Réparer les vivants, un film de Katell Quillévéré
Le don d’organe. Au seul énoncé de cette expression, les traits se figent. Et pourtant, alors que la mort a définitivement frappé, un espoir de vie se rallume à l’autre bout de l’humanité.
En lisant, plutôt en dévorant le roman multi couronné de Maylis de Kerangal (2013), Katell Quillévéré a immédiatement saisie tout le potentiel cinématographique de l’histoire. Au début, c’est une journée comme les autres pour ces trois jeunes surfeurs. Simon a rejoint au petit matin ses deux potes et ils vont s’éclater dans les rouleaux océaniques. Puis, le jour s’étant levé, il faut bien rentrer. Mais la fatigue va s’abattre sur le conducteur. Un moment d’inattention et c’est l’accident. Pour Simon, ce sera un traumatisme crânien, son corps est intact mais dorénavant seules les machines le retiennent à la vie. Et c’est définitif. Il appartient à Thomas (bouleversant Tahar Rahim) d’annoncer la nouvelle aux parents de Simon. Mais l’entretien ne s’arrête pas là. Il leur demande aussi l’autorisation de prélever le cœur de leur fils. Dans un premier temps, la réponse est aussi vive que négative. Puis quelques jours après, Thomas leur explique que, bientôt, le don d’organe ne pourra plus se faire. Et qu’une personne attend après lui pour espérer vivre encore. Le débat chez ce couple anéanti doit trouver une issue. Le père, le plus réticent, finit par donner son accord. C’est le début d’une course-poursuite sur les centaines de kilomètres séparant le corps du donneur et celui du receveur.
Formidablement documenté, le film de Katell Quillévéré nous plonge au sein de cette organisation que ne connaît aucun repos et dont le but est de noter d’un côté les demandes et de l’autre de collecter les dons. Ambulances, avions, hélicoptères, gendarmerie, tout se coalise pour sauver un être humain. Et ce n’est pas le moindre atout de ce film que de nous mettre en présence de cette machine en marche contre le temps. De l’extraction du cœur à sa réimplantation, la réalisatrice ne fait l’économie d’aucune séquence, numérisées bien sûr mais avec un réalisme qui tétanise. Plusieurs fois, votre âme sera au bord des larmes et l’ultime séquence devant le donneur vous fera ressentir un profond sentiment d’humanité dont vous vous souviendrez le restant de vos jours. A la fois corps anatomique, corps poétique et, enfin, corps métaphysique, Simon continuera son parcours de vie. Emmanuelle Seigner, Kool Shen, Alice Taglioni et Dominique Blanc font partie d’un casting de tout premier plan. Un film à voir impérativement pour bien des raisons.
Robert Pénavayre
Réparer les vivants
Réalisation : Katell Quillévéré
Avec : Tahar Rahim, Emmanuelle Seigner, Dominique Blanc…
Katell Quillévéré – Un cinéma hors des sentiers battus
Née sous le soleil d’Afrique il y a 36 ans, Katell fait connaissance avec sa patrie cinq années après. Le temps passe et les diplômes s’accumulent sur le bureau de cette étudiante refusée par la FEMIS. DEA de cinéma et licence de philosophie en poche, Katell réalise son premier court métrage. Elle a 25 ans. Coup double, celui-ci est sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs et aux César.
C’est la première marche vers son rêve le plus fou : tourner un long métrage. Elle devra attendre tout de même cinq années de plus avant d’en arriver là. Katell Quillévéré n’hésite pas à aborder des sujets délicats. Il en est ainsi avec Poison violent et son thème conjuguant religion et adolescence, puis avec Suzanne et l’histoire de cette adolescente fille-mère qui suit les pas de son amoureux de malfrat. Et aujourd’hui avec le don d’organe.