaulettes, de costumes XXL et de cheveux crêpés, vous savez ce qu’il vous reste à faire.
En vous remerciant.
Pierrette Tchernio