De la musique d’abord :
Los Republicanos
L’énergie rock du groupe « Los Republicanos » souligne la puissance évocatrice des paroles de plusieurs refrains populaires des Républicains espagnols. Leur but: évoquer le destin tragique de l’Espagne républicaine à travers des chants emblématiques de cette époque (El Paso del Ebro, El quinto Regimento etc.), mais aussi la magnifique Maria de Jean Ferrat. C’est un sujet parlant dans notre région qui a accueilli de nombreux réfugiés après la « Retirada ». Ce disque constitue un bel hommage aux résistants espagnols : ils évoque leur soif de culture en même temps que leur lutte contre le fascisme hier, et nous invitent « à poursuivre ce combat aujourd’hui ».
Samedi 16 avril 2016, Los Republicanos étaient en concert salle des fêtes de Montalzat (Tarn-et-Garonne) commune-siège de la Gare de Borredon qui « desservait » le camp de concentration de Septfonds.
Ils ont partagé la scène avec le Chœur des Filles et Fils de Républicains Espagnols (dont le chef, non content de diriger, peut tenir une soirée avec ses éclairages historiques), Jacques Galván et Marie-Ange Farrény (pour des reprises bien agréables sans prétention), Didier Lázaro (étonnant rappeur aux textes de grande qualité qui n’hésite pas à chanter souvent et c’est très bienvenu http://www.laztek.fr/), Tal y Cual (la danseuse Judith Martinez et le guitariste Cristobal Perez qui ont enchanté l’audience par des formes flamenco courtes, Aires de Antano, dans la tradition de leurs maîtres de l’ancienne école, re-visitant plusieurs styles pour notre plus grand bonheur www.talycual.fr) Bruno Ruiz (qui nous a entrainé dans les abysses de l’âme républicaine de son père avant de terminer mezzo-voce par la Paloma reprise par toute l’assistance dans un moment suspendu).
Los Republicanos, ce sont Laurent Rougé (cajon), Alex Gardey, Emmanuel de Sousa et Claude Martin (guitares), Dominique Montamat (basse et clarinette), Yannick Boudou (basse), réunis autour de Pierre Domengès (chant) dont la forte personnalité donne à ces chants républicains toute leur puissance et leur profondeur. Mais ils ne sont plus seulement des chants de marche ou de révolte, ils deviennent aussi des chansons de qualité à part entière qui nous séduisent par leur harmonie tout en nous interrogeant par leur engagement, toujours d’actualité. Ils le seront de plus en plus, vu la conjoncture historique et la déliquescence d’une majorité de politiques actuelles. En attendant, on se laisse entrainer avec plaisir dans leur rythme convivial. Nous attendons maintenant avec impatience le disque de ce groupe hors normes.
Contact : robindesbois65@orange.fr
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Mosaïca était en concert Samedi 9 avril à 21h à Roquettes Espace Jean Ferrat Chemin de Bordé Grosse 31120 Roquettes
Dans cette « rencontre aux sommets de l’Atlas et des Pyrénées », les musiciens de Mosaïca ont mis en commun leurs pratiques musicales, à la fois savantes et traditionnelles.
Revendiquant l’héritage occulté des interférences culturelles avec la civilisation arabo-andalouse longtemps voisine, ils déroulent des arabesques entre bourrées ariégeoises et chaâbi marocain, et interpellent le public par des échos fraternels aux accents berbères et béarnais entremêlés. Pour trouver la connivence au-delà de la différence et réaliser le rêve sonore d’une « nouvelle Andalousie ».
Avec :
Caroline Dufau : chant
Mounïm Rabahi : chant, guembri, percussions
Mickaël Vidal : accordéon diatonique, cornemuse, voix
Samir Hammouch : qanoun, percussions, voix
Brahim Dhour : violon, voix
Bona Akoto : percussions, voix
Florent Rousset : percussions, voix
En invitée spéciale, Fatima Msayeh : chant berbère
Contact : www.orgetcom.net/
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Wazis’s dream par John Trudell et Bad Dog
https://blog.culture31.com/2016/03/18/hommage-a-john-trudell/
Je vous ai déjà dit tout le bien que je pense de la Poésie de John Trudell mise en musique par Bad Dog. Même s’il a disparu à la fin de l’année dernière, il n’est pas trop tard pour découvrir sa discographie, en particulier son dernier disque.
Contact : www.johntrudell.com/
Reis glorios par les Sacqueboutiers de Toulouse
Sous titrée « L’influence de la musique arabe dans la mythologie occitane »,
Les pièces traditionnelles d’origines orientales alternent avec des musiques extraites des grands recueils occitans comme le Manuscrit d’Apt ou le fameux Livre Vermeil de Montserrat. Les chansons des troubadours Bertran de Born, Bernard de Ventadour, Giraut de Borneilh croisent des thèmes anonymes, qui ont traversé les siècles, comme cette Fanfare pour la croisade, la chanson Fauvel nous a fait présent, des estampies royales ou une suite instrumentales sur le cantus firmus Benedicam Domino. S’accompagnant sur son oud à l’expressivité incroyable, Driss El Maloumi, intègre dans ce riche programme des romances et déplorations arabes très touchantes qu’il chante avec une douceur infinie.
