« la música no es sólo algo muy bello, sino la expresion de la más alta poesía de la vida. » Miguel del Cervantes. Don Quijote de la Mancha, 1605
N’oublions pas que l’origine du Festival, c’est la gageure personnelle de sa présidente et fondatrice Carmen Mateu : « C’est un honneur de voir comment cet embryon, qui a commencé comme une aventure musicale passionnée, est devenu un événement de portée internationale qui jouit d’une reconnaissance et d’un prestige remarquables auprès du public, des artistes et de la critique. ».
Le festival débute le 7 juillet avec un récital de piano classique et se terminera le 16 août avec Simply Red, groupe mythique de soul music, dont quantité de morceaux ont accaparé les oreilles de millions de fans.
On se doit de resituer le lieu au milieu de ces terres si riches culturellement avec ce bord de mer incomparable. Les Pyrénées ne peuvent constituer un handicap. Toute la nouvelle région de France non baptisée encore est à moins de trois heures de cet événement. Alors, aucune excuse. Si l’attrait premier est le Festival lui-même, sachez qu’il y a tant à faire, et à découvrir pour occuper les 24 heures d’une journée, les 7 jours d’une semaine, les ……
Le Festival constitue le projet le plus important de l’Association culturelle Castell de Peralada auquel il appartient. Cette association déploie des efforts intenses de mécénat culturel et musical. Avec des temps aussi improbables sur le plan économique, on mesure les difficultés rencontrées et la tâche délicate que rencontre toute l’équipe d’organisation dirigée de main de maître par Monsieur Oriol Aguilà, Directeur du Festival Castell de Peralada.
Il fallait frapper fort pour ce trentième anniversaire, et c’est bien le cas avec une ouverture de festival qui se fait avec l’un des jeunes pianistes actuels parmi les plus médiatiques c’est un fait, mais parmi les plus doués aussi. L’enthousiasme de Lang-Lang et son côté charismatique drainent des salles entières conquises par avance. C’est pour le jeudi 7 juillet, dans un programme Chopin et Tchaïkovski. Par cette affiche, le Festival prouve qu’il mise aussi sur des talents émergents, même si dans ce cas précis, la fulgurance est bien le trait principal de la carrière de ce jeune chinois. Elle démontre si nécessaire que nous sommes bien dans le cadre d’un festival d’excellence, de tradition, d’avant-garde et d’innovation.
« Les traits de l’identité du Festival sont l’art lyrique, l’opéra et la danse et c’est là que le poids de Peralada est le plus notoire. En effet, lors de chaque édition, nous essayons de présenter une offre à caractère international et toujours sous le signe de l’excellence. » nous confie Oriol Aguilà. « Il s’agit d’un festival de grandes voix. Ce n’est pas pour rien que sa création a été liée à une suggestion de Montserrat Caballé d’organiser un événement qui serait le rendez-vous lyrique de l’été en Méditerranée. » Et c’est ainsi que le festival est devenu incontournable dans les manifestations estivales faisant la part belle à l’art lyrique.
Cet été ne pourra déroger à la règle. Il serait trop long de dresser la liste des artistes qui ont enflammé la scène du festival. Mieux vaut donc se pencher tout de suite sur la production qui nous attend pour deux soirées exceptionnelles, le samedi 6 et lundi 8 août. Ce sera un des opéras les plus appréciés du public, le dernier ouvrage de Puccini, Turandot, qui arrive pour la première fois au Festival avec une nouvelle production et une mise en scène de Mario Gas avec une scénographie de Paco Azorin. Il est à remarquer que c’est le troisième opéra mis au point dans les ateliers du Alt Emporda. Il vient après Andrea Chénier de Giordano en 2014 et Othello de Verdi en 2015. Preuves à l’appui que dans le domaine de l’opéra international, le festival a la capacité de production et de construction.
Quelle que soit la mise en scène, traditionnelle ou réactualisée comme ce sera le cas, tout en respectant l’histoire de cette fameuse princesse Turandot, c’est un opéra qui nécessite au moins deux voix d’exception. Elles sont bien au rendez-vous. Irene Teorin chante Turandot. Pas de soucis pour les aigus dévastateurs. Tout comme pour Roberto Aronica dans Calaf. Il vient de prouver, il y a quelques semaines, que le rôle de Dick Johnson dans La Fanciulla del West de ce même Puccini lui permettait d’affronter sans trembler celui, ici, du prince salvateur. Le Gran Teatro du Liceu a la réputation de mener au sommet de nombreux ouvrages d’opéra. Son orchestre sera le bienvenu au Festival surtout pour un tel monument. Il sera dirigé par Gianpaolo Bisanti.
