Interprète de Lady Macbeth au Théâtre national de Toulouse, Marie-Sophie Ferdane retrouve William Shakespeare et Laurent Pelly pour la reprise du « Songe d’une nuit d’été » sur la même scène. Entretien.
Vous avez déjà joué dans « le Songe d’une nuit d’été » dans une mise en scène de Claudia Stavisky, à Lyon. Quel rôle vous avait-elle confié ?
Marie-Sophie Ferdane : «J’interprétais le rôle d’Héléna, l’une des jeunes amoureuses. J’étais jeune comédienne, en 2002, et c’était mon deuxième spectacle. J’étais plus naïve et plus démunie comme actrice, je regardais cette pièce avec l’innocence d’Héléna. Changer de rôle permet de lire le texte autrement, de traverser l’œuvre avec un autre point de vue. Douze ans après, j’interprète Titania, une femme plus au fait de l’amour et du désir, et dotée d’une certaine maturité. J’ai évidemment personnellement muri et ces projets sont très différents. À Lyon, nous avions joué en plein air, aux Nuits de Fourvière un soir de pleine Lune : c’était la rencontre magique de la fiction avec la réalité.»
Après Lady Macbeth dans une mise en scène de Laurent Pelly au Théâtre national de Toulouse, vous reprenez aujourd’hui le rôle de la reine des fées dans ce spectacle créé en 2014…
«C’est drôle de passer de « Macbeth » au « Songe … » en si peu de temps, et d’aborder Shakespeare dans son versant lumineux, humoristique et décalé. Titania est un personnage imaginaire sur lequel on peut tout projeter, les rêves d’enfants et ceux des adultes. Laurent Pelly a un imaginaire puissant et inventif qui convient parfaitement à cette pièce, car la difficulté majeure est la représentation de l’univers féérique. Il a trouvé des résolutions scéniques qui sont magnifiques.»
Comment avez-vous construit le rôle de Titania avec Laurent Pelly ?
«Laurent voulait sortir d’une image trop conventionnelle, de cette image de reine des papillons. Il a cherché à décaler le personnage, amenant sa touche humoristique. La fantaisie de Titania a rapidement émergée puisqu’il n’y a pas de carcan sociologique ni de vraisemblance autour de ce personnage. En l’absence de repère, la difficulté était d’inventer et d’éviter de se réfugier dans des images attendues. Mon approche est celle du fantasme plutôt que celle de l’image.»
Quel directeur d’acteur est Laurent Pelly ?
«J’aime qu’il soit à la fois rigoureux dans l’univers qu’il propose et très réceptif aux propositions des comédiens. J’aime la sûreté de son imaginaire, sa vision est tellement nette qu’elle induit une manière précise de jouer. Il a une grande liberté et il en donne beaucoup. J’aime son mélange de précision et de confiance : c’est un aller-retour réjouissant.»
Que garderez-vous de votre expérience à la Comédie-Française ?
«J’y suis entrée en 2007 pour jouer Célimène dans « le Misanthrope » de Molière, trois semaines avant la première – en remplacement d’une actrice. Lukas Hemleb, le metteur en scène, venait de me voir jouer dans « Bérénice » aux Amandiers de Nanterre. Il m’a engagée en 24 heures, c’était très surprenant. J’ai démissionné en 2013. J’ai pris beaucoup de congés pour jouer à l’extérieur – notamment la tournée de « Bérénice » – mais j’en garde un souvenir très fort. C’est un apprentissage accéléré, avec des metteurs en scène très différents et une intensité de travail qui est une école extraordinaire. J’ai eu la chance d’y rencontrer Catherine Hiegel qui m’a appris une forme de rigueur. J’ai croisé Christine Fersen, doyen de la Comédie-Française à mon entrée, qui avait un œil, elle voyait tout ! Elle m’avait fait une remarque sur un déséquilibre dans la position de mon corps et je ne l’oublierai jamais. Voir aussi jouer Michel Robin – sa douceur avant d’entrer sur scène est incroyable – ou la grâce de certains jeunes actrices comme Adeline D’Hermy ou Suliane Brahim.»
Après « Bérénice » dans la mise en scène de Jean-Louis Martinelli, « la Maladie de la famille M. » de Fausto Paravidino et « Macbeth », vous retrouvez la scène de la grande salle du TNT…
«J’aime bien être ici. Le rapport salle/scène est bon et l’équipe technique est épatante. C’est important puisque c’est notre outil de travail. L’accueil est chaleureux dans ce théâtre de la part de tous les corps de métier: les habilleuses, etc. Il y a une chaleur et une détente qui conditionnent notre façon de jouer. Le public a toujours été très réceptif, il est très ouvert puisque ces spectacles sont très différents.»
Propos recueillis par Jérôme Gac
le 12 avril 2014, à Toulouse.
« Le Songe d’une nuit d’été »,
du 3 au 14 mai, au TNT,
1, rue Pierre-Baudis, Toulouse.
Tél. 05 34 45 05 05.
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photo: « Le Songe d’une nuit d’été »
© Polo Garat / Odessa
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