Le Festival BD Colomiers débute le vendredi 18 novembre prochain. Entre 150 et 200 auteurs de bande-dessinée et plus de 50 éditeurs se donnent rendez-vous pour cette occasion. Un riche programme, fort de très diverses propositions, pour cette manifestation qui a réuni près de 14000 personnes lors de sa précédente édition. Etienne Chaize, auteur de l’affiche 2016, tirée de son album « Helios » a répondu à quelques unes de nos questions.
Le « Salon de la bande dessinée » de Colomiers voit le jour en 1987. Il fêtera ce mois-ci ses 30 années d’existence. Il est désormais un véritable festival célébrant le neuvième art. La manifestation continue aujourd’hui d’affirmer de claires intentions : le soutien à la jeune création, la découverte de jeunes auteurs émergents et la mise en avant d’éditeurs indépendants, dans l’idée de « proposer autre chose » finalement.
L’édition 2016 du festival présentera des expositions, des conférences, des rencontres dessinées, des spectacles, des rendez-vous et des discussions autour de la bande-dessinée, des performances, des animations telles que le grand jeu de piste, une murder party, des lectures, des ateliers, des visites commentées, et plus encore.
Des expositions-bd au croisement des arts
De la bande-dessinée procède le croisement des arts. A ce titre, le festival BD Colomiers propose quelques singulières expositions. Parmi elles, il faut remarquer celle de Jeremy Bastian, formulée à partir de la bd intitulée « La Fille Maudite du Capitaine Pirate » publiée aux Editions La Cerise. D’une précision presque sans limite, cette bd s’inscrit dans un vrai univers baroque, où l’héroïne part à la recherche de son père disparu. Le dessin de Jeremy Bastian proche de la gravure millimétrée, déploie ce récit fantastique pour une exposition originale sans doute.
Le projet « Le Nom d’une île » est lui visible depuis fin septembre, en coproduction avec le Printemps de Septembre et en collaboration avec le réseau Pink Pong dans le cadre de Graphéine. Il prend place entre l’exposition, le projet littéraire et l’expérimentation. Là encore, une idée domine : décloisonner les disciplines. « Le Nom d’une île » convoque trois dessinateurs Abdelkader Benchamma, Claire Braud et Stathis Tsemberlidis et l’écrivaine Béatrice Cussol pour une exhibition singulière. Guidés par le récit et à partir de dessins personnels, les artistes ont composé des dessins collectifs très grand format, sur les murs du Pavillon Blanc Henri Molina : leur itinéraire vers un ailleurs…
Enfin, deux autres expositions seront aussi visibles lors du festival : « Faune » de Vincent Godeau, composée d’animaux gigantesques en carton et « Minus » de Junie Briffaz, l’illustratrice du minuscule.
Le jeu au cœur du festival
L’aspect ludique du festival se développe d’années en années et particulièrement, lors de cette trentième édition. Parmi les animations proposées, il faut évoquer la Nuit noire ou Murder Party au Pavillon Blanc, le samedi 19 novembre. Lors de cette nuit noire, une enquête spectacle sera construite et mise en scène par Ludi Sensu. Par équipe de 4 à 6 personnes, il s’agira donc d’élucider les circonstances du meurtre d’un auteur de bande-dessinée. Notons aussi le grand jeu de piste autour des expositions du festival, illustré par Junie Briffaz, prix découverte l’an passé, le match d’improvisation France-Québec ou encore un jeu narratif en réalité virtuelle mais aussi beaucoup d’autres animations, disponibles sur le programme du festival.
La bd hors les murs
La bande-dessinée s’expose et s’exporte aussi. En effet, le festival BD Colomiers a mis en place pour la première fois cette année, Les promenades dessinées. Le projet réunit six artistes, dans l’idée d’inviter les habitants à découvrir la bd autrement, par des fresques grand format intégrées dans le paysage urbain quotidien. La bande-dessinée devient alors un art de rue, disponible et ouvert à tous. Ces fresques, réalisées par les artistes Fräneck, 100taur, Alexandra Arango, Lilian Coquillaud, Azeck et Mademoiselle Kat, aidés par les habitants procèdent donc bien d’une invitation suggérée le plus largement possible : la possible création artistique dans l’espace public. L’ensemble des œuvres sera visible lors de randonnées urbaines organisées par les équipes du festival, qui ont d’ailleurs souhaité que ces fresques demeurent quelques années durant.