Contact : les-sacqueboutiers.com/
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De la Photographie italienne
Du 31 mars au 29 mai 2016, la Galerie du Château d’Eau présente deux figures majeures de la photographie italienne, Paola de Pietri et Mario Giacomelli.
Paola De Pietri nous propose des images en grand format de paysages dont la froideur apparente de la prise de vue laisse pourtant la place à l’émotion et s’apparente souvent à la peinture comme celle de Giorgio Morandi (1890-1964 ). Son travail réalisé dans les Alpes, sur la frontière du nord-est de l’Italie et de l’Autriche nous révèle les stigmates de la première guerre mondiale : murets, tranchées, abris creusés dans la roche à travers un paysage très varié constitué de forêts boisées de pins noirs, de pâturages et de lande pierreuse. On croirait entendre encore une chanson des Alpini, ces chasseurs alpins italiens, comme la Montanara, on sent un engagement profond pour témoigner des traces à peine perceptibles laissées par l’homme dans le paysage; inspirée par Mario Rigoni Stern (1921-2008), qui enfant cherchait à dénicher dans les entrailles de la terre, les échancrures des rochers, des cartouches, des éclats d’obus…, elle m’évoque aussi l’horizon chimérique de Jean de la Ville de Mirmont le poète aquitain mort à 28 ans en 1914 sur le Chemin des Dames, et tous ces soldats perdus dont il faut chercher les traces que la végétation a dissimulées:
A vivre parmi vous, hélas ! avais-je une âme ?
Mes frères, j’ai souffert sur tous vos continents.
Je ne veux que la mer, je ne veux que le vent
Pour me bercer, comme un enfant, au creux des lames…
Voilà ! Je suis parti plus loin que les Antilles,
Vers des pays nouveaux, lumineux et subtils.
Je n’emporte avec moi, pour toute pacotille,
Que mon cœur…Mais les sauvages, en voudront-ils ?
Quant à Mario Giacomelli (1925-2000) qu’on ne présente plus aux amateurs, son noir et blanc est célèbre et célébré, ainsi que ses séminaristes en soutane dans la neige ou ses pensionnaires nues de maisons de retraite. Avec sa chevelure blanche à la Ferré, il semblait trimbaler « una pena bianca senza rimedio », un chagrin blanc sans remède. Entre un réel oppressant, mais nié, et une sorte « d’arte povera », Mario Giacomelli a déployé un grand impact émotionnel, et l’art de la narration de notre condition humaine, écrivait Gil Pressnitzer à son sujet dans ses Esprits nomades. Dans son ouvrage aux Editions Contrejour, Claude Nori parle d’un langage à part entière plein de règles grammaticales. Sa petite fille, Katiuscia Biondi-Giacomelli, brillante philosophe, qui veille avec sa mère sur les archives de son grand père, contribue à faire une exégèse passionnante sur les graphismes de cet ancien imprimeur devenu passeur de rêves : connu dans le monde entier, cet artisan a laissé ses traces dans la neige tout autour de Senigallia dans les Marches qu’il n’a jamais quitté.
Contact : http://www.galeriechateaudeau.org
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Un film de Léa Fehner sur la vie d’artiste sans fard et sans filet
Les Ogres, ce n’est pas un conte de fées, c’est l’histoire (vraie) d’une troupe itinérante qui joue un Cabaret Tchekhov, montage d’extraits de l’Ours, de la Noce et de Platonov du grand dramaturge russe, avec ce « mélange de clairvoyance et de finesse dans le tragique des petits côtés de l’existence », d’impitoyable vérité dans la peinture de la vie quotidienne, toujours au bord du chaos mais aussi de la sublime beauté, qui caractérise le dramaturge.
Enfant de la balle, Léa Fehner (prix Louis Delluc en 2009 pour Qu’un seul tienne et les autres suivront) sait ce qu’elle filme, car elle est la fille d’un couple de théâtre emblématique de notre région qui portent à bout de bras depuis deux décennies une des dernières compagnies itinérantes, sans feu ni lieu.
Là aussi, Je vous ai déjà dit tout le bien que je pense de ce film :
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Un livre de Poésie et d’humanité:
Mon sang est un chemin, Mi sangre es un camino de Miguel Hernandez
Un immense poète, assassiné par la force brutale au front de taureau, encore un, à découvrir dans cette belle édition bilingue de Sara Solevilla.
Tout était bleu dans ces yeux-là, était
vert jusqu’à la tendresse, doré jusqu’à l’infini.
Parce que la couleur trouvait son incarnation première
à l’intérieur de ces yeux-là aux fragiles reflet.
E.Fabre-Maigné
21-IV-2016