L’association des Rencontres Lyriques de Luchon (1) a été créée en 1988. Depuis elle a réalisé de nombreux concerts et galas avec de nombreux invités. Elle organise des concerts et des stages dédiés à la formation lyrique des chanteurs et promeuvent le renouveau de l’art lyrique en France.
Pour le festival 2016, les Rencontres Lyriques de Luchon ont choisi pour fil conducteur « Les Compositeurs du Midi ».
Lundi 8 août en l’Eglise de Luchon, dont l’acoustique est idéale pour genre de récital, trois chœurs de la Région se sont rassemblés pour présenter un programme d’œuvres vocales autour du thème des compositeurs du Midi et de Gabriel Fauré. L’accompagnement et les transitions ont été faits par Fabien Fonteneau (2) sur l’orgue Cavaillé-Coll, classé monument historique, avec toute la finesse et toute la profondeur qu’il déploie à l’Eglise Saint Exupère de Toulouse.
Après un prélude d’Alexandre Pierre François Boëly (1785-1858), Fantaisie et Fugue, qui n’est pas sans rappeler le grand Bach, interprété par l’organiste, Mil’et Une Notes, de Luchon, enchaine avec brio par un chant pyrénéen traditionnel, Le Refuge. On pense évidemment à Edmond Rostand, celui des Musardises -son chef-d’œuvre de jeunesse écrit à Luchon-, quand il disait « je chante pour mon vallon en souhaitant que dans chaque vallon un coq en fasse autant ».
Fabien Fonteneau continue par la Petite suite scolastique de Déodat de Séverac (1872-1921), 5 variations sur le thème des carillons languedociens, un régal ! (seul petit bémol : malgré la demande de l’organiste qui demandait fort justement le silence entre les pièces, le public ne peut pas s’empêcher d’applaudir), suivi d’un Choral et Mouvement vif, de Marcel Vidal Saint André (un autre élève de la Schola Cantorum, membre du Félibrige, organiste de Saint Nicolas de Toulouse, dans le quartier Saint-Cyprien).
Viennent ensuite les Fils de Luchon, les hommes en costumes traditionnels, pour deux créations, dont l’une de Bernard Sarrieu (1875-1935), né à Saint Mamet, Era cabanota, harmonisée par Wilfried Abo (3), – à l’origine avec Sylvia Cazeneuve, en 2009, des Nouvelles Rencontres Lyriques de Luchon -, suivie d’Era Vath de Lis, allusion à la Vallée du même nom ; et la seconde, Eth praube Joan, d’André Bouery, carillonneur, poète et musicien, toujours harmonisée par Wilfried Abo. On sent bien tout l’amour de la Montagne d’un chœur fidèle à sa devise : «Aimer et faire aimer le pays de Luchon», et le public est enchanté d’entendre le gascon vigoureusement interprété sur les voutes de l’Eglise de Luchon.
Suit un moment de recueillement, tout à fait en résonance avec le lieu justement : Transverbération, une superbe création de Fabien Fonteneau, allusion à Sainte Thérèse d’Avila, où il transpose, entre autres, des thèmes connus comme le Salve Regina ; et même le Ô Toulouse de Claude Nougaro, sans que cela soit anachronique, bien au contraire.
Enfin, l’Ensemble Octophonia, de Saint Gaudens, regroupant quatre femmes et quatre hommes amateurs avertis de musique classique, rend hommage à nouveau à Déodat de Séverac avec son Tantum ergo, mais aussi à Maurice Ravel (1875-1935) avec sa Pavane de la Belle au bois dormant, et avec un extrait de son Boléro, exercice périlleux dont ils se tirent haut la main malgré l’absence de sonorisation. Suit la création du Gloriande, – opéra contant la fabuleuse histoire de Gloriande et de Louis, duc d’Arpajon, seigneur de Sévérac et grand du royaume (1590-1679), écrit par Pierre Iodice -, sur des mélodies de Jean Montialoux, présent dans la nef.
