La salle NOUGARO de Toulouse accueille à guichets fermés ce 10 février 2016 le concert de l’album MUSIQUE DE NUIT (No Format)
Depuis combien de temps ces deux-là nous enveloppent-ils de leurs songes légers et bienveillants? Le temps de monter lentement les marches, serait-on tenté de dire, de la chambre jusqu’au toit de la maison. Le temps d’une journée, entre la musique-papillon qui éveille dans la lumière du matin et la musique des rêveries auxquelles on s’abandonne dans la brise nocturne bienfaisante? De Chamber Music à Musique de Nuit, de 2009 à 2015 : quelques années à peine mais cette impression de deux anges posés depuis toujours au bord du monde, pas vrai ?
Leur histoire est un peu plus précise. Tous les deux sont les héritiers de cultures académiques traditionnellement tournées vers la conservation. Cependant, dans ce mouvement qui voit toujours les individus plutôt que les institutions pratiquer l’ouverture et pousser à l’innovation, Vincent Segal et Ballake Sissoko n’ont pas manqué la première occasion qui leur a été donnée de se rencontrer. Segal avait déjà pas mal baroudé avec son violoncelle depuis l’Opéra de Lyon, cueilli des sons, collecté des atmosphères, conçu pour «un-jour-peut-être» des harmonies et des tessitures métissées qui n’existaient pas encore. Ballake, ancien de l’Orchestre national du Mali, présentait avec grâce sur les scènes d’Europe le répertoire Mandingue et y accueillait volontiers des jumelages épisodiques. Si l’alliage du violoncelle et de la kora nous semble aujourd’hui naturel et indispensable, c’est à l’instinct, à la curiosité, et à la conversation soutenue entre ces deux hommes que nous le devons.
Une conversation démarrée dès le premier album sur la trame Mandingue, apportée comme une semence par Ballake Sissoko, et qui se prolonge aujourd’hui avec Musique de nuit. Frotté à toutes sortes d’accordages de ses racines classiques au jazz, au folk d’Amérique du nord, et à la musique brésilienne, Vincent Segal place sur cette proposition une réponse mélodique intuitive, harmonisée sur des airs tantôt formels (Prélude, Musique de Nuit), tantôt clairement improvisés (N’Kapalema, Diabaro – avec la belle voix de Babani Koné). Est-ce l’écrin de la nuit étoilée, l’intelligence des cœurs, ou la conscience apaisée de leur longue amitié qui favorise une telle osmose entre le violoncelle et la kora ? Sur certaines phrases elle brouille les pistes et laisse passer subtilement de l’un à l’autre la ligne mélodique et le soutien rythmique.
Ballake Sissoko et Vincent Segal comptent plus de 200 concerts ensemble et plusieurs dizaines de milliers d’albums de leur duo vendus dans le monde. C’est un petit phénomène, parti d’une conversation musicale improbable qui vient nous dire où elle en est. C’est également la marque du temps venu où le griot Sissoko ne peut plus vivre de sa fonction au Mali et doit consentir à de longues tournées internationales pour subvenir aux besoins de son clan familial resté au pays. Une culture change, d’autres se métissent, et se déplacent.
Les albums et les concerts de Sissoko et Segal demeurent un bonheur et une chance.
L’unique récital de la Salle Nougaro à Toulouse est annoncé complet. Toutefois, les conditions d’enregistrement de (plus de la moitié de l’album) Musique de Nuit sur le toit de la maison familiale de Ballake Sissoko, en bordure de Bamako, dans l’atmosphère nocturne et les bruits étouffés de la ville qui ne dort jamais, garantissent – à qui tend l’oreille ! – les conditions d’une belle méditation. At peace.
L’album Musique de Nuit présenté sur le site du label No Format
Pierre David
Un article du blog La Maison Jaune
Le mercredi 10 février à 20h30 – Salle Nougaro