Chaque mercredi, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir un film américain passé inaperçu lors de sa sortie.
Curieusement, la carrière d’acteur d’Edward Burns, révélé au grand public dans Il faut sauver le soldat Ryan de Spielberg, n’a pas connu la voie royale empruntée par un Matt Damon ou un Ben Affleck pour ne citer que deux stars de sa génération. En fait, dès ses débuts, le comédien né en 1968 a mené de concert une carrière de metteur en scène et de scénariste initiée en 1995 par Les Frères McMullen (1995). D’autres longs-métrages suivront jusqu’en 2012 avec de jolies réussites comme Petits mensonges entre frères (1996) ou Quitte ou double (1998), mais la plupart des films réalisés par Burns (onze à ce jour) ne sortiront même pas en salles en France à l’image de ce Ash Wednesday (2012) où il quittait son registre favori de la comédie sentimentale ou de mœurs.
La famille – autre thème central chez lui – reste cependant au cœur de ce drame se déroulant dans la communauté irlandaise de New York. En 2003, le jour du mercredi des cendres, le jeune Sean Sullivan (Elijah Wood, alors tout juste sorti du premier volet du Seigneur des Anneaux) est aperçu par plusieurs personnes dans son quartier trois ans après avoir disparu et être passé pour mort. Il avait alors abattu trois membres d’un gang chargés de tuer son frère aîné Francis (Edward Burns), lui-même membre d’une bande rivale. Dès lors, Francis doit convaincre des mafieux avides de vengeance qu’il ne s’agit que de rumeurs tout en cachant Sean décidé à retrouver son épouse (qui le croyait mort et devenue la maîtresse de Francis) ainsi que leur jeune fils…
Issu d’une famille catholique irlandaise du Queens, Edward Burns filme ici une société qu’il a bien connue et dont Scorsese livrera un peu plus tard un tableau sanglant et baroque avec Les Infiltrés. Ash Wednesday privilégie un ton plus intimiste, moins spectaculaire, mais qui plonge lui aussi dans une violence sacrificielle sur fond de rédemption et d’expiation. La « résurrection » de Sean réveille de vieux démons. Les serments et les promesses ne pèsent pas lourd dans ce théâtre de mensonges où les fils paient pour les péchés des pères. Edward Burns promène une fausse nonchalance aux aguets, la lassitude gagne son visage. Le moindre faux pas peut faire couler le sang. Dans une superbe photographie déclinant des teintes marrons et vertes, Ash Wednesday impose un climat de latence interrompu par de brefs accès de violence. La mise en scène de Burns ne s’encombre pas d’effets, elle cerne avec sécheresse les états d’âme des personnages et l’inéluctabilité du destin. Des notes de piano tombent comme des gouttes de pluie. Sans surprise, ce beau film laisse un goût de cendre.