Musée des Augustins & Espace Écureuil (42 rue du Languedoc) – jusqu’au 30 décembre
Minimal Nature, ce sont deux expositions simultanées dans deux lieux différents : l’occasion de voir les collections du musée des beaux–arts de Toulouse dialoguer avec des œuvres d’art contemporain, mais aussi d’admirer son Courbet et 3 autres de ses œuvres sorties des réserves hors les murs, au 42 rue du Languedoc (nouvelle adresse de l’Espace Écureuil, le temps des travaux place du Capitole).
Ce dialogue s’articule autour de l’ « idée de la nature » et illustre l’art minimal, l’art conceptuel et le land art, courants inauguraux de l’art contemporain, en associant des œuvres d’artistes emblématiques ou contemporains (Roger Ackling, Carl Andre, Iain & Ingrid Baxter, Laurence Cathala, Sabine Delcour, Hamish Fulton, Nancy Holt, Wolfgang Laib, Barbara et Michael Leisgen, Jochen Lempert, Sol Lewitt, Richard Long, Ludwig & Carole Nosella, Donald Judd, Clément Roche, Fari Shams, Sarkis, Nils Udo, Lawrence Weiner) à des tableaux classiques du musée des Augustins dans une perspective historique (Gustave Courbet, Josse II de Momper, Jean-Charles-Joseph Rémond, Axel Wilhelm Nordgren).
Depuis la peinture de paysage, expression de l’idée de nature la plus répandue jusqu’au XIXe siècle, jusqu’aux mouvements artistiques récents, l’artiste a toujours cherché à décrypter la nature, objet d’une quête artistique toujours renouvelée, qu’il a essayé de représenter à travers l’expression de sa propre conception.
Richard Long, Small White Peaks (1984), Salon Blanc du musée des Augustins
Au musée des Augustins, l’exposition est présentée dans les salons de peinture, accompagnée de cartels explicatifs très complets sur le courant de chaque œuvre et son sens.
La confrontation des époques et des styles invite le visiteur à des rapprochements ou oppositions formelles, engageant une réflexion sur le traitement du thème de la nature dans l’art.
Dans le Salon Rouge, la magie éphémère des vidéos de Sarkis avec Voyageur contemplant une mer de nuages, d’après Caspar David Friedich évoque la genèse d’une œuvre, le face-à-face entre la matière et la main créatrice, l’artiste recréant avec son pinceau chargé de pigments plongé dans un bol d’eau un tableau du célèbre peintre romantique allemand.
Sabine Delcour, Bas-reliefs #2 (2014), Salon Blanc du musée des Augustins
Les portraits du XVIIIe siècle du Salon Blanc accueillent à leur côté les photographies de Nils-Udo et Sabine Delcour, expressions des démarches et problématiques personnelles de leurs auteurs à propos de la nature.
En écho aux marbres des sculptures, la marmoréenne installation au sol de Richard Long Small White Peaks : un cercle de 2,20 m de diamètre composé de 44 blocs triangulaires, que l’on contourne pour l’observer, transformant le simple visiteur de musée en randonneur.
Espace de médiation, Salon Blanc & Laurence Cathala
Une belle initiative : l’espace de médiation aménagé pour l’occasion, qui permet de s’installer confortablement au milieu du salon pour feuilleter livret d’explications, fiches de salle et bibliographie en rapport avec l’exposition.
Le Salon Vert devient quant à lui l’écrin des expositions miniatures de Laurence Cathala avec The Ghost-writer (les expositions), installation in situ réalisée spécialement pour Minimal Nature, jeu d’écho de musées dans le musée s’adaptant à la scénographie existante.
The Ghost-writer (les expositions), (2015), Salon Vert
L’Espace Écureuil au Capitole se refaisant une beauté avec quelques travaux, ce sont donc les vastes et lumineux locaux du 42 rue du Languedoc qui accueillent le pendant de l’exposition des Augustins, réveillant œuvres d’art classique et contemporain par leurs apports respectifs.
