Il n’est pas si loin le temps où le repas familial dominical, touchant à sa fin, après dessert, café et pousse-café, on passait aux choses sérieuses : « Le tour de table en chanson », chacun poussant la sienne, avec plus ou moins de bonheur et de justesse, avec reprise en chœur, aux refrains.
Honneur à la plus ancienne mémé qui avait son répertoire et son modèle : Berthe Sylva, avec « Les roses blanches » que la jeune gamine apportait à sa maman malade à l’hôpital où elle allait mourir. Triste chanson, mais dont tout le monde reprenait en chœur le refrain. Ensuite c’était le jeune tonton, de retour de 5 ans de captivité en Allemagne et qui chantait, lui, la joie primaire du jeune héros basque, « Ramuncho », chanté alors par André Dassary qui voulait, ainsi, faire oublier son « Maréchal nous voilà ! » de l’occupation allemande !
Tous ces souvenirs reviennent en chanson parce que, comme le dit Bertrand Dicale dans l’introduction de son « Dictionnaire amoureux de la chanson française », oui, la chanson française c’est nous ; nous sommes le peuple qui chante et qui aime que l’on chante, qui met ses principes, ses petits bonheurs dans ses chansons.
Nous sommes la nation des mélodies immortelles et des paroles sublimes par des auteurs virtuoses qui jonglent avec des paroles de tous les jours. Nous sommes à la fois « Les copains d’abord » et « Le chant des partisans », « Le temps des cerises » et « La Javanaise » et « Au clair de la lune », des airs qui créent le patrimoine, singularité bien française, véritable terreau, touffu, riche, splendide !
C’est notre histoire à partir de ces chansons. C’est notre « madeleine de Proust » ! Ce dictionnaire est une mine de connaissances, de sentiments. Il ne faut pas le prendre comme une encyclopédie et tant mieux. On n’énumère pas tout, il est un chemin ordonné, mais buissonnier qu’on parcourt à l’affect. Il y a des « oublis » des absences, certes, mais on découvre avec étonnement, à un détour, ce qu’on cherchait ! Je cherchais par exemple Damia à la place qui aurait pu être la sienne. A la lettre dite, pas de Damia, mais dans l’entrée Fréhel, il y a Damia ; la surprise ajoute l’émotion à la découverte. Les amoureux de Gainsbourg, Brel, Brassens, Ferré, Barbara, Gréco, de la « chanson de Craonne », entonnée par des soldats français durant la Première Guerre mondiale, seront ravis. Ils sont là, avec les connaissances et la sensibilité de Bertrand Dicale, voix familière radiophonique.
Parfait ! A conserver !
Christian Chauzy
Une chronique de ClassicToulouse
« Le Dictionnaire amoureux de la Chanson française » de Bertrand Dicale
(ed. Plon) – 747 pages