« Paris – Willouby », un film d’Arthur Delaire et Quentin Reynaud
L’affiche fait irrésistiblement penser à celle de l’excellent Little Miss Sunshine. C’est vrai et faux à la fois. Vrai dans son visuel, faux dans son contenu qui n’a rien à voir.
Ce que nous proposent ces deux jeunes bordelais (30 ans de moyenne d’âge !) dans leur premier long s’apparente au genre road movie, genre rebattu qui connaît des hauts et des bas. Celui-ci s’approche sérieusement du podium des meilleurs pour pas mal de raisons. La moindre de celles-ci n’est pas la formidable justesse de ton qui se déploie à longueur de plans, de situations et de répliques. Porté par une distribution exemplaire, ce film nous amène sur un vrai Chemin de Damas. Dans un espace confiné, un immense 4×4, les réalisateurs entassent une famille pour le moins décomposée, à tous les sens du terme. Père, mère, demi-fratrie, oncle un rien déjanté s’en vont, bon gré mal gré, à l’enterrement d’un grand-père. Ils partent de Paris direction Willouby. Ne cherchez pas sur la carte, cette ville n’existe pas et n’est que la rescapée partielle et virtuelle d’un premier projet scénaristique qui se terminait en Angleterre. Contre mauvaise fortune, bon cœur, nos réalisateurs gardent cette destination improbable afin de donner une connotation onirique à ce voyage qui, dès lors, devient initiatique.
Au cœur de la tempête qui se déclenche dans ce véhicule, un pilier se dresse, inébranlable : Claire, la mère (Isabelle Carré comme toujours épatante). Encaissant les coups avec vaillance, elle tente de porter cette famille sur ses épaules. Positive jusqu’à l’extrême, elle essaie en permanence de repriser les mailles qui filent sur ce tissu fragile. A ses côtés, Maurice, son mari (Stéphane De Groodt parfait en prof de philo), n’ose lui dire qu’il va être muté à Poitiers. Il ronge son frein et supporte stoïquement l’embrasement permanent. Les enfants, Lucie, Alexandre et Prune, entre 8 et 20 ans, pas tous du même lit, vivent avec les problèmes de leur âge. Et puis, il y a Marc, le frère de Claire, l’oncle quadra, parasite de cette famille dans laquelle il s’est littéralement incrusté. Le vrai barré, c’est lui. En rupture depuis de longues années avec son paternel, que l’on enterre aujourd’hui, il n’a plus de repères et part à la dérive. Dans ce rôle, Alex Lutz, l’inénarrable Catherine quotidienne de Canal +, nous propose enfin une autre facette de son talent, une facette bien difficile à imaginer. Et c’est une réussite. Sans pathos aucun, il trace un portrait aux contours douloureux qui nous vaut une scène finale d’une émotion considérable. Un grand talent.
Teinté autant d’humour de situation que de poésie teintée de mélancolie et d’une touche d’onirisme, ce film, dans lequel affleure le vécu des réalisateurs, nous fait grâce des bons mots et privilégie l’authenticité des rapports humains. Empathie générale assurée !
Robert Pénavayre
Delaire et Q. Reynaud – Quatre mains qui n’en font qu’une
C’est par le biais d’amis communs que ces deux jeunes hommes, d’une petite vingtaine d’années alors, se sont croisés. En fait ce fut une véritable rencontre dont voici cinq ans après le résultat. Afin de donner plus de cohérence lors du tournage, ils ont écrit et réalisé leur premier long d’une seule main, à savoir que dans leur binôme n’existe pas la séparation technique et artistique. Entièrement story-boardé, leur film est d’une précision stupéfiante, le montage au cordeau ajoutant à l’efficacité autant dramatique que comique.