« Le Fils de Saul », un film de Laszlo Nemes
Octobre 1944. Le camp d’Auschwitz-Birkenau est devenu l’Enfer sur Terre. Ce film nous rive au regard d’un Sonderkommando. Foudroyant !
Le premier long du réalisateur hongrois Laszlo Nemes a été récompensé à plusieurs reprises, dont le prestigieux Grand Prix du dernier Festival de Cannes. Tourné en 40mm, et non en cinémascope, afin de ne pas détourner le regard de l’essentiel, ce film incroyable nous plonge, nous enfonce dans la barbarie nazie et plus particulièrement dans les coulisses de la Solution finale imaginée par Hitler et ses affidés afin d’éradiquer la population juive de la surface du globe. Pour ce faire, le cinéaste nous attache au plus près de Saul, l’un de ces Juifs sélectionnés par les nazis pour leur force et dont le travail consistait à diriger les prisonniers vers les chambres à gaz, les faire déshabiller, puis, la mort ayant fait son œuvre, transporter les cadavres vers les crématoriums. Même s’ils bénéficiaient pour cela d’un traitement presqu’humain, ces Sonderkommandos savaient que leur temps était compté (quelques mois) car ils étaient ensuite tués, manière expéditive de supprimer ainsi toute possibilité de témoignage de cette ignominie.
C’est un écrivain hongrois, Géza Röhrig, qui joue ici le rôle de Saul. Croyant reconnaître parmi les cadavres celui de son fils, il va se mettre en tête de lui donner une sépulture. Cette quête le hante pendant qu’il continue son « travail ». La caméra prend le parti de plans très serrés sur les protagonistes, ne laissant voir qu’en flouté l’horreur qui les entoure. Mais si les images sont diffuses, le son est d’un atroce réalisme… Il a fallu cinq ans au réalisateur pour aboutir à ce film, de fiction certes, mais extrêmement documenté, un film qui le concerne directement, ayant lui-même perdu une partie de sa famille dans ce camp. Les adjectifs manquent pour qualifier cette réalisation car il est légitime, eu égard au sujet, d’avoir peur de ne pas employer les bons. Techniquement c’est d’une cohérence et d’une intelligence tout simplement ahurissantes. Quant au regard de Saul, il va vous hanter pendant longtemps car, à travers lui, le cinéaste vous rend témoin de l’innommable. Une œuvre dure, tétanisante, mais indispensable.
Robert Pénavayre