La Cinémathèque de Toulouse et la librairie Ombres Blanches invitent Pierre Étaix, le temps d’une soirée toulousaine dédiée à la présentation de son nouveau livre, « C’est ça Étaix ».
Ses films sont longtemps restés invisibles en raison d’un imbroglio juridique de vingt ans. Une fois le litige résolu, Pierre Étaix est venu présenter en 2011 l’intégrale de son œuvre restaurée à la Cinémathèque de Toulouse. On le retrouve aujourd’hui dans la Ville rose, à l’occasion de la parution de son livre « C’est ça Étaix ». Il a débuté sur les scènes de cabarets et de music-halls parisiens: «Au music-hall, je faisais mon numéro avec une moustache, une veste trop grande, un pantalon en accordéon, jusqu’au jour où un directeur de cabaret m’a fait remarquer que je serais beaucoup plus drôle en smoking, comme Tino Rossi. Ce fut le déclic ! Un type en habit qui perd son bouton ou cherche à cacher une imperfection vestimentaire fait beaucoup plus rire qu’un type vêtu comme vous et moi et dont la manche de chemise est trop longue.»(1)
Pierre Étaix s’inspire du slapstick, l’école du burlesque muet américain dont les virtuoses sont Buster Keaton, Harold Lloyd, Charlie Chaplin et Laurel et Hardy. Il collabore avec Jacques Tati pour « Mon oncle », une expérience qui débouche au début des années soixante sur la réalisation de deux courts métrages, « Rupture » et « Heureux anniversaire ». Le second remportera l’oscar, alors que son premier long – dont il est également l’interprète – est déjà tourné. « Le Soupirant » et les quatre films qui suivront sont cosignés avec Jean-Claude Carrière. Entamée avec les courts métrages, cette collaboration de dix ans avec le scénariste de Luis Buñuel accouche d’un cinéma peu dialogué qui enchaîne les gags visuels soigneusement élaborés à la manière d’un artisan.
Doué pour le dessin, Pierre Étaix confesse à propos de ce talent: «Ce que j’ai appris sur le rythme des couleurs, des lignes, l’équilibre des noirs et blancs, le souci du cadre, a influencé tout ce que j’ai fait au cinéma. Et d’ailleurs, sur le plateau, mes croquis de personnages, des costumes, des décors, valaient mieux qu’un long discours.»(1) Yoyo, son personnage fétiche, est né d’un dessin, avant de devenir ce clown arpentant les chapiteaux de cirque dans toute l’Europe durant les années soixante. Pour le grand écran, il réalise « Yoyo » en 1965, multipliant les clins d’œil à ses maîtres du muet et rendant hommage au cirque sous les traits d’un Max Linder itinérant.
Face à la modernité galopante du monde, une certaine nostalgie irradie l’univers de Pierre Étaix, notamment dans « Tant qu’on a la santé » et « le Grand Amour » (photos), réalisés à la fin des années soixante. Dans « Pays de cocagne », documentaire filmé sur les plages, son personnage lunaire disparaît de l’écran au bénéfice d’un portrait sans concession de la France en vacances. En 1970, l’accueil est si glacial que sa carrière de réalisateur s’interrompt.
«Être comique, c’est suspect ! Nous représentons un art mineur, méprisé ! Lorsqu’il s’agit de tourner un film dramatique, ou un film d’action, on déploie des moyens exceptionnels, on trouve normal de mobiliser des gens de qualité, des spécialistes des effets spéciaux, des cascadeurs… Lorsqu’il s’agit d’un film comique, c’est toujours trop cher, c’est de la folie ! On ne rencontre que des casseurs d’enthousiasme !»(1), confesse Pierre Étaix. Il poursuivra ses activités au théâtre et à la télévision, et créera l’École nationale de Cirque avec sa femme Annie Fratellini.
Jérôme Gac
(1) Le Monde, 04/07/2010
Rencontre :
jeudi 26 mai, 18h00, à la librairie Ombres Blanches,
50, rue Gambetta, Toulouse.
Projection :
« Le Grand Amour », jeudi 26 mai, 21h00, à la Cinémathèque de Toulouse,
69, rue du Taur, Toulouse. Tél.: 05 62 30 30 11.
Livre :
« C’est ça Étaix », Séguier (2015)