Si le E majuscule s’impose ici en parlant d’Etoile, c’est qu’il s’agit non pas d’un phénomène astral mais de ces huit danseurs réunis autour de lui par Roberto Bolle pour un spectacle de ballet qui nous a donné à voir, quasiment, ce qu’il y a de mieux au monde en la matière.
Au cours de cette soirée d’1h20’, quelques-uns des représentants les plus prestigieux de Compagnies qui ne le sont pas moins, sont venus nous régaler de leur talent aujourd’hui au sommet d’un art dont on connaît la terrible difficulté. Alternant savamment répertoires classique et contemporain, le programme débute par Prototype, une création de Massimiliano Volpini au cours de laquelle nous apparaît le héros de la soirée, Roberto Bolle lui-même, mais ici sous format conjuguant avec habileté infographie et réalité. Une entrée « numérique » assez bluffante faut-il le reconnaître. Ensuite vont s’enchaîner neuf Pas de deux, certains célèbrissimes, comme ceux signés Marius Petipa (Le Corsaire et Don Quichotte) et Agrippina Vaganova (Diana and Actaeon). D’autres sont peut-être moins connus mais ils emportèrent l’adhésion totale du public tout de même. Il s’agit d’After the rain (Christopher Wheeldon), Duet from New Suite (William Forsythe), L’Arlésienne (Roland Petit), le fameux « Combat des Anges » extrait de Proust ou les intermittences du cœur (Roland Petit), peut-être et s’il en faut un, le sommet de la soirée avec Timofej Andrijashenko et Roberto Bolle, enfin Vertigo Maze (Stijn Celis).
Le programme officiel s’achève avec un éclat de rire car arrive le moment du Grand Pas de Deux, une chorégraphie de Christian Spuck créée à Stuttgart le 31 décembre 1999 sur l’Ouverture de La Pie voleuse de Gioacchino Rossini. Viktorina Kapitonova et Roberto Bolle s’en donnent à cœur joie dans cette irrésistible parodie du ballet classique. Et puis, surprise, il y a un after. Finis collants et tutus, le cuir fait son apparition dans un programme plus jazzy flirtant avec la comédie musicale. Une sorte d’apothéose pour un public qui trépigne de joie et ovationne longuement cette troupe d’un soir dont les membres faisaient leur première apparition dans ce festival. Rappelons simplement, juste pour se remettre des étoiles plein les yeux que nous avons pu applaudir Roberto Bolle (Scala de Milan et American Ballet Theatre New York), Timofej Andrijashenko (Scala de Milan), Christian Bauch (Semperoper Ballet de Dresde), Matthew Golding (Royal Ballet Londres), Osiel Gouneo (Den Norske Ballet Oslo), ce dernier fit littéralement crouler l’amphithéâtre de Peralada après un Actéon incroyable de puissance et de maîtrise, Viktorina Kapitonova (Ballet de Zurich), Sarah Lane (American Ballet Theatre New York), Anna Tsygankova et ses vertigineux équilibres (Dutch National Ballet Amsterdam) et Elena Vostrotina (Semperoper Ballet de Dresde). Il est inutile d’entrer dans le détail des interprétations de ces danseurs tant leur virtuosité, leur musicalité, leur talent à maîtriser les variations les plus insensées, leur engagement dans une soirée qui était tout sauf un show simplement spectaculaire, parlent de manière assez éloquente pour dire combien la danse est un art fait certes d’exigences et parfois de douleurs, mais surtout, est un art qui exprime pleinement la vibration humaine. Et quand il s’agit de faire partager la beauté, la générosité et la joie…
Une somptueuse et exceptionnelle soirée qui confirme bien le Festival de Peralada comme l’une des manifestations estivales incontournables du Sud de l’Europe.
Robert Pénavayre
Festival Castell Peralada
jusqu’au 23 août 2016