Ce soir, toute la crème de la crème s’est déplacée : les directeurs et salariés de théâtres Toulousains (en vogue), les scolaires, les compagnies (très) réputées, les sans-le-sou, la presse, les va-nu-pieds (si, si) et bien d’autres.
Voilà donc. Nous y sommes. Il est 19h30 et le 25 mai a sonné ses cloches. L’Orestie de Castellucci va se jouer devant nous d’ici une poignée de minutes.
L’excitation est palpable. A quelle sauce va-t-on être mangé ? Au moment d’entrer dans la salle, des bouchons d’oreille nous sont remis.
Nouvelle vague d’excitation.
Nous y sommes.
Une part belle est faite à l’univers sonore. Oui, on en prend plein les mirettes et plein les esgourdes.
Les premières visions cauchemardesques s’enchainent. Mes yeux sont kidnappés par la richesse des tableaux.
Tout est léché. Rien est laissé au hasard. Impossible de détourner le regard. (Même pour lire les sur-titres)
Le plateau est découpé en différents niveaux grâce à des rideaux de tulle. La vision est floue. Les voix sont trafiquées.
Le spectateur plonge au coeur d’une vision d’horreur n’ayant plus rien d’humaine. La représentation est d’ailleurs interdite au moins de seize ans.
Dans la première partie, l’univers est assez sombre. On nous présente le Coryphée, Egisthe, Clytemnestre, Agamemnon et Cassandre.
C’est un travail d’orfèvre que nous présente Castellucci.
Bataille sans pitié pour prendre le pouvoir. Les amants n’hésitent pas à faire couler le sang qui recouvrira (vite) la scène. La réalité et la fiction se mélangent.
Quelques spectateurs sortent. Visiblement, les tableaux peuvent être insoutenables.
Entracte.
Les avis sont partagés. Certains se passeront de seconde partie tandis que d’autres trépignent d’impatience en regagnant leur siège.
La seconde partie étale un univers blanc et sans bruit, peuplé d’étranges créatures. Elle tranche avec les tableaux précédents.
On nous présente Oreste, son grand ami Pylade et sa soeur. Dans un décor immaculé et silencieux, ils préparent le bras de la vengeance abreuvé par le meurtre du roi. Oreste sera le pantin tueur.
Clytemnestre est poignardée par son fils. La pièce tremble. Retour de la cacophonie.
Elles vont s’emparer d’Oreste jusqu’à ce qu’Athéna se charge de le délivrer.
Les décors sont tout bonnement impressionnants. Le visuel et le sonore restent de haute qualité du début à la fin.
Ce spectacle ne se résume pas qu’à son esthétique. L’humour est aussi de mise. Repensons à Agamemnon saluant les spectateurs alors qu’il se fait (amicalement) guider par le bourreau vers son exécution.
Quant au texte, de l’Orestie d’Eschyle, il ne reste que les points cruciaux, savamment mélangés à Alice au pays des Merveilles.
De la trisomie à l’obésité, en passant par la mutilation, les corps sont aussi bien présents que non conventionnels.
Le couronnement d’un roi baigné de sang est, à mon sens, une preuve de profondeur. Un homme poussé par des mains manipulatrices vers la vengeance est, à mon sens, une preuve de profondeur.
Les avis ont beau être partagés, l’esthétique particulière, l’univers sonore exagéré, le travail de Castellucci reste (en toute bonne foi) indéniable.
Qu’on aime ou qu’on aime pas, Castellucci reste un maître et, une fois de plus, il nous l’a démontré.
Jennifer Vincent