Le Québec comme invité de marque
Le festival BD Colomiers choisit chaque année de mettre en avant certaines maisons d’édition : ses Pépites. Ces éditeurs ont alors la possibilité de présenter des expositions, ateliers et dédicaces. Cette année, la maison d’édition française IMHO, le magazine Georges et le collectif 3 fois par jour constitueront les Pépites 2016 du festival.
Dans le cadre d’un projet de développement des échanges avec le Québec, la municipalité de Colomiers souhaite voir son festival de bd s’internationaliser. Ainsi, parmi ces Pépites, le Québec aura une place de choix puisque cette année, la manifestation est partenaire du Festival de la BD francophone de Québec. Des éditeurs et auteurs québécois feront donc le voyage pour présenter entre autres des expositions, des spectacles d’improvisations dessinées et des rencontres. Une fresque sera même réalisée en direct par l’auteur Christian Quesnel, sur le thème de son album intitulé « Beethoven ».
Pour ce qui est de l’affiche 2016 du festival, elle promet de belles découvertes pour le week-end du 18, 19 et 20 novembre. L’affiche est un élément significatif depuis la création du festival puisque lors des précédentes éditions, elles ont notamment été signées par Peyo en 1992, Caza en 1994, Uderzo l’année qui a suivi et plus récemment par Pénélope Bagieu, en 2011. Elle est cette année un véritable coup de cœur de la responsable de la programmation du festival, Amandine Doche. Tirée de l’album Helios, de l’auteur Etienne Chaize, elle est certainement un écho à cette riche programmation. Des planches de l’auteur seront d’ailleurs parsemées dans la ville de Colomiers.
Etienne Chaize, à l’origine de cette affiche, a répondu à quelques unes de nos questions.
Comment pourriez-vous décrire votre album Hélios ?
E.C. : Helios est un album très grand format (26x38cm), qui raconte l’histoire d’un peuple dont le soleil s’est immobilisé sur l’horizon. Pour lever cette malédiction, ils entreprennent un voyage en direction de l’astre, avec l’espoir qu’en l’atteignant, celui-ci reprendra sa course. Le livre retrace la progression difficile de cette minuscule troupe à travers de grands décors en double-pages.
Pouvez-vous nous expliquer ce choix de travailler en numérique ?
E.C. : Les images d’Helios ont été composées et colorisées par ordinateur, mais leur matériau est d’origine très diverse : stylo technique, pinceau, pierre noire, lavis, aérographe, photomontage… C’est la synthèse de plusieurs années d’expérimentations visant à mêler les techniques traditionnelles et digitales, associer la richesse et la variété des médiums physiques à la flexibilité et la précision de l’outil informatique.
Pourquoi avez-vous fait le choix du muet pour cette bd ?
E.C. : Je ne pense pas être très doué pour l’écriture, l’idée d’un livre muet m’a donc paru plus à ma portée quand j’ai commencé. En y réfléchissant maintenant, c’est finalement devenu un élément constitutif de l’ambiance du livre. Le silence participe au caractère énigmatique de l’ensemble, en laissant le « lecteur » interpréter lui-même ce qui se déploie sous ses yeux. Ca participe aussi d’une certaine solennité, qui convient bien j’espère à la grandeur des paysages, et à la procession difficile des personnages.
C’est un véritable conte-bd, où l’on voit presque des tableaux en double page. La BD se prête parfaitement au format de l’exposition. Comment l’idée de la disparition du soleil et de sa quête pour le retrouver vous est-elle venue ?
E.C. : Le projet a d’abord existé comme un format, l’envie de réaliser un livre très grand, qui laisse la part belle au décor, au paysage. L’histoire s’est construite autour de ce souhait de faire voyager à travers une multitude d’endroits. Le soleil m’a paru un bon moyen de lier ces différents lieux et ambiances.
Marjorie Lafon
18, 19 et 20 novembre 2016