Vente ? Fermeture ? Depuis plusieurs mois maintenant, le devenir de la salle de cinéma Utopia Toulouse revenait régulièrement dans les conversations des Toulousains. Ayéééééé maintenant on sait ! Jérémy et Annie qui y travaillent deviennent les futurs nouveaux plus jeunes co-gérants d’une salle de cinéma au centre-ville. L’Utopia Toulouse change de nom et devient l’American Cosmograph !
Alors les loulous, racontez-moi ce qui vous est passé par la tête pour en arriver là ?
Jérémy : On a fait ensemble la formation continue « exploitation » de la FEMIS, en 2012 et on a souvent discuté du cinéma idéal. Ça fait presque 12 ans que je travaille à Utopia, je suis directeur de Toulouse et Tournefeuille depuis 5 ans. Quand le projet de rachat d’Utopia Toulouse est arrivé, je me suis dit qu’il fallait tenter un truc, mais je savais que je ne pourrais pas le reprendre seul. Avec Annie on en parlait comme ça… Un jour, on s’est dit « Bon, si on devait avoir un projet concret, ça donnerait quoi ? ». On est très vite tombés d’accord sur plein de choses, et on a avancé.
Annie : Je travaille dans le cinéma depuis plus de 10 ans. Après la FEMIS, je me suis mis en tête de reprendre une salle. J’avais pris contact avec Anne-Marie et Michel, les gérants actuels d’Utopia, pour avoir des conseils. C’est suite à ça qu’ils m’ont proposé de venir travailler à Tournefeuille. Je savais aussi que je ne pourrais pas mener ce projet seule. La première fois que Jérémy et moi nous nous sommes posés autour d’une table, pour discuter sérieusement de la reprise de Toulouse, c’était au mois de juin 2015. Et on a proposé notre projet à Utopia en août.
Jérémy : Sont ensuite venus les rendez-vous, avec l’expert comptable d’abord, les banques… En septembre, on a reçu une sympathique visite d’un huissier qui nous faisait savoir que notre bailleur voulait tripler notre loyer… C’est aussi en septembre qu’on a déposé la demande d’Ad’Ap (calendrier d’accessibilité programmée) pour l’accessibilité des bâtiments aux personnes handicapées. Ça a mis le projet en stand-by tant qu’on avait pas plus de visibilité sur ces questions-là.
L’accessibilité aux personnes handicapées devient quoi ?
Jérémy : On a déposé cet agenda d’accessibilité programmé pour une demande de dérogation partielle associée à la mise en accessibilité de la salle 3, parce que dans nos locaux, c’est très compliqué et les contraintes techniques ne permettent pas la mise en accessibilité de toutes les salles. Une absence de réponse dans un délai de 4 mois valait légalement acceptation. Nous n’avons reçu aucune réponse dans ce délai. Pour le loyer par contre, la procédure est encore en cours et rien n’est réglé. Nous reprenons donc le dossier à notre compte.
Aviez-vous postulé pour reprendre le Cinéma ABC ?
Annie : Non, nous étions déjà sur ce projet-là.
Le nom de votre cinéma est…
Annie : L’American Cosmograph ! C’était le nom de la salle à son ouverture en 1907. C’est une des plus vieilles salles de cinéma de France encore en activité. Même si on a tendance à dire uniquement Cosmograph ou Cosmo, on garde le nom en entier. On l’aime beaucoup !
Jérémy : Le Cosmograph, ça reste étonnamment moderne. La cosmographie, dont on n’avait jamais entendu parler, est une sorte de science ésotérique de description de l’univers. Ça colle complètement avec l’idée d’un cinéma qui passe des films du monde entier. On aime bien l’idée de rester dans la continuité de cette salle-là. Quand on a su qu’Utopia Toulouse était peut-être en vente, on s’est dit que même si d’autres repreneurs feraient peut-être de l’excellent travail, quelque chose risquait de se perdre. Utopia reste à part dans sa manière de faire, de défendre les films, de travailler au quotidien. Annie et moi voulions préserver cette particularité. Même si on apporte notre patte car c’est important qu’une salle de cinéma ressemble aux gens qui y travaillent, la continuité est maintenue.
Annie : Et puis Utopia continue à nous accompagner sur la transition, notamment pour la programmation puisque Patrick, le programmateur des Utopia qui est basé à Bordeaux, nous accompagne au départ : tant qu’on a besoin de lui, il sera là, c’est plutôt rassurant !