Ce chœur polyphonique à effectif réduit illustre parfaitement le « plaisir de chanter avant tout » qui lie ces différentes chorales, en particulier lors de ces Choralies intiées par Sylvia Cazeneuve, directrice artistique des Rencontres Lyriques de Luchon.
Le chant final, Le Cantique de Jean Racine de Gabriel Fauré, l’Apaméen, sous la grande égide duquel était placée cette soirée, dirigé par Wifried Abo, clôture la soirée d’une seule et même voix, réunissant les trois chorales autour de l’organiste et de son fabuleux instrument, dans un grand moment d’émotion, prolongé par un Se Canto, repris à l’unisson par tout le public debout.
Symbole, s’il en était besoin de la réussite du projet des Rencontres Lyriques de Luchon : « offrir un festival fraternel où la qualité peut se conjuguer avec divers horizons et où, nous tous, nous pouvons nous rassembler pour partager le plaisir du chant et de la musique, dans un même élan, dans une même passion ».
Auparavant , dans l’après-midi, au Pavillon Normand du Casino, devant un public tout ouïe, Jean-Jacques Cubaynes (4), un des grands connaisseurs du compositeur, nous a présenté Déodat de Séverac, avec sa fougue et son érudition bien connue, et a bien fait ressentir son humanisme teinté d’anticonformisme. Déodat de Séverac est né à Saint-Félix de Lauragais, a fait ses études à l’Abbaye-Ecole de Sorèze, puis à Toulouse et enfin à la Schola Cantorum de Paris : mais il est resté toute sa vie attaché à ses origines gasconnes, et finira par se retirer à Céret, entre Pyrénées et Méditerranée, loin du centralisme parisien qu’il n’a eu de cesse de dénoncer, comme Francis Jammes, le grand poète du Béarn.
Même s’il ne vécut que 48 ans, il a composé de nombreuses pièces pour piano, des poèmes symphoniques, des mélodies françaises, des arrangements de chansons traditionnelles pour Yvette Guilbert en particulier, des chants sur des vers provençaux, et même de la musique chorale avec des arrangements de textes en catalan, sans oublier ses deux Opéras.
Sa musique est souvent imagée et colorée et illustre son amour pour le terroir méridional, le cycle des saisons et des travaux de la terre : il n’a jamais renié son attachement familial pour le sol natal et ses rêves de jeunesse. Plusieurs vidéos de Caresses de Grand Maman, En Languedoc, Coin de cimetière au printemps, Nymphes, A l’aube dans la Montagne, Les muletiers devant le Christ de Livia, Temps de neige, illustrent fort agréablement le propos de cette musique « qui sent bon et où l’on respire à plein cœur », selon les mots de Debussy, dont il fut l’ami, comme de Vincent d’Indy, Alberic Magnard ou Albeniz.
Comme le professait le pianiste Aldo Ciccolini, un de ses plus grand interprètes, qui fut le premier à redonner à Séverac sa place légitime au sein des grands musiciens français du début du XXème siècle, et qui repose, selon son souhait, à quelques mètres de la tombe du compositeur dans le cimetière de Saint-Félix-Lauragais : « L’imagination est la chose la plus importante, nous devons raconter une histoire, et notre enseignement doit être un enseignement de vie ». Celle de Déodat de Séverac fut exemplaire et a laissé des traces ensoleillées.
E.Fabre-Maigné
8-VIII-2016
Pour en savoir plus :
1) Rencontres Lyriques de Luchon jusqu’au 13 août
L’association des Rencontres Lyriques de Luchon a été créée en 1988 sous l’impulsion de Henri Denard, de Jean-Claude Hartemann, Jean-François Mounielou et Suzanne Sarroca. Depuis elle a réalisé nombre de concerts et galas avec de nombreux invités tels que Jacques Calatayud, Claude Brendel, Michel Pastor… Les rencontres Lyriques de Luchon ont organisé de nombreux stages dédiés à la formation lyrique des jeunes musiciens et chanteurs et promouvoir le renouveau de l’art lyrique en France. Comme à son origine, l’association s’engage cette année dans une démarche pédagogique autour du chant lyrique. Quoi de plus naturel pour la cité thermale de Luchon, en plein cœur des Pyrénées, que de donner sa chance à la voix ?
www.rencontreslyriquesluchon.fr
Téléphone : 06.07.44.60.50
La Librairie du festival, tous les jours de 9h30 à 19h30, 54 allées d’Etigny – Librairie des Thermes : Collection complète d’ouvrages autour des thèmes du festival.
