Chaque mercredi, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir un film américain passé inaperçu lors de sa sortie.
Si Henry Bromell (1947-2013) fit sa carrière de producteur, scénariste et réalisateur à la télévision (notamment avec les séries Homicide, Carnivàle, Homeland ou l’excellente et méconnue Brotherhood), on lui doit aussi un unique et remarquable long-métrage dont il a écrit le scénario. Dans Panic, sorti en France en juillet 2001, on découvre Alex, un Américain presque ordinaire, marié et père d’un petit garçon, mais qui exerce le métier inattendu de tueur à gages. Une vocation et une entreprise familiales puisque c’est son père qui le forma dès l’adolescence et qui encadre encore ses activités. Seulement, Alex veut décrocher. Il se confie à un psychanalyste dans la salle d’attente duquel il rencontre une jeune femme, Sarah, à peu près aussi perdue que lui. Une raison supplémentaire de tirer sa révérence et de changer de vie…
Dès les premières scènes, Panic impose son originalité et sa tension de tragédie shakespearienne plantée dans un décor d’une normalité (banlieue pavillonnaire, cabinet du psy, cafétérias anonymes, immeubles impersonnels…) qui en devient inquiétante. Les personnages sont emprisonnés par le format cinémascope, deux solitudes se rencontrent sur un champ de ruines, les dialogues font mouche (« Ça vous arrive de vous sentir mort ? Comme un chien écrasé dans la rue que l’on laisse pourrir… »). L’alchimie de ce bijou de film noir ne serait pas la même sans les comédiens. Aux seconds rôles tous impressionnants (Tracey Ullman, Barbara Bain, John Ritter, le jeune David Dorfman dans le rôle du fils d’Alex) se joint un trio de grande classe : Neve Campbell, l’héroïne des Scream de Wes Craven (qui, curieusement, n’a guère tourné), un Donald Sutherland plus machiavélique que jamais et William H. Macy.
Ce dernier, promenant souvent son air de chien battu, fut découvert par le grand public dans Fargo des frères Coen puis dans Boogie Nights et Magnolia de Paul Thomas Anderson, trois chefs-d’œuvre où il signait des compositions inoubliables. Généralement abonné aux seconds rôles, il tint cependant sur ses épaules l’excellent Lady Chance de Wayne Kramer tandis que le grand David Mamet l’a fait tourner dans quasiment tous ses films. Irrésistible dans la version américaine de la série Shameless, il a réalisé un long-métrage inédit en France, le très sensible Rudderless. Mais c’est Henry Bromell qui lui confia pour la première fois un rôle principal, celui d’un « type normal qui tue des gens ». Macy est bouleversant dans ce personnage plein de dureté et de tendresse, romantique et désespéré, portant les péchés du père et tentant de les épargner à son propre fils.
Si la tragédie s’annonce inexorablement et si l’on se doute que tout cela ne va pas s’achever dans un rassurant happy end, Panic ménage le suspens et les surprises. On n’oublie pas de sitôt ce film étrange, hypnotique, magnifié par une mise en scène aussi sèche que majestueuse, ni les derniers mots plein d’espérance prononcés par un enfant : « je pense que rien ne finit jamais ».