3 grandes périodes de l’Histoire de l’Art y sont représentées : le volet classique avec les 4 œuvres prêtées par le musée des Augustins : Le ruisseau du Puits Noir de Courbet et 3 œuvres sorties des réserves (Scène de brigandage de Josse II de Momper, Philoctète blessé sur l’île de Lemnos de Jean-Charles-Joseph Rémond et Effet de lune d’Axel Wilhelm Nordgren) ; l’art contemporain des années 70 et 80 (courants minimaliste et conceptuel, land art); l’art actuel.
La vingtaine d’œuvres d’art contemporain a été prêtée essentiellement par les FRAC (Fonds Régionaux d’Art Contemporain).
Le point de départ de l’exposition, c’est le tableau de Courbet et sa représentation très contemporaine de l’idée de la nature, telle une sylvestre Origine du monde avec ce Ruisseau du Puits Noir sombre et luxuriant, répondant à la photographie de Sabine Delcour.
Sabine Delcour, Bas-reliefs #2 (2014) & Gustave Courbet, Le ruisseau du Puits Noir (1865-66)
Car au final, artistes d’aujourd’hui et d’autrefois parlent de la même chose dans ces œuvres : le positionnement de l’Homme et de la Nature, au cœur de leurs préoccupations artistiques, même si leur questionnement est différent.
Plus qu’une confrontation visuelle, la visite devient ici une incitation à la marche, à l’expérience de la nature dans un espace d’exposition face à des œuvres évoquant l’idée de la nature et non la nature elle-même : on y chemine au milieu des œuvres, comme une déambulation dans un paysage.
Carl Andre, Phalanx (1981)
On y retrouve, entre autres œuvres autour de l’idée de la nature et médiums divers, une installation de Richard Long avec son Cercle de pierres, univers miniaturisé de façon monumentale à nos pieds ; une autre création in situ de Laurence Cathala avec The Ghost-writer (Zero point hotel), reconstitution d’une chambre d’hôtel dont l’artiste a « designé » le papier peint ; l’Alphabet du soleil de Barbara et Michael Leisgen, dont les lettres ont été formées par le mouvement de l’appareil photo bougé devant le soleil afin de s’imprimer sur la pellicule ; l’étonnant Five Days de Fari Shams, traduction conceptuelle de l’intensité du phénomène de la lumière naturelle dans l’atelier de l’artiste, répondant à la palette de couleurs du tableau Effet de lune d’Axel Wilhelm Nordgren.
Barbara et Michael Leisgen, l’Alphabet du soleil (1977) & Richard Long, Cercle de pierres (1980)
Pas de cartels dans cette exposition, mais un plan de salle avec la légende des œuvres à prendre à l’entrée (une volonté de l’équipe afin de laisser le visiteur se confronter dans un premier temps à l’œuvre sans données extérieures).
Un livret est également disponible, présentant de manière complète les courants exposés.
Laurence Cathala, Sol LeWitt & J-C-J Rémond
À noter, cette initiative très sympa : ces ressources ainsi que celles du musée des Augustins sont accessibles en ligne sur le site de la Fondation.
Un espace de médiation–coin lecture très cosy est également proposé, pour feuilleter tranquillement les documents mis à disposition.
Plusieurs animations sont organisées autour de l’exposition dans les deux lieux (conférences, visites, lectures, ateliers pour enfants, ainsi que des « dissections sauvages » : RDV express de 15 minutes environ autour d’une œuvre avec la médiatrice de la Fondation.
Un bain de (Minimal) Nature où plonger en pleine ville, dans le cadre majestueux du musée des Augustins et contemporain du 42 rue du Languedoc !
Merci à Sylvie Corroler-Talairach, directrice de la Fondation Espace Écureuil, pour sa passionnante visite commentée.
Mariette Escalier
Fondation Ecureuil pour l’Art Contemporain
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