Une année complète sans Wagner, voilà qui se révélait fort délicat pour certains. Sauvés. Grâce au Cycle Grands Interprètes, une petite dose va quand même être administrée. L’opération se déroulera à la Halle aux Grains le samedi 18 juin à 20h. Le chef opérateur est un grand, et vient de le prouver à plusieurs reprises sur Paris, plus exactement à l’Opéra de Paris. C’est ni plus ni moins que le chef Philippe Jordan. Il vient d’ailleurs opérer avec son meilleur instrument à savoir l’Orchestre de l’Opéra National de Paris. Nul doute que les patients de la région sont impatients de se voir administrés le traitement. Enthousiasme garanti.
Morceaux de choix au menu. Tous les extraits symphoniques sont tirés de cet ouvrage hallucinant que constitue le Ring. On commence avec des extraits du Prologue : l’Or du Rhin. Puis, vont se succéder les Trois Journées soit La Walkyrie, suivie de Siegfried et enfin le Crépuscule des Dieux. Pour cette fin monumentale qu’est L’Immolation de Brünnhilde, il faut une Walkyrie de haut vol. Elle est toute trouvée en la personne de la soprano dramatique Martina Serafin que les habitués du Capitole connaissent de réputation pour l’avoir vue, et surtout entendue dans un mémorable Chevalier à la Rose.
Wagner Extraits symphoniques du Ring
L’Or du Rhin
Prélude
Interludes
Entrée des dieux au Walhalla
La Walkyrie
La Chevauchée des Walkyries
L’Incantation du feu
Siegfried
Murmures de la forêt
Le Crépuscule des Dieux
Marche funèbre de Siegfried
L’Immolation de Brünnhilde
Quelques mots sur le Ring.
L’Anneau du Nibelung, le véritable « opus magnum » de Richard Wagner, est assurément l’œuvre dramatique la plus exigeante de toute l’histoire de la musique et elle ne cesse de constituer une provocation pour le théâtre musical. Franz Liszt disait de cette tétralogie qu’elle était un “poème mondial“ qui raconte le début et la fin du monde. Wagner travailla assidûment à cette œuvre et, depuis les premières esquisses en prose de 1848 jusqu’à l’achèvement de la partition le 21 novembre 1874, pas moins de 26 ans s’écoulèrent. Si l’on tient compte d’une interruption de douze ans, quatorze années furent donc nécessaires à la réalisation de ce monument, question musique et livret. Sans omettre que le point de départ fut la lecture des récits nordiques des Nibelungen, un poème de 3379 strophes de quatre vers chacune ! Et que la composition s’effectua de la fin vers le début. C’est bien en partant de la mort de Siegfried que Wagner rédigea les livrets des autres opéras qui précèdent. Du substrat en prose, la versification sera achevée le 15 décembre 1852.
Quant Wagner conçut ce fameux Ring en 1851 comme une célébration dramatique, il rêvait déjà de sa propre fête théâtrale pour monter le spectacle à l’instar des fêtes théâtrales de la Grèce antique. C’est dans son théâtre de Bayreuth, qui fut spécialement construit pour la représentation intégrale de la Tétralogie et ce, grâce aux bons soins de son mécène Louis II de Bavière, que le compositeur put concrétiser ses idées. Il est en effet tout à fait rarissime qu’un théâtre soit conçu et construit en fonction d’une œuvre bien déterminée.
Côté musique, celle-ci va évoluer et se densifier au cours de son développement. Elle va rapidement se mouvoir vers une évolution individuelle où chaque élément deviendra un des protagonistes de toutes les tensions et de toutes les passions qui vont se dérouler, et c’est ainsi que la musique deviendra un des moteurs, un des catalyseurs de l’action dramatique. D’où l’importance du chef dans une représentation quel que soit le volet.
L’orchestre de Wagner, en s’attribuant le commentaire de l’action scénique et en devenant aussi son moteur principal, joue donc exactement le même rôle que le chœur dans la tragédie grecque.
Brünnhilde : cette esquisse fut réalisée pour la première représentation intégrale du Ring, à Bayreuth en 1876
Immolation de Brünnhilde Acte III – Scène 3
Il reste à accomplir ce qui a été dit. Brünnhilde se saisit de l’anneau et en dénonce la perversité. Elle va le rendre, le thème des Filles du Rhin, celui du tout début de l’Or du Rhin, flotte un instant dans l’orchestre. En écho aux prédictions des Nornes, elle envoie Loge brûler le Walhalla quand elle-même, dans un tutti orchestral intense, s’empare d’une torche. Depuis la scène 4 de l’Or du Rhin, le Crépuscule des Dieux est annoncé : le voici. Elle jette la torche.