On ne peut vous parler de tout, mais on ne peut se risquer à faire l’impasse sur la soirée du vendredi 15 juillet. En effet, c’est le Gala lyrique 30ème anniversaire. Quelques noms pour vous mettre l’eau à la bouche ! c’est Ruggero Raimondi qui va régler quelques éléments de scénographie tout en prêtant aussi sa voix de basse pendant que Daniele Rustioni dirigera l’Orquestra Simfonica de Barcelona épaulé par le National de Catalunya. La nouvelle “coqueluche“ du Met, j’ai nommé la soprano Sondra Radvanovsky sera présente tout comme sa consœur, diamant de toute distribution, Eva-Maria Westbroek. Si ce n’est pas le baryton, c’est le ténor, soit les deux homonymes, Alvarez, Carlos pour le premier, Marcelo pour le second. Leo Nucci, du haut de son immense expérience parachève la distribution annoncée.
Mais côté voix, vous ne pouvez vous permettre d’ignorer ce qui vous attend à l’Eglise du Carmen. Quatre artistes qui, chacun dans son domaine, méritent toute votre attention. Par exemple le ténor américain Bryan Hymel que les toulousains ont eu la chance d’entendre à la Halle déjà, un ténor dit héroïque, une catégorie aux valeurs rares. Avec la participation de la soprano Irini Kyriakidou et du pianiste Julius Drake, c’est un programme mixte de chansons, arias et duos d’opéras.
En 2009, quand elle remplace aux pieds levés, la star Netrebko dans Carmen, en face d’un Don José de la trempe de Jonas Kaufmann, ce n’est pas sa plus mauvaise opération. Depuis, la mezzo-soprano Anita Rachvilishvili au tempérament conséquent se venge d’une enfance difficile et se dessine une très belle carrière. Dans l’intimité de l’église du Carmen, elle offre un récital où vont se mêler arias d’opéra et chansons russes, géorgiennes, françaises et espagnoles.
Olga Peretyatko, dont le nom devra vous devenir de plus en plus familier malgré les premières difficultés de prononciation, débute au Festival. Soprano colorature dont les qualités la font classer parmi les jeunes reines du bel canto, elle va nous enchanter avec des arias de Mozart, Rossini, Donizetti et des chansons russes.
Sous le titre Alexandre le grand Homme, qui a conquis le monde, le contre-ténor Xavier Sabata revient au Festival après une première en 2014 en cette même église. Son récital dresse le portrait d’Alexandre à travers des opéras que lui ont consacré les soixante-quinze premières années du XVIIIème siècle. Haendel, Leo Vinci, Porpora, Hasse…sont convoqués, entre autres. Xavier Sabata, un contre-ténor de plus en plus présent, aussi bien sur les scènes lyriques que dans les enregistrements.
Quelques mots encore sur un autre point d’intérêt du Festival, à savoir le chapitre danse. Le 16 juillet, c’est Ailey II, The next generation of danse, la formation jeune d’Alvin Ailey. Depuis la création de la troupe par ce danseur hors-norme, et par sa danse, et par son mental, la compagnie continue son chemin, en ce moment sous la direction artistique de Troy Powell. Une soirée unique donc, pour les amoureux de la danse contemporaine. Une occasion parfaite pour découvrir ces talentueux danseurs, se laisser fasciner par puissance et souplesse, et grâce aussi, vibrer aux exigences du programme présenté toujours dans l’esprit du créateur, ou quand des chorégraphies dites modernes rejoignent par leurs qualités l’intemporalité des chorégraphies dites classiques.
Il faudra une suite à ce premier article car on se doit de présenter d’autres soirées ou éléments liés au Festival, ne serait-ce que l’autre spectacle de danse, Roberto Bolle & friends, le 29 juillet. Ce sera pour dans quelques jours.
Michel Grialou
Festival Castell Peralada
Tous les soirs du 07 juillet au 23 août 2016