Quand l’American Cosmograph existera-t-il ?
Annie : Le 14 juin ce sera encore Utopia et le 15 ce sera l’American Cosmograph. Commencer en été est un avantage et un inconvénient. Ce n’est pas la période la plus forte en termes de fréquentation et nous avons moins de séances, ce qui va nous laisser le temps de mettre en place l’organisation collective avec l’équipe. Beaucoup de choses étaient mutualisées entre Toulouse et Tournefeuille, et se faisaient sur le site de Tournefeuille. Il va falloir mettre en place ici le programme, le nouveau site internet et la gestion comptable, les ressources humaines…
La gazette telle qu’on la connaît avec la programmation d’Utopia Tournefeuille et Utopia Toulouse existera-t-elle toujours avec la programmation du Cosmograph et d’Utopia Tournefeuille ?
Annie : Non, ce sera deux programmes différenciés qui seront accessibles dans les deux cinémas et très disponibles. La gazette Utopia de juin contiendra également la programmation de l’American Cosmograph, mais ce sera la seule fois, pour faciliter la transition. À partir de là, Utopia Tournefeuille aura son programme et nous aurons le nôtre.
Le format de programme, change, on passe au format fanzine, en A5. L’idée du fanzine n’est pas un hasard, ça va avec notre côté bricole. On veut y laisser une place importante aux spectateurs et il y aura des petites surprises. On a vraiment envie de communiquer de spectateurs à spectateurs. Le fanzine est un magazine de fan. On adore le cinéma, on a envie d’expliquer pourquoi on a choisi les films qu’on programme. En juin la gazette Utopia annoncera la programmation du Cosmograph, mais nous lancerons en même temps le premier fanzine. On part donc avec un double programme entre la gazette qui expliquera la transition avec de nombreux éditos et le fanzine dans lequel on va expliquer à la fois notre univers et la manière dont on voit les choses.
Combien de semaines de programmation annoncera votre fanzine ?
Annie : La prochaine Gazette Utopia arrive le 1er Juin et elle sera de 6 semaines, avec un double programme qui expliquera la transition avec de nombreux éditos. Notre Fanzine sort le 1er juin avec une programmation du Cosmograph qui démarrera le 15 pour 5 semaines, du coup ça nous laissera 15 jours pour le diffuser.
Le carnet de 10 tickets verts, qu’on peut acheter à Utopia Toulouse et à Utopia Tournefeuille, que devient-il ?
Jérémy : Utopia Tournefeuille continue de le vendre, les tickets restent valables dans tous les Utopia et à l’American Cosmograph sans aucun problème. A partir du 15 juin, le Cosmograph vendra ses propres tickets, qui seront les mêmes, si ce n’est qu’ils auront notre nom, et avec une autre couleur, et seront valables dans tous les Utopia, Tournefeuille bien sûr, mais aussi les autres Utopia de France.
Le prix d’un carnet à l’American Cosmograph ?
Annie : 50 euros, comme ceux d’Utopia. Si les spectateurs veulent nous soutenir pour le démarrage, venez acheter vos carnets à l’American Cosmograph à partir du 15 juin ! (rires)
L’équipe change-t-elle ?
Jérémy : Non à l’exception d’un collègue qui a choisi de continuer avec Utopia et qui intègre donc l’équipe de Tournefeuille. Il travaille à Utopia depuis un bout de temps, il a travaillé à Bordeaux et à Avignon avant d’arriver à Toulouse, donc on peut comprendre. Sinon l’équipe reste en place.
Vous allez embaucher ?
Jérémy : Pas maintenant non, sauf si vous achetez beaucoup de carnets (rires). J’étais directeur des deux Utopia, très présent à Tournefeuille, et du coup je reviens complètement à Toulouse, ce qui va un peu combler le fait d’avoir une personne de moins.
Qui sera directeur à Tournefeuille ?
Jérémy : C’est avec eux qu’il faut voir ça. Les deux fondateurs d’Utopia y sont encore très présents, et l’équipe va se ré-organiser.
Maintenant les questions sur les services que vous allez proposer : y aura-t-il toujours les séances scolaires ? Des avants-premières ? Des séances avec des équipes de films ? Des partenariats avec les festivals ?