L’embrasement du bûcher déclenche une tempête orchestrale phénoménale. Comme dans la conclusion de la Walkyrie, le feu scintille et crépite, mais il est à présent libéré de toute entrave et s’adonne à une allégresse destructive. Le chant de Brünnhilde est une véritable transe érotique, alternant le cri de la Walkyrie aux caresses enflammées. Ses appels « Siegfried ! Siegfried ! » ont un élan irrésistible. Et sur le mot « Femme », lancé en apothéose, elle se jette dans le brasier.
Le feu de Loge prend alors une dimension monstrueuse, totale, primitive et apocalyptique à la fois, envahissant tout, détruisant tout. Il s’éteint soudainement, remplacé par l’eau, elle aussi dans son état le plus sauvage : le Rhin a débordé, amenant les Filles du Rhin et leur thème si insouciant et joyeux du début de l’Or du Rhin, du monde pur avant le forfait d’Alberich. Hagen peut bien lancer une ultime malédiction, il est emporté. Le fleuve a repris son bien.
La symphonie terminale est fabuleuse. Sur le thème des Filles du Rhin, symbole de l’innocence retrouvée (et musicalement, du diatonisme succédant à la décrépitude du Crépuscule), le Walhalla retentit. Jamais il n’a sonné avec autant de majesté, alors qu’on l’entend littéralement se consumer dans les flammes. Cette musique respire la grandeur à un degré inégalé. C’est la fin des dieux, et celle des héros aussi : le thème de Siegfried retentit une dernière fois. Le thème légué par Sieglinde, et son annonce d’un avenir indéfinissable et totalement indéterminé, plane sur un orchestre apaisé, avant l’ultime accord.
Est-ce pour autant le début d’un temps nouveau, celui des hommes, représentés par les rares survivants : Gutrune et les vassaux manipulés par Hagen ? Ou bien, comme peut le laisser penser le titre de l’œuvre entière (l’anneau) et surtout le retour à la fin d’un climat mélodique si proche du début de l’Or du Rhin (on s’attend presque à voir Woglinde lancer ses onomatopées initiales), est-ce seulement la fin d’un cycle et le début d’un nouveau, éventuellement identique ? Après tout, Alberich, ou au moins son esprit, est toujours là : « Celui qui sait monte la garde ».
Philippe Jordan
Directeur Musical de l’Opéra national de Paris et Directeur Musical des Wiener Symphoniker depuis de la saison 2014-2015, Philippe Jordan est déjà reconnu comme l’un des chefs d’orchestre les plus doués et les plus passionnants de sa génération. Il prend à 6 ans sa première leçon de piano. À 8 ans, il rejoint les Zürcher Sängerknaben et à 11 ans commence le violon. En 1994, à l’âge de 16 ans, il entre au Conservatoire de Zurich où il obtient le diplôme de professeur de piano avec mention. Il étudie parallèlement avec le compositeur suisse Hans Ulrich Lehmann et continue ses études de piano auprès de Karl Engel. Dans la même période, il travaille comme assistant de Jeffrey Tate sur le Ring de Wagner présenté au Théâtre du Châtelet.
Philippe Jordan commence sa carrière comme Kapellmeister au Stadttheater d’Ulm en 1994-1995. De 1998 à 2001, il est assistant de Daniel Barenboim à la Deutsche Staatsoper de Berlin. De 2001 à 2004, il est Directeur Musical de l’Opéra de Graz et de l’Orchestre Philharmonique de Graz, puis de 2006 à 2010 principal chef invité à la Staatsoper Unter den Linden Berlin.
Pendant ce temps, il fait ses débuts dans les plus importants opéras et festivals internationaux comme le Semperoper de Dresde, le Royal Opera House Covent Garden, l’Opéra de Zurich, la Wiener Staatsoper, le Metropolitan Opera New York, le Théâtre royal de La Monnaie de Bruxelles, le Teatro alla Scala de Milan, la Bayerische Staatsoper de Munich, le Festival de Bayreuth, le Festival de Glyndebourne, le Salzburger Festspiele et le Festival d’Aix-en-Provence.
En concert, Philippe Jordan a dirigé les Berliner Philharmoniker, le Philharmonia Orchestra de Londres, l’Orchestre de Chicago, l’Orchestre de Cleveland, l’Orchestre de Philadelphie, le National Symphony de Washington, l’Orchestre Philharmonique de New York, les Wiener Philharmoniker, la Staatskapelle de Berlin, le NDR Hamburg, le DSO Berlin, le Filarmonica della Scala, l’Accademia Nazionale di Santa Cecilia de Rome, l’Orchestre Philharmonique de Radio France, l’Orchestre Gustav Mahler des Jeunes et le Tonhalle de Zurich. Il se produit régulièrement en tant que pianiste en récitals et musique de chambre.
