Reprise de « Press » à l’Usine de Tournefeuille, deuxième solo de Pierre Rigal imprégné de l’univers d’Etgar Keret
Après « Erection » et « Arrêts de jeu », deux spectacles qui le projetaient dans la sphère de la danse contemporaine, Pierre Rigal donnait naissance en 2008 à « Press », un solo dont il est l’interprète aux confins de la danse, du mime et de l’acrobatie. Après avoir été accueilli à deux reprises au Théâtre Garonne, « Press » a fait le tour du monde et s’installe pour quelques jours à l’Usine de Tournefeuille – en partenariat avec le Théâtre Garonne dans le cadre de «Bivouacs».
Le principe est implacable: enchâssé dans une boite aux parois blanches éclairée aux néons, un homme tout ce qu’il y a de plus classique et moderne (costume et cravate noirs) va devoir lutter pour sa survie dans cet espace vital qui ne cesse de diminuer inexorablement et de le compresser jusqu’à sa totale disparition. Ce combat est doublé d’une lutte acharnée avec un élément du décor, un bras articulé surmonté d’une lampe de bureau qui le nargue et autour duquel s’organise le dialogue chorégraphique. Un dialogue «homme-machine» qui voit l’homme se déshumaniser au fur et à mesure que la machine devient entité vivante.
La contrainte physique imposée par le dispositif et ses mutations successives, sur un corps à la recherche d’un équilibre sans cesse menacé, donne lieu à des séries de figures acrobatiques troublantes, ludiques ou oppressantes (à juste titre) mais toujours spectaculaires et graphiques. Nous retrouvons ainsi notre «man in black» défiant les lois de la gravité – la tête en bas et les pieds collés au plafond – prenant des pauses à la 007. Truffé de références cinématographiques, le spectacle est imprégné de l’univers d’Etgar Keret. Mettant en scène des personnages burlesques aux prises avec un monde absurde et cauchemardesque, les textes de l’écrivain, scénariste et cinéaste israélien ont en effet inspiré ce solo.
Pierre Rigal, souple et facétieux, joue avec son corps comme un mannequin, distendu, disloqué, désarticulé – et même étêté ! – ou comme un robot aux mouvements syncopés. Esthétiquement, on est saisi par les lignes noires épurées, dessinées par son corps élastique encastré dans la blancheur glaciale de l’habitacle, qu’accompagnent les tonalités métalliques anxiogènes de son partenaire de jeu, le guitariste Nihil Bordures. Emotionnellement, le spectacle met aussi fortement à contribution le spectateur qui y projette ses pires angoisses : claustrophobie, peur de l’abandon, de la solitude et même taphophobie [peur d’être enterré vivant, ndr] !
Si enjeu et tension dramatiques ont souvent fait défaut aux créations de l’artiste toulousain, Pierre Rigal livre ici un spectacle existentiel où le dispositif scénique, dépouillé, est au service d’un propos fort sur notre condition humaine. Un dispositif au centre duquel la maîtrise du geste est à son comble.
Sarah Authesserre
une chronique du mensuel Intramuros
Du 17 au 19 décembre, 20h30, à l’Usine, 6 impasse Marcel-Paul, Z.I. Pahin, Tournefeuille.
Tél. 05 62 48 54 77.
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photo: « Press » © Frédéric Stoll