Maxwell Perkins (1884-1947) demeure aujourd’hui comme l’un des plus fameux découvreurs de talents littéraires de notre temps. A son tableau de chasse, si l’on peut dire : F. Scott Fitzgerald, Ernest Hemingway et Thomas Wolfe. Entre autres bien sûr.
Ce Puritain qui ne pouvait respirer qu’avec un chapeau vissé sur le crâne, y compris à table (!), marié et père de cinq filles, rêvait d’avoir un garçon. Thomas Wolfe, lui, ou du moins son génie, avait sérieusement besoin d’un soutien ferme mais amical, patient et bienveillant. Un papa spirituel. La relation entre les deux hommes est le sujet de la biographie qu’A. Scott Berg écrit en 1978. Son adaptation au cinéma est une longue histoire de plusieurs années car le sujet n’était pas facile. Il s’agissait de faire comprendre l’influence, positive, de Perkins, sur la vie autant privée que publique et professionnelle de Wolfe. Et surtout mettre en évidence le poids et l’importance déterminante des conseils qu’il prodigua à son poulain durant la courte vie de ce dernier. En effet, celui qui était né avec le 20ème siècle décède en 1938 après avoir écrit quatre romans et une poignée de nouvelles. En creux se dessine l’étrange sentiment de paternité qui peut naître chez quelqu’un qui est le premier à découvrir un talent, de quelque sorte qu’il soit, d’avoir aidé à sa naissance, à son épanouissement et à son perfectionnement. Est-ce un acte de création ou bien celle-ci n’est-elle que du ressort de l’artiste, écrivain, peintre, musicien, etc. ? Le danger n’est-il pas dans ce sentiment de possession qui peut alors vriller cette relation ?
Pour son premier long métrage, le Britannique Michael Grandage, homme de théâtre avant tout, s’attache bien sûr à ces deux personnages, l’un d’une douceur inébranlable, l’autre en perpétuelle déflagration, passant son temps à écrire, parfois debout devant son réfrigérateur, véritable stakhanoviste de la plume, incapable de la moindre concision, mais un génie tout de même. Le film repose sur leurs épaules et il n’est rien de dire combien le duo Colin Firth (Perkins) et Jude Law (Wolfe) est des plus pertinents. Des éclairages magnifiques, une reconstitution fidèle de l’Amérique en pleine crise de 29 et une direction d’acteurs qui laisse bien percevoir l’antériorité théâtrale du réalisateur achèvent de faire de ce long non seulement un bel objet cinématographique mais aussi une véritable découverte du métier d’éditeur, du moins tel que le pratiquait Perkins. Découverte aussi d’un romancier finalement pas très connu en Europe, du moins par le grand public.
Robert Pénavayre
Michael Grandage – Du théâtre à l’opéra puis au 7ème art
Ce Commandeur de l’Ordre de l’Empire Britannique, un jeune quinquagénaire qui respire la Culture anglaise, fut pendant de longues années avant tout un comédien de théâtre et en particulier dans la prestigieuse Royal Shakespeare Company. Puis il va se diriger vers la mise en scène, dirigeant, entre autres, rien moins que des acteurs tels que Joseph Fiennes, Kenneth Branagh, Derek Jacobi et…Jude Law. Couvert de Prix prestigieux pour l’ensemble de ses activités, et avant de passer derrière la caméra, Michael Grandage se tourne depuis quelques années vers la mise en scène d’opéra et la comédie musicale. Dans la plupart de ses projets, son compagnon, qui n’est autre que le décorateur et costumier Christopher Oram, n’est jamais bien loin.