Au cours de la saison 2014/15, Philippe Jordan se consacre entre autres, avec les Wiener Symphoniker, à un cycle intégral des symphonies de Schubert, à des compositions contemporaines et aux grands oratorios de Bach. À l’Opéra national de Paris, il dirige les nouvelles productions de L’Enlèvement au sérail et du Roi Arthus, la reprise de Pelléas et Mélisande ainsi que l’intégrale des symphonies de Beethoven. Il sera présent au Bayerische Staatsoper de Munich avec une nouvelle production d’Arabella et une reprise de Tristan et Isolde.
Martina Serafin
Martina Serafin est née de parents chanteurs, à Vienne, où elle fait ses études et débute très jeune dans les opérettes de F. Lehar, J. Strauss et E. Kalman. A l’opéra, elle commence avec la trilogie mozartienne dans les rôles de Fiordiligi, Donna Elvira et Contessa à Graz et Stuttgart, où elle chante aussi Mimì dans La Bohême de G. Puccini, Marschallin dans Der Rosenkavalier de R. Strauss, Sieglinde dans Die Walküre de R. Wagner (sous la direction de L. Zagrosek) et Elsa dans Lohengrin de R. Wagner (dirigé par S. Soltesz).
Aujourd’hui elle chante dans les théâtres les plus importants du monde entier. Son répertoire extraordinaire impressionne. Il va de G. Puccini à R. Strauss, de G. Verdi à R. Wagner. Elle est une grande interprète de Tosca, qu’elle a chanté dans plusieurs productions : à l’opéra de Rome (G. Gelmetti/ F. Zeffirelli), à Florence sous la direction de Z. Mehta, à Covent Garden à Londre sous la direction de A. Pappano et reprise ensuite par D. Oren, à l’Arena de Vérone (M. Armiliato/ H. De Ana), à La Scala de Milan sous la direction de N. Luisotti, à Caracalla (R. Palumbo/P. Pizzi), à Paris (D. Oren/ P. Audi), à Vienne (P. Carignani/ O. Schenk), à Berlin, Barcelone, Melbourne, Beijing (Chine) et à Monaco pour le Prince Albert et enregistrée en DVD avec Renato Bruson au Teatro Greco de Taormine.
Parmi les nombreux rôles interprétés on peut citer : Manon Lescaut de G. Puccini à la Fenice de Venise (R. Palumbo/ G. Vick), au Festival Pucciniano avec A. Veronesi et à Hamburg; Maddalena dans Andrea Chénier à Zurich sous la direction de N. Santi, au Wiener Staatsoper dirigé par M. Armiliato, au Bellini de Catane et à Cagliari avec une mise en scène de G. Del Monaco; Turandot dirigé par R. Chailly avec l’Orchestre de La Scala de Milan au Festival Pucciniano et à Rome à l’Accademia de Santa Cecilia, à l’Arena de Vérone (D. Oren/ F. Zeffirelli), en Oman dirigé par P. Domingo, à l’inauguration du Petruzzelli à Bari avec une mise en scène de R. De Simone, au Festival Pucciniano avec une mise en scène de M. Scaparro, à Gênes avec une mise en scène de G. Montaldo, à Zurich avec une mise en scène de G. Del Monaco et à Bilbao dirigé par J. Mauceri.
Passons à Mozart avec Donna Elvira dans Don Giovanni au Wiener Staatsoper (S. Ozawa/ F. Zeffirelli) ; Contessa dans Le Nozze di Figaro à Los Angeles dirigé par P. Domingo et Fiordiligi dans Così Fan Tutte à Stuttgart dirigé par L. Zagrosek.
En 2013, elle fait ses débuts dans le Requiem de G. Verdi sous la direction de G. Gelmetti à Monaco et dans des rôles verdiens tels que : Elisabetta dans Don Carlo sous la direction de F. Luisi au Teatro La Scala de Milan et Abigaille dans Nabucco à Orange (P. Steinberg/ J. P. Scarpitta), à Barcelone (D. Oren/ D. Abbado) et à l’Arena de Vérone (R. Frizza/ D. De Bosio).
Elle est très appréciée dans le répertoire allemand, en particulier dans les rôles wagnériens comme : Sieglinde dans Die Walküre interprété au Metropolitan de New York et dirigé par F. Luisi, au Wiener Staatsoper sous la baguette de S. Rattle et, toujours à Vienne, sous la direction de F. Welser-Moest, à Zurich et Paris dirigé par P. Jordan et à Berlin, Amsterdam, Toulouse, Barcelone et Tokyo ; Elsa dans Lohengrin à Palerme avec une mise en scène de H. De Ana, à Dresde, Stuttgart et Bologne dirigé par D. Gatti ; Elisabeth dans Tannhäuser à l’Opéra de Roma avec une mise en scène de R. Carsen et à Amsterdam avec une mise en scène de N. Lehnoff ; Isolde dans Tristan und Isolde en version concert au Festival de Ravello avec l’orchestre du San Carlo de Naples.