Jérémy : Dans l’ordre : oui, oui, oui et oui ! On va faire en juin une séance avec Les Siestes Électroniques. On les a prévenus du changement, et ça ne les a pas arrêtés ! On va pérenniser tous les partenariats que l’on fait déjà, Les Amis du Monde diplomatique, ATTAC, Fakir, etc. Il n’y a aucune raison qu’on arrête. Grosso modo pour les spectateurs il n’y aura pas grand chose qui va changer si ce n’est le programme, le nom et puis petit à petit on amènera des éléments de notre univers.
Parler de cinéma, de politique on aime bien mais des fois faire la fête et se détendre, c’est bien aussi, avec des événements plus festifs comme le cabaret burlesque qu’on avait organisé pour le réveillon l’an dernier, des ciné-concerts, etc. L’idée, c’est que tout est possible, on va continuer à faire ce qu’on fait et organiser des nouvelles choses selon les envies. La Dernière Zéance installée par Frédéric continue, on adore ça. On va essayer d’être éclectique dans les animations. Les petit-déjeuners comme à Tournefeuille, ça nous permettrait de rajouter un créneau de programmation, on en fera peut-être aussi.
Fut un temps, pas si éloigné, où les tickets étaient acceptés dans les salles Utopia et au Cinéma ABC. Un tel retour est-il envisageable ?
Jérémy : Après les travaux à l’ABC, ils sont passés au système de carte magnétique. On ne compte pas passer à ce système-là, nous allons fonctionner avec les carnets d’abonnement comme à Utopia. Nous n’avons pas rencontré le nouveau directeur de l’ABC, on suppose qu’ils veulent rester aux cartes magnétiques, mais ça se discute peut-être…
Annie : On aimerait bien pouvoir proposer aux spectateurs de Toulouse la solution la plus facile pour voir les films. On compte rencontrer les directeurs de l’ABC et de la Cinémathèque, quand chacun se sera bien installé dans ses nouvelles fonctions, nous les premiers, pour parler d’un moyen de mutualiser l’entrée sur les trois lieux, ou de faire par exemple des cycles sur ces trois lieux. L’idée que les salles se connaissent et travaillent ensemble nous semble évidemment être une bonne idée.
Quels supports pouvez-vous passer ici ?
Jérémy : De tout, si on veut passer un film, on se débrouille (rires). Le 16 mm, 70 mm, etc. a priori on ne peut pas mais s’il y a la possibilité avec d’autres moyens, on le fait. On a toujours trouvé un moyen de projeter un film que nous avions envie de montrer.
Vous allez avoir une jolie enseigne ?
Annie : Ce sera plutôt une fresque.
Jérémy : L’idée est de tout faire en douceur, pour nous laisser le temps de prendre nos marques, et pour que les spectateurs voient les choses changer petit à petit. Chaque nouvelle chose nous donnera l’occasion de faire une petite fête (rires). Par étape, ça nous paraît assez chouette.
Un mot sur la première programmation de l’American Cosmograph ?
En duo : Le mardi 14 juin, ce sera la dernière soirée Utopia, avec une soirée Ciné Bouleg. Ciné Bouleg est une espèce de collectif informel de réalisateurs locaux, qui proposent des séances avec des films du coin et l’idée c’est de changer le modèle du débat, en impliquant le spectateur dans le déroulement de la séance. Pour cette soirée ce sera sans doute un grand quizz ciné avec du court-métrage !
Le mercredi 15, ce sera la première soirée de l’American Cosmograph, avec The Neon Demon de Nicolas Winding Refen, La Nouvelle vie de Paul Sneijder qui seront en deuxième semaine en salles, Tous les chats sont gris aussi avec Bouli Lanners qui sortira ce jour-là. Et puis on invite les spectateurs à passer au cinéma vers 18h pour boire un verre et répondre aux questions diverses.
Toujours en duo : Et le jeudi 16 à 20h30, on fait une soirée d’inauguration avec la projection unique de Soyez sympas, rembobinez de Michel Gondry, qui colle bien à l’idée que nous nous faisons de l’American Cosmograph. Avant la séance il y aura un spectacle de la troupe d’improvisation Lindex, qui refait des bandes-annonces, et même un film à partir de mots donnés par le public, avec des musiciens sur scène, un projectionniste, une ouvreuse… bref, ça va être chouette !
Carine Trenteun
Cinéma American Cosmograph, 24 rue Montardy, 31000 Toulouse.
Tel : 05.61.23.66.20
Site : www.american-cosmograph.fr
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Le premier Fanzine sera disponible en juin, avec la programmation du 15 juin au 19 juillet et le roman photo avec Mr Chabat!