Chaque mercredi, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir un film américain passé inaperçu lors de sa sortie.
Avant d’être redécouvert ces dernières années par une nouvelle génération de cinéphiles, James L. Brooks fut longtemps en France aussi méconnu que méprisé alors qu’il bénéficie aux Etats-Unis d’une aura inversement proportionnelle. Son premier film, Tendres passions en 1983 (cinq Oscars dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur), reçut chez nous un tombereau d’injures de la part des maîtres des élégances : de Serge Daney dans Libération à Serge Toubiana dans Les Cahiers du Cinéma en passant par Michel Ciment dans Positif. Ayant fait ses armes dans des séries télévisées (ce qui n’était pas bien vu alors par nos intellos, les temps changent…) et n’ayant pas participé au « Nouvel Hollywood » bien qu’appartenant à la même génération que ses figures de proue (Friedkin, Coppola, Scorsese…), son profil et sa sensibilité échappaient aux grilles de lecture hexagonales. De plus, la rareté de ses films, seulement six entre 1983 et aujourd’hui (dont le formidable Spanglish, inédit en salles en France, qui offre l’un des plus beaux rôles à Adam Sandler), ne joua pas en la faveur de Brooks, également l’un des producteurs et scénaristes des Simpson. Comment savoir, sorti en 2010, clôt (momentanément ?) cette filmographie brève, mais passionnante.
Lisa, joueuse de softball, qui vient d’être évincée de son équipe par un nouvel entraineur rencontre Matty, star du baseball collectionnant les aventures, et George, un homme d’affaires menacé de tout perdre à cause des magouilles financières de son père. Entre les deux hommes, son cœur balance… De cette trame ô combien banale, James L. Brooks tire une comédie sentimentale où la noirceur et le mélodrame ne sont jamais loin. L’efficacité du trio d’acteurs (Reese Whiterspoon, Paul Rudd, Owen Wilson) et des seconds rôles (Jack Nicholson, Dean Norris, Kathryn Hahn…), ainsi que celle des dialogues, ne font cependant pas de Comment savoir l’une de ces mécaniques misant sur les rebondissements spectaculaires ou les gags. Toute la beauté et la finesse du film résident dans ses interstices, ses moments de latence. Chez Brooks, on hésite, on tergiverse, on s’ausculte. Le désir de bien faire conduit aux effets inverses. La sincérité n’est pas chose facile, les mots se bousculent, mais ne disent pas tout. Comme chez Renoir, les personnages sont ambivalents. Chacun a ses raisons, sa complexité, son humanité. L’art du cinéaste (vénéré notamment par Judd Apatow dont Funny People et 40 ans : Mode d’emploi témoignent de son influence) consiste à filmer la poursuite du bonheur dans ce qu’elle a de dérisoire et d’éminemment touchant.