Exceptionnelle Marschallin dans Der Rosenkavalier de Richard Strauss au Metropolitan de New York, au Wiener Staatsoper et à San Francisco sous la direction de D. Runnicles, à Toulouse avec une mise en scène de N. Joel, Barcelone, Stuttgart, Munich et Amsterdam. Elle a été protagoniste dans Genoveva de R. Schumann à Palerme, Marie dans Wozzeck à Essen, Lisa dans Pikovaja Dama de P. I. Tchaikovsky au Wiener Staatsoper dirigé par S. Ozawa, à Barcelone dirigé par K. Petrenko et à Bologne dirigé par M. Jurowski, La sposa venduta de B. Smetana à Zurich et Bologne dirigé par M. Jurowski.
Elle s’est produite dans de nombreuses salles de concert partout dans le monde : Liderabend dédié à F. Schubert, R. Schumann, dans Wesendonck Lieder de R. Wagner, dans Vier Letzte Lieder de R. Strauss dirigé par Z. Mehta avec le Wiener Philharmoniker à la Musikverein de Vienne. Elle chantera bientôt à Toulouse avec l’Orchestre de l’Opéra national de Paris dirigé par Jordan.
Parmi ses prochains engagements : Manon Lescaut au Deutsche Opera de Berlin ; Macbeth au Liceu de Barcelone et au Wiener Staatsoper; Lohengrin (Elsa), La fanciulla delle nevi (Kupava) de Rimskij-Korsakov et Tristan und Isolde (Isolde) à l’Opéra national de Paris; Turandot au San Francisco Opera ; Nabucco à La Scala de Milan ; Tosca au Royal Opera House de Londres et Turandot au Metropolitan de New York.
Orchestre de l’Opéra national de Paris
L’Orchestre de l’Opéra national de Paris est l’un des orchestres les plus jeunes de France, tout en étant aussi l’un des plus vénérables puisque sa fondation remonte à la création par Louis XIV de l’Académie royale de musique il y a plus de trois siècles. C’est pour cet orchestre que des compositeurs comme Lully, Rameau, Gluck, Rossini, Meyerbeer, Verdi, Wagner, Gounod, Massenet, Saint-Saëns, Ravel, Stravinsky, Roussel, Poulenc ou encore Messiaen ont écrit des chefs-d’œuvre.
Aujourd’hui, ses 174 musiciens se produisent à la fois au Palais Garnier et à l’Opéra Bastille. Leur répertoire n’a cessé de s’élargir, et ils occupent aujourd’hui une place de tout premier plan dans la vie musicale française et internationale. En près de trente ans, ils ont travaillé avec de très grands chefs tels que Lorin Maazel, Georges Prêtre, Zubin Mehta, Christoph von Dohnányi, Claudio Abbado, Daniel Barenboim, Myung-Whun Chung, James Conlon, Pierre Boulez, Semyon Bychkov, Valery Gergiev…
Des moments d’exception auront marqué ce parcours : la création de la version intégrale de Lulu avec Pierre Boulez, celle de Saint François d’Assise d’Olivier Messiaen sous la direction de Seiji Ozawa, Der Rosenkavalier avec Karl Böhm ou encore, en 1996, Don Giovanni, la dernière production mozartienne de Sir Georg Solti… Autant d’expériences qui ont profondément renouvelé et approfondi la personnalité d’un orchestre nourri des partitions les plus délicates et les plus exigeantes au plan de l’interprétation.
Cette personnalité s’exprime avec éloquence dans de nombreux enregistrements, qui ont valu à l’Orchestre de l’Opéra national de Paris d’être reconnu comme l’un des premiers orchestres au monde. Elle est aussi particulièrement mise en lumière lorsque ses musiciens se produisent en concert ou lors de tournées internationales. De tels concerts leur permettent de retrouver dans une relation plus complice encore, celle du répertoire symphonique, certains des chefs qui les ont dirigés en fosse. Les musiciens cultivent aussi leur connivence au travers d’une saison de musique de chambre largement ouverte aux pages maîtresses des répertoires d’hier et d’aujourd’hui.
Depuis la saison 2009-2010, Philippe Jordan est son Directeur musical.
Michel Grialou
Orchestre de l’Opéra National de Paris
Philippe Jordan (direction)
Martina Serafin (soprano)
Halle aux Grains
samedi 18 juin 2016 à 20h00
Mécénat / Partenariats
Nathalie Coffignal
mail : ncoffignal@grandsinterpretes.com
Tel : 05 61 21 09 61
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