La Galerie du Festival, les jours à partir de 16h00, 69 allées d’Etigny – Les Oréades : immersion picturale dans les thèmes du festival, de la musique…
2) Fabien Fonteneau, organiste et compositeur
Diplômé du Conservatoire National de Région de Toulouse et ayant suivi une formation complémentaire aux Etats-Unis, Fabien Fonteneau se produit depuis plus de quinze ans lors de concerts d’orgue ou de piano aussi bien à Toulouse et sa région qu’à l’étranger : Atlanta, New York, Sydney, Reykjavik ou Budapest, tant en soliste qu’en accompagnateur d’instrumentistes ou de choeurs.
Fabien Fonteneau se produit très régulièrement à l’orgue Dominique Cavaillé-Coll de l’abbatiale Saint-Michel de Gaillac (Tarn).
A partir de 2010, Fabien Fonteneau se met à la composition pour l’orgue, avec une inspiration nourrie par des années de pratique de l’improvisation.
Il affectionne tout autant la musique ancienne que la musique moderne, ainsi que leur synthèse par des compositeurs comme Marcel Dupré, Maurice Duruflé ou André Fleury.
Sa prédilection pour la mélodie française l’entraîne vers les répertoires de compositeurs toulousains tels que Marguerite Canal, Aymé Kunc, Marcel Vidal Saint-André, de compositeurs régionaux comme Déodat de Séverac, Gabriel Fauré mais également vers Debussy, Duparc, Chausson, Satie et Poulenc.
Fabien Fonteneau est titulaire de l’orgue de l’église Saint-Exupère à Toulouse et organiste associé au Temple du Salin, dans la même ville.
3) Wilfried Abo, Chef de Chœur
Luchonnais, élève trompettiste de Patrick Sorgel, il est issu de la pratique du chant traditionnel, notamment dans le Chœur des Fils de Luchon dont il a assuré la direction. Il découvre le chant lyrique en vallée d’Aure auprès de l’ARCAL et d’Anne Claude Gérard dans les Noces de Figaro et La Messe en Ut de Mozart. Après de nombreux concerts dans le groupe vocal Les Be Bop (variété, chant du monde et Gospel), il suit des études de chant lyrique au conservatoire du Tarn auprès de Didier Oueillé. Ténor, il interprète notamment le rôle d’Apollon dans l’Orfeo de Monteverdi, Castor dans Castor et Pollux de Rameau, Mercure dans Orphée aux enfers d’Offenbach, différents rôles dans Armide de Gluck et l’Europe Galante de Campra. En suivant, il mène des études de musiques traditionnelles au Conservatoire Henri Duparc de Tarbes auprès de Pascal Caumont tout en pratiquant divers instruments comme la cornemuse des landes de Gascogne, la flûte à 3 trous, le tambourin à cordes, le fifre ou le clarin (hautbois de Bigorre). Membre du duo de musique et chants traditionnels Arreldah, il défend la culture Gasconne (collecte, arrangements et composition) par le chant et l’animation de bals.
Il est à l’origine, avec Sylvia Cazeneuve en 2009, des Nouvelles Rencontres Lyriques de Luchon dont il est le président.
4) Jean-Jacques Cubaynes est Directeur Artistique depuis 1994, du Festival Déodat de Severac qu’il consacre aux musiques françaises et ibériques et à la culture occitane ; et depuis 2001, des Journées de Rencontres autour de la Mélodie française de Toulouse et de l’Académie Gabriel Fauré – Déodat de Séverac. Excusez du peu !