Chaque mercredi, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir un film américain passé inaperçu lors de sa sortie.
Dans la série des « filles de », après Jennifer Lynch (fille de David) et son Surveillance (voir notre chronique du 25 mai), voici Killing Fields d’Ami Canaan Mann (fille de Michael) sorti en 2011 dans l’indifférence du public et avec un accueil critique plutôt sévère. Si le phénomène « fils et filles de » est largement répandu dans le cinéma français (quel bonheur de vivre dans un pays où le talent semble se transmettre, immuablement, de génération en génération !), il est beaucoup plus rare aux Etats-Unis (sinon à part quelques « dynasties » : les Minnelli, les Fonda…), en particulier dans le domaine de la réalisation. Fermons la parenthèse…
Après un premier long-métrage, Morning (2001, inédit en France), avant Jackie & Ryan (2014, inédit lui aussi) et entre quelques détours par la télévision, en tant que scénariste et réalisatrice (notamment à travers deux épisodes de l’excellent série Friday Night Lights), Ami Canaan Mann signait ce Killing Fields, polar moite et glauque nous montrant un Texas assez peu vu sur grand écran, à savoir peuplé de bayous et de forêts inquiétantes. La trame du film a été vue (ou lue) mille fois : deux policiers – l’un autochtone, l’autre venu de New York – enquêtent sur la disparition d’une jeune fille, sans doute victime d’un tueur en série ayant déjà assassiné plus de vingt femmes. Dans leur enquête, ils sont épaulés par une inspectrice qui fut l’épouse de l’un d’eux, ce qui n’arrange pas les rapports conflictuels entre les deux hommes…
Les persifleurs auront beau jeu de souligner que le scénario de Killing Fields ne brille pas par son originalité. On leur rétorquera qu’il faut paradoxalement pas mal d’audace pour emprunter à son tour des sentiers si balisés et qu’Ami Canaan Mann relève joliment le défi. Au-delà de ses archétypes, ou grâce à eux, le récit s’offre des moments de latence, des respirations, des digressions cependant rythmées par des accès d’adrénaline. Les personnages ne sont pas des vignettes ou des caricatures, ils trahissent leurs failles, portent des sacs de regrets, tentent de se racheter, cultivent leur solitude telle une protection. Comme son vénérable père, la réalisatrice se révèle une remarquable directrice d’acteurs. Il est vrai qu’elle ne s’est privé de rien en enrôlant Sam Worthington, Jeffrey Dean Morgan et Jessica Chastain. Ils sont remarquables de conviction et de précision, à l’instar de la toute jeune Chloë Grace Moretz, sans oublier Jason Clarke et Annabeth Gish (échappés de la trop méconnue série Brotherhood). Killing Fields n’a pas eu la réception qu’il méritait. On parierait cependant que les créateurs de True Detective n’ont pas été insensibles à son ambiance